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  • Dietmar Köveker

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  • Dietmar Köveker
    Directeur / Editor / Herausgeber

Qui n’aspire pas à être souverain dans son domaine ? C’est évidemment une question de pouvoir : celui du savoir-faire nécessaire à la maîtrise des règles en vigueur dans un métier, par exemple. Mais aussi celui de disposer des moyens techniques et des ressources matérielles indispensables à l’exercice d’un métier. Il s’agit enfin du pouvoir au sens proprement politique du terme : en tant qu’ « action sur d’autres actions », comme le dit Michel Foucault, soit de l’action sur l’action d’autrui, de tous les autres dans le cas de figure où le pouvoir est à son apogée. Cela dit, on peut effectivement se demander s’ils ne sont pas fous, ces Européens. Ou lâches ? À quoi pensent-ils lorsqu’ils renoncent tour à tour à certains droits souverains de leurs État-nations, au profit d’autres institutions appelées « communes », dont le statut politique et la dignité démocratique ne sont en rien avérés, à qui échoient désormais lesdits droits ? Pourquoi est-ce qu’ils renoncent volontairement aux pouvoirs si chers aux autres ? Le tout a commencé dans le domaine du commerce et des droits de douane, pour ensuite concerner la souveraineté proprement juridique, puis déborder, à la fin du dernier siècle, sur la sphère financière, avec l’adoption d’une devise commune. Il n’y va pas ici de détails qu’on pourrait mesurer à l’aune des dispositions de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) : jamais on ira aussi loin que les Européens, ont déclaré encore en mai 2005, au terme d’une de leurs réunions, les délégués participant aux négociations sur l’avenir de cette entente commerciale. Qu’est-ce qui pousse donc les Européens à mettre en péril leur souveraineté ? Avec quel espoir le font-ils, tandis que dans d’autres contrées du monde, au Québec par exemple, on juge important d’avoir des organisations politiques et civiques qui cherchent incessamment à recouvrer la souveraineté politique, considérée comme condition essentielle de l’affirmation nationale et de la sauvegarde du patrimoine culturel ? Quel est le rapport entre ces différents phénomènes ? Est-ce qu’il s’agit d’évolutions « contradictoires » ? Ou est-ce qu’elles témoignent au contraire de la valeur relative du concept de souveraineté, relative à des situations historiques et à des constellations politiques particulières exigeant des stratégies différentes ? S’il en est ainsi, qu’en résulte-t-il quant à ce concept crucial, en tant que tel, de la pensée occidentale ? Voilà le questionnement qui s’est trouvé à l’origine d’un colloque international et transdisciplinaire, à la fin de l’été 2006, à Montréal, sous l’intitulé « Lieux et emprises de la souveraineté, Approches canadiennes et européennes d’un concept-clé de la pensée politique ». Des chercheurs américains, canadiens et européens provenant de la sociologie, des sciences politiques, de l’histoire, des études littéraires, de la philosophie et des sciences juridiques se sont réunis pour discuter des différentes facettes du problème de la souveraineté. Cette livraison d’EUROSTUDIA, Revue transatlantique de recherches sur l’Europe propose une demi-douzaine d’articles issus de contributions à ce colloque, dont l’intégralité paraîtra par ailleurs en 2007 dans le cadre de la collection « Pensée allemande et européenne » du Centre canadien d’études allemandes et européennes de l’Université de Montréal. Les textes réunis dans ce numéro suffisent toutefois à mettre en évidence l’ampleur de la problématique. Olaf Asbach remonte, dans « Sovereignty between Effectiveness and Legitimacy, Dimensions and Actual Relevance of Sovereignty in Bodin, Hobbes and Rousseau », aux sources de la conception moderne de la souveraineté, pour renvoyer à l’arrière-plan de ce rappel historique le bien-fondé de la tendance actuelle à déclarer caduc le concept de souveraineté. Catherine Colliot-Thélène, dans « Après la souveraineté : que reste-t-il des droits subjectifs ? », …