Présentation. L’insurrection kabyle de 1871. Représentations, transmissions, enjeux identitaires en Algérie et en France[Notice]

  • Isabelle Guillaume

Ce dossier pluridisciplinaire s’inscrit dans le cadre du cent cinquantenaire de l’insurrection algérienne de 1871. Il est composé de six articles écrits à partir de l’objectif commun de cerner les représentations, les interprétations et la mémoire de cet événement en France et en Algérie. Depuis ce point de vue fédérateur, les différents contributeurs du dossier analysent des oeuvres et des sources diverses, qu’il s’agisse de romans, de représentations théâtrales, de chroniques ou de recueils poétiques. La matière historique que constituent ces événements se résume ainsi. Pour la France en guerre, depuis des mois, contre les armées allemandes coalisées autour de la Prusse, l’année 1870 s’achève sur un bilan négatif. Après Sedan, la capitulation de Napoléon III et la chute du Second Empire, le gouvernement républicain a échoué à repousser les armées qui ont envahi une partie du territoire français et à débloquer Paris alors assiégé. L’armistice signé le 28 janvier 1871 met fin à des combats dans lesquels ont été engagés, notamment, des régiments de tirailleurs algériens. Au cours du printemps 1871, la guerre franco-allemande se prolonge dans des affrontements sur l’autre rive de la Méditerranée. Dans un contexte d’épidémies, de famine et d’endettement, le départ d’une partie de l’armée d’occupation vers la métropole en guerre, les défaites militaires face à l’Allemagne, la chute du Second Empire, l’installation de la République qui est réputée favorable aux colons avides de terres nourrissent une résistance face à la domination coloniale. Appuyant la lutte du bachaga Mohamed El Mokrani qui est entré en guerre contre l’occupant le 16 mars 1871, le cheikh Ameziane El Haddad, qui dirige la puissante confrérie des khouans rahmaniyas, proclame le djihad pour libérer la Kabylie de l’envahisseur. Des environs d’Alger à la frontière tunisienne, les insurgés détruisent des fermes et des villages et ils attaquent différentes villes. L’envoi de renforts militaires pour réprimer l’insurrection fait basculer le rapport de forces en faveur de l’armée d’occupation. Après la mort de Mohamed El Mokrani, le 5 mai, et la demande de paix d’Ameziane El Haddad en juillet, la reddition des Zouara en septembre sonne le glas de l’insurrection. Dans un contexte où le traité de Francfort signé en mai 1871 a obligé la France à verser une indemnité de guerre de cinq milliards de francs-or et à céder l’Alsace et la Moselle à l’Empire allemand, la répression s’est accompagnée du versement d’une amende de guerre et d’une mise sous séquestre de terres qui seront revendues à bas prix. Elle s’est aussi traduite par des condamnations pour les chefs de l’insurrection qui ont été jugés comme des criminels de droit commun au cours de procès où les militaires des Bureaux arabes et la politique algérienne du Second Empire ont également été mis en accusation et tenus pour complices du soulèvement. À partir d’oeuvres et de sources diverses, les articles réunis dans ce dossier étudient comment cette matière historique constituée d’un enchaînement de défaites – de la France face au nouvel Empire allemand, de la politique française en Algérie, de l’insurrection initialement déclenchée par Mohamed El Mokrani – a nourri les imaginaires, les représentations et les constructions identitaires de part et d’autre de la Méditerranée au cours du xixe et du xxe siècle. Cette étude se situe dans le prolongement de différents travaux. Les représentations françaises de l’insurrection kabyle de 1871 se comprennent dans le contexte de la défaite face à l’Allemagne dont le souvenir a hanté les années 1870 à 1914. Claude Digeon a ainsi montré comment l’inattendu vainqueur de la guerre de 1870-1871 est devenu constitutif de l’image que plusieurs générations d’intellectuels et d’écrivains français ont transmise …

Parties annexes