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Mélanie Lozat et Sara Petrella (dir.). La Plume et le calumet. Joseph-François Lafitau et les « sauvages ameriquains », (Paris, Classiques Garnier, 2019, Pp. 293. ISBN: 978-2-406-08800-4)[Notice]

  • Ricarson Dorce

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  • Ricarson Dorce
    Université Laval

Joseph-François Lafitau, jésuite de Bordeaux né le 31 mai 1681, a fait des études de Philosophie, de Rhétorique et de Théologie. Le 10 avril 1711, Lafitau adressa une lettre au général de la Compagnie de Jésus, à Rome, afin de manifester son intérêt pour la mission de la Nouvelle-France. Sa demande a été agréée. Il arriva en Nouvelle-France en 1712 pour une riche expérience missionnaire. Il resta cinq ans dans la mission jésuite de Sault-Saint-Louis (Caughnawaga), sur les rives du fleuve Saint-Laurent. Il a fréquenté les Iroquois sur l’Île de Montréal et a exploré leurs coutumes. Il devint l’un des meilleurs experts en langues iroquoises. Observateur très curieux, il a posé des jalons pour une science des coutumes cherchant à analyser les moeurs des « Sauvages ameriquains » par rapport aux pratiques des peuples antiques. Le but de Lafitau était d’examiner certaines coutumes qui pouvaient expliquer l’ancien temps. Sa « science hiéroglyphique », dite aussi « science symbolique » avec ses sources iconographiques était une tentative de concilier religion chrétienne et science. Ses propositions théoriques ont été issues de ses différentes recherches de terrain et de ses stratégies de recherche documentaire. Entre 1722 et 1724, Lafitau produisît ses deux volumes, les Moeurs des sauvages ameriquains comparées aux moeurs des premiers temps. Sa démarche comparative fut très originale. Son érudition et ses capacités en techniques d’enquête furent extraordinaires. Ses différentes contributions scientifiques ont eu un retentissement considérable dans le monde savant. Méconnu par les figures emblématiques des Lumières, aujourd’hui les oeuvres de Lafitau préoccupent de plus en plus les ethnologues, anthropologues, philosophes, historiens, théologiens, etc. En 2019, sous la direction de Mélanie Lozat et Sara Petrella, respectivement docteure en Lettres et historienne de l’art, vient tout juste d’être publié, à la maison d’édition Classiques Garnier, un ouvrage collectif ayant pour titre La Plume et le calumet. Joseph-François Lafitau et les « sauvages ameriquains ». Ce texte collaboratif fait le point sur le système de Lafitau dont le but est de démontrer que Dieu existe dans toute société. Dans la préface du livre, Frank Lestringant, spécialiste des voyages français au Nouveau Monde au XVIe siècle et de la littérature des guerres de Religion, nous laisse comprendre que « l’existence de Dieu constitue tout à la fois le point de départ et l’aboutissement de la démonstration » (12). Dans l’introduction du livre, Mélanie Lozat et Sara Petrella reviennent sur le projet du jésuite consistant à mettre en relief l’histoire universelle du monde à travers la chrétienté. Pour elles, « les Moeurs participent de la construction d’un imaginaire colonial en même temps qu’elles influencent le champ de l’anthropologie physique » (17). Il n’est plus à démontrer qu’en Nouvelle-France, était à l’oeuvre un projet colonial ayant sapé l’héritage culturel des Premières Nations. Dans cette dynamique coloniale, ‘‘ il semblerait que la plume de l’écriture ait fait contrepoint au calumet des « Indiens », dans une tentative de conciliation dans un contexte de guerres ’’ (21). Cet ouvrage collectif se compose de trois grandes parties. La première, « Écritures plurielles », étudie la démarche de Lafitau et replace l’auteur dans son époque afin de bien appréhender ses propos. Philippe Borgeaud, historien des religions, dans son article « Lafitau écrivain », soutient que le missionnaire était un érudit et qu’il avait une méthode bien définie visant à mettre en exergue certaines pratiques retrouvées à la fois dans le Nouveau et l’Ancien Monde. Ces « coutumes caractéristiques » renvoient à « la preuve d’une dérivation directe » (31). En ce qui concerne Andreas Motsch, spécialiste en littérature comparée, son analyse met en évidence l’importance de …