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Michael A. Robidoux. Stickhandling through the Margins: First Nations Hockey in Canada. (Toronto, University of Toronto Press, 2012, Pp. 176, ISBN 978-1-4426-1338-6)[Notice]

  • Alexandre Turgeon

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  • Alexandre Turgeon
    Université Laval

Ces dernières années, les rapports entre colonialisme et modernité ont attiré l’attention de nombreux chercheurs, en particulier dans les Amériques, où la rencontre de l’Ancien et du Nouveau monde ne s’est pas faite sans heurts. Dans cet ouvrage, Michael A. Robidoux s’attaque à cette problématique en s’intéressant au hockey tel que pratiqué au Canada par les Premières Nations amérindiennes. Il faut dire que le hockey est lui-même issu d’un sport pratiqué à l’origine par les Amérindiens – la crosse –, à qui les Occidentaux ont par la suite donné la forme que l’on connaît aujourd’hui. On pourrait y voir un signe d’assimilation, les Amérindiens ayant depuis délaissé la crosse – sport ancestral – pour le hockey. Pour Robidoux, il faut plutôt y voir un signe d’intégration. S’inspirant du concept de la « double conscience » élaboré par William Edward Burghardt Du Bois, l’auteur émet l’hypothèse que le hockey constitue pour les Premières Nations ce qu’il appelle, à la suite de Walter Mignolo, une forme de border thinking. Selon lui, « [t]he notion of border thinking provides insight into this process of alternative knowledge formation and the construction of local identities in a global environment, where the local is often constructed through the tools provided by dominant culture » (20). Professeur agrégé à l’École des sciences de l’activité physique de l’Université d’Ottawa, Michael A. Robidoux s’intéresse depuis quelques années déjà au hockey dans une perspective ethnographique qui lui vient du doctorat en folklore qu’il a obtenu en 1998. En 2001, il a fait paraître aux McGill-Queen’s University Press un ouvrage tiré de sa thèse de doctorat, Men at Play: A Working Understanding of Professionnal Hockey, où il s’intéresse au regard que les joueurs portent sur leur propre sport. C’est au cours de ses travaux sur la question que l’auteur en est venu à s’intéresser au regard que les membres des Premières Nations portent sur le hockey. Cette recherche, menée dans les années 2000, l’a conduit à visiter deux communautés locales et à fréquenter cinq tournois, les uns d’envergure, les autres un peu moins, afin de brosser un portrait d’ensemble de la pratique du hockey parmi les Premières Nations amérindiennes sous toutes ses facettes. À la lumière de ses observations, Robidoux soutient qu’en pratiquant ce sport transformé par les Occidentaux, les membres des Premières Nations amérindiennes n’ont pas été assimilés. Bien au contraire, ils se le sont appropriés. Après quelques considérations théoriques auxquelles l’auteur consacre le premier chapitre, où il revient sur les notions de colonialisme, de modernité et de border thinking, Robidoux s’attaque à la démonstration de sa thèse dans les deux chapitres suivants. Nous le suivons tout d’abord alors qu’il fait la découverte et la connaissance de quelques communautés locales. Bénéficiant du soutien d’un informateur appelé tout au long du récit simplement « Don », l’auteur découvre les conditions dans lesquelles se pratique le hockey dans les communautés locales. Notons d’ailleurs que Robidoux ne se limite pas à ses seules observations. Ancien gardien de but, il a lui aussi chaussé les patins afin de partager la même expérience. Ce sport est vu comme une manière de discipliner les jeunes, de les éloigner à la fois du désoeuvrement et de l’ivrognerie, un fléau qui ravage les Premières Nations. À ce propos, l’auteur consacre quelques pages (29-33) à la communauté d’Alkali Lake en Colombie-Britannique, tristement célèbre. À la fin des années 1960, cette petite communauté a entièrement sombré dans l’alcoolisme, avant de sortir progressivement de cet enfer par la suite. Mais la renaissance de cette communauté, nous avertit l’auteur, est fragile, et son héritage, un poids lourd à porter. …