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Karine Hébert et Julien Goyette (dir.). Histoire et idées du patrimoine, entre régionalisation et mondialisation. (Québec, MultiMondes, collection Cahiers de l’Institut du patrimoine de l’UQAM, 2010. Pp. 314. ISBN 978-2-89544-178-6)[Notice]

  • Louis-Simon Corriveau

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  • Louis-Simon Corriveau
    Université Laval

L’ouvrage collectif dirigé par Karine Hébert et Julien Goyette, deux professeurs d’histoire à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), découle de la cinquième rencontre internationale des jeunes chercheurs en patrimoine organisée en 2009 en partenariat avec la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain et l’Institut du patrimoine de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Cette rencontre, qui s’est effectuée comme les quatre années précédentes sous la forme d’un colloque, a amené de jeunes chercheurs de différents horizons à se regrouper autour de questionnements partagés, abordant notamment les thèmes du temps et de l’espace. L’ensemble des études présentées dans cet ouvrage riche se penche sur diverses formes d’objets patrimoniaux, passant « des plus habituels aux plus inusités », tant matériels qu’immatériels : « traditions culinaires et philosophiques, maisons, théâtres, églises, oeuvres d’art, réalisations architecturales, biens archéologiques, vestiges de la période industrielle » (3). L’exploration de ces objets patrimoniaux et de ces thèmes a amené les auteurs à mettre de l’avant, directement ou non, trois formes de conciliations difficiles : « spécificité et universalisme, sauvegarde et diffusion, conservation et démocratisation », d’abord; « les représentations, à la fois antinomiques et complémentaires, des experts, des citoyens et des touristes », ensuite; « mémoire heureuse et mémoire honteuse, le nécessaire oubli et le devoir de mémoire », enfin (10-11). « Le patrimoine est une question jeune », peut-on lire en ouverture de l’ouvrage (1). Hébert et Goyette mettent l’accent sur la proximité que le patrimoine entretient avec la jeunesse, d’une part, et le présent, d’autre part. Le patrimoine est en effet apparu comme « mode spécifique d’appréhension du temps et de la matérialité » il y a quelques siècles et n’est un champ d’études que depuis quelques décennies (2). Cette dite « jeunesse » du patrimoine comme champ d’études implique que l’objet, les concepts et les méthodes ne fassent pas encore consensus. L’introduction propose une définition globale du patrimoine qui permet au lecteur de s’aventurer dans les différentes études sans se sentir dérouté. La conception du patrimoine s’est élargie à travers les âges, passant d’une transmission familiale à une transmission « sociale et même mondiale » (2). Le patrimoine — et les objets patrimoniaux — apparaissent alors comme une construction historique, étant toujours situé « dans un moment et dans un lieu » (3). En tant que construction, il est également un processus, la patrimonialisation connaissant différentes étapes, ce qui nous permet de « parler d’“économie” ou d’“écosystèmes” patrimoniaux » (3), suivant les termes utilisés par Lucie K. Morisset. Le patrimoine est, de plus, façonné à la fois par différentes structures (« économiques, politiques, sociales et culturelles ») et par des acteurs individuels (7), en plus de se camper dans l’universel et dans le local, créant une distance dans la reconnaissance patrimoniale régionale et internationale (8). Si le patrimoine est souvent associé à la quête de préservation et au passé, il est également et surtout un regard obsessionnel des sociétés contemporaines pour le présent, estiment Hébert et Goyette. Les Occidentaux meublent ainsi le présent à partir de vestiges du passé, ce qui vient avec différents actes de commémoration. C’est également en ce sens que le patrimoine se rapproche de la jeunesse, puisque, de nos jours, « les héritiers s’arrogent le droit de décider du contenu de leur héritage » (2). Cette mise en contexte conceptuelle étant faite, penchons-nous maintenant sur le contenu de cet ouvrage collectif. S’intéressant d’abord à l’arrimage entre patrimoine et politique, il aborde ensuite différents objets patrimoniaux, immatériels puis matériels, pour enfin conclure avec quelques réflexions sur le patrimoine et ses enjeux. S’il semble aisé de diviser les textes …