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Ethnography as Commentary. Writing from the Virtual Archive. Par Johannes Fabian.(Durham and London, Duke University Press, 2008. Pp. 140, ISBN 978-0-8223-4283-0)[Notice]

  • Isabelle Becuywe

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  • Isabelle Becuywe
    Université Laval et EHESS

Johannes Fabian est un auteur prolifique dont la contribution à l’anthropologie est originale. Professeur émérite d’anthropologie culturelle à l’Université d’Amsterdam, membre de l’Amsterdam School of Social Research, il est tout autant africaniste, chercheur en anthropologie linguistique, que théoricien de la temporalité, de la mémoire et de l’altérité. Son ouvrage disponible en français Le temps et les Autres se concentrait sur la temporalité dans l’écriture anthropologique. Il y expliquait notamment comment, après l’abandon de l’évolutionnisme qui faisait des « peuples primitifs » un « nous avant », les courants modernes de l’anthropologie ont maintenu avec leur objet ce qu’il nomme l’allochronie, une distance le renvoyant dans un autre temps. Les pratiques du récit anthropologique se sont en fait évertuées à détruire la co-temporalité de l’enquête pour l’enquêteur et l’enquêté. Depuis, il a entre autres publié Memory Against Culture, un recueil de conférences et d’articles récents dans lequel « Ethnography from the Virtual Archive » était la préfiguration d’Ethnography as Commentary. Le livre est court, 140 pages, notes, bibliographie et index compris, mais se révèle une introduction intéressante à la question de l’interprétation dans le discours ethnographique, ainsi qu’à la construction du document ethnographique en association à des archives virtuelles. Pour Johannes Fabian, il est certain que l’anthropologie et l’ethnographie sont profondément modifiées par la possibilité de mise à disposition des matériaux d’enquête sur Internet. En six chapitres, il nous en fait la démonstration et propose des pistes de réflexion qui interpellent notre pratique de l’anthropologie. ( Internet offre une revigorante ouverture à l’ethnologie. Le langage courant oppose souvent virtuel à réel, avec un sens dévalorisant pour le virtuel, et l’auteur rappelle que l’étymologie du mot – virtus, vertu – lui confère au contraire une connotation de force, d’efficacité. Il considère ainsi que les archives virtuelles ont plus de « force », de complétude que ne peut avoir l’écrit ethnographique jusqu’ici publié sur papier, en raison de tous les éléments hors du texte qui peuvent permettre une meilleure appréhension du savoir produit par l’enquête. Pour autant, il y a un changement de paradigme : aujourd’hui la diffusion de la recherche ethnographique implique aussi la diffusion des « matériaux » de recherche. Dans ce sens, il travaille depuis plusieurs années à l’élaboration d’un site en ligne de ressources ethnographiques : The Language and Popular Culture in Africa Archives (http://www2.fmg.uva.nl/lpca). Entreprises dans le cadre de ce projet, la transcription et la traduction en anglais d’un entretien qu’il avait conduit trente ans plus tôt est l’occasion pour Johannes Fabian de nous proposer de l’accompagner dans sa démarche. D’un certain point de vue, tout commence en 1974 au Zaïre (aujourd’hui République Démocratique du Congo), quand l’auteur fait appel à Kahenga, un « guérisseur », pour protéger sa maison des cambrioleurs grâce à un rituel de clôture. Il est à l’époque un jeune chercheur qui travaille sur la langue swahili utilisée par les mineurs au Katanga. À l’issue du rituel, il propose à Kahenga de revenir, pour un entretien cette fois – assez informel en fait. Il enregistrera la conversation, prendra des notes, fera des photos, et laissera le tout dans ses archives personnelles jusqu’en 2004. À cette date, il entreprend ce qu’il nomme une ethnographie tardive : la transcription et la traduction de cet entretien. Et pour remplir la mission qu’il s’est fixé, il replonge dans ses notes et dans sa mémoire. « Il n’y a pas d’autre possibilité que d’écrire une histoire ou des histoires », nous dit-il, « quand nous présentons ou re-présentons un savoir acquis et enregistré dans le passé ; il est impossible de rendre ce passé présent sans le …

Parties annexes