Recensions d'écrits

Pour en lire plus : Éduquer à l’environnement par l’approche sensible.[Notice]

  • Hugue Asselin

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  • Hugue Asselin
    Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté, Université du Québec à Montréal

L’éducation relative à l’environnement par l’approche sensible est une éducation forte de sens. Elle nous convie « à entrer dans le vivant d’une situation » en mobilisant nos sens ainsi que notre expérience personnelle et collective pour appréhender le milieu. S’appuyant sur le vécu de l’apprenant, passé ou immédiat, cette approche procède de manière inductive en invitant « à faire le départ avec le particulier et le local pour aller vers le principe et les lois générales ». La démarche vise notamment, à l’image du « sens commun » d’Aristote, à développer une perception des liens qui nous unissent à l'environnement à travers les différentes composantes de notre sensibilité. Elle favorise ainsi une reprise de contact avec nos sens et la reconnaissance de la valeur du senti, du ressenti et du pressenti pour donner, redonner et ajouter du sens à notre action. C'est dans ces termes imparfaits que nous pourrions tenter de résumer la très belle publication d'Édith Planche Éduquer à l'environnement par l'approche sensible : Art, ethnologie et écologie parue en 2018 aux éditions Chronique Sociale (Lyon). L’auteure réunit dans cet ouvrage de solides assises sur lesquelles elle construit de manière compétente sa proposition pour une éducation par l'approche sensible. C’est en effet, grâce à une documentation abondante et précise que le propos parvient aisément à congédier le réductionnisme qui, à l'instar du « monde technique et scientifique, ne voit que comme ornement ou luxe esthétique la culture des humanités » (p. 51) et tend souvent à confiner à la naïveté ou à la frivolité la sensibilisation en tant qu'action éducative. Pour ce faire, Planche procède dans un premier temps à une analyse des ruptures multiples au sein de notre monde, qu'elle résume habilement par la déconnexion entre l'humain moderne, le sol et le symbole. Elle introduit dans un deuxième temps une synthèse fort inspirante pour la construction d'une pédagogie du sensible en éducation relative à l'environnement. Les deux premiers chapitres explorent ainsi deux grands « divorces » : celui créé par une science rationaliste qui oublie suffisamment sa parenté avec les arts pour repousser, voire refouler le sensible et l'imaginaire (chap. 1) et celui qu’engendre un regard par trop rationnel qui admet la chosification du monde, réifiant du même coup la rupture entre nature et culture (chap. 2). Constituant la deuxième partie du livre, les chapitres suivants exposent un enchaînement de pistes éducatives distinctes, mais pouvant converger. Le chapitre 3 explore d'abord quelques balises pour une éducation relative à l'environnement par le sensible puis, à travers une série de stratégies pédagogiques, les derniers chapitres suggèrent de nombreux « ateliers » réunissant plus d'une centaine d'idées concrètes pour la planification d'activités et du même coup, donnant corps à trois approches spécifiques. Planche aborde ainsi en premier lieu une approche intime « Pour une éducation qui reconnecte avec soi » où le vécu du sujet et son expérience vivante servent de trame à l'éducation relative à l'environnement (chap. 4). Elle présente ensuite une approche artistique « Pour une éducation qui reconnecte avec le symbole » dans laquelle l'art peut se mettre au service de la science et la science au service de l'art, comme la nature peut être mise au service de l'art et l'art au service de la nature (chap.5). Puis, dans un sixième chapitre, Planche complète sa proposition avec une approche ethnologique « Pour une éducation qui reconnecte avec le sol », offrant le recul nécessaire pour aborder les « pensées de l'évidence » qui composent la culture et enfin plonger de manière critique dans cette culture et sa façon singulière d'habiter le « sol ». …