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Introduction

Chaque année, au Québec, 265 enfants en moyenne sont adoptés localement, par le biais des services de protection de la jeunesse[1]. La plupart de ces adoptions concerne de jeunes enfants initialement placés dans des familles d’accueil à vocation adoptive, appelées familles d’accueil Banque-mixte au Québec. Ces enfants sont généralement âgés de zéro à deux ans au moment de leur prise en charge et considérés par les services sociaux comme étant à haut risque d’abandon ou de délaissement de la part de leurs parents d’origine. Le présent article s’intéresse aux enjeux que posent, du point de vue des parents d’accueil, le partage des rôles parentaux et l’appartenance familiale de l’enfant dans ce type de placement. Il vise à mieux comprendre comment les parents d’accueil se positionnent dans l’espace familial et parental associé à l’enfant, et ce, tout au long de la période de placement précédant l’adoption. Il vise également à identifier quelles sont les perceptions et relations qu’entretiennent les parents d’accueil à l’égard des parents d’origine et, plus largement, de la famille d’origine de l’enfant.

Les fondements du programme Banque-mixte

Le programme Banque-mixte a été mis sur pied au Centre jeunesse de Montréal à la fin des années 1980, et a par la suite été implanté dans l’ensemble du Québec. Ce programme a pour principal objectif de permettre à des enfants à haut risque d’abandon d’être placés le plus tôt possible dans une famille stable et prête à les garder dans une perspective d’adoption. Si le programme Banque-mixte peut s’appliquer à des enfants de tous âges, il demeure dans les faits un recours plus fréquent pour les très jeunes enfants, c’est-à-dire ceux âgés de moins de deux ans au moment du placement (Hélie et al., 2020). À plusieurs égards, ce programme s’apparente au modèle de planification concurrente (concurrent planning) ou au programme de famille d’accueil à vocation adoptive (foster adoptive program) implantés aux États-Unis et en Grande-Bretagne (Chateauneuf et Lessard, 2015). Ce type d’approche consiste à orienter la famille d’accueil vers un projet d’adoption tout en travaillant la réunification familiale, de façon à ce que si le retour dans la famille s’avère impossible, un projet permanent ait tout de même été amorcé avec une famille d’accueil (D’Andrade et al., 2006 ; Edelstein et al., 2002 ; Noël, 2008). La stratégie d’une telle planification est de diminuer les placements et de permettre à l’enfant de créer le plus tôt possible, au cours de sa petite enfance, une relation significative avec des adultes qui, possiblement, deviendront ses parents (Boswell et Cudmore, 2017 ; D’Andrade, 2009 ; Frame et al., 2006 ; Wigfall et al., 2006). Pour atteindre ces objectifs, la planification concurrente propose de fonctionner de manière simultanée plutôt que séquentielle afin d’en arriver à un projet permanent qui aura été réfléchi dès le début du placement (D’Andrade, 2009 ; Gerstenzang et Freundlich, 2005 ; Kelly et al., 2007 ; Kenrick, 2009). Ainsi, les termes planification concurrente décrivent un « programme dans lequel on travaille simultanément à la réadaptation des parents biologiques et à l’adoption, avec des ressources intensives déployées pour chacune de ces éventualités » [traduction libre] (Kenrick, 2009 : 5).

L’espace parental et familial de l’enfant placé

Le programme Banque-mixte implique une période de placement plus ou moins longue au cours de laquelle l’enfant continue de côtoyer ses parents d’origine dans le cadre de visites supervisées en milieu neutre ou lors de sorties ou de visites au domicile de ceux-ci (la fréquence des contacts et leurs modalités peuvent varier considérablement d’une situation et d’un contexte à l’autre). Durant cette période de placement, la situation familiale de l’enfant placé en famille d’accueil à vocation adoptive s’apparente à plusieurs égards à celle de l’enfant placé à long terme et implique une redéfinition de l’espace parental et des appartenances familiales (Andersson, 2009 ; Montalto et Linares, 2011 ; Wissö et al., 2019). Les liens familiaux dans les cas de placement à long terme ne se substituent pas les uns aux autres, mais tendent plutôt à cohabiter et à fluctuer au fil du temps : « La parenté d’accueil ne se substitue pas à la parenté d’origine, mais elle s’élabore à côté de la parenté d’origine » (Potin, 2014 : 70). Pour illustrer ce partage de la parentalité en contexte de placement en famille d’accueil et la double affiliation qui s’y rattache, Chapon et al. (2018) proposent le concept de « suppléance partagée ». La suppléance partagée (de type « complétive », « délégative » ou « collaborative » selon la situation et l’historique de placement) implique un partage des fonctions parentales, éducatives et affectives, mais reconnaît la place et le rôle respectifs de la famille d’accueil et de la famille d’origine auprès de l’enfant. Par contre, comme l’indiquent ces mêmes auteurs, une suppléance partagée risque de glisser vers une substitution si les parents d’origine se montrent progressivement désengagés et absents de la vie de l’enfant (Chapon et al., 2018).

Ainsi, l’appartenance familiale en contexte de placement ne serait pas fixe et déterminée, mais plutôt définie et construite à travers les interactions, les pratiques et les relations qu’établit et entretient l’enfant avec les différents acteurs qui gravitent autour de lui (MacDonald, 2017 ; Wendland et Gaugue-Finot, 2008 ; Wissö et al., 2019). Les enfants placés évoluent dans un réseau complexe de liens familiaux (de nature juridique, spatiale, biologique, psychologique, temporelle) qui influent sur leur sentiment d’appartenance familiale (Biehal, 2014). Cette tendance à privilégier une vision dynamique des liens familiaux est d’ailleurs largement observée dans différentes études qui se sont intéressées aux points de vue des enfants et adolescents placés à long terme (Chapon, 2018 ; Ellingsen et al., 2012 ; Maaskant et al., 2016 ; Schofield et al., 2012). Les résultats de ces études montrent que de façon générale, les définitions de la famille privilégiées par les enfants incluent simultanément les parents d’origine et d’accueil, et que les différences identifiées entre les deux types de famille sont davantage liées aux rôles qu’occupent ces adultes auprès de l’enfant.

Le rôle des visites parent-enfant dans la définition de l’appartenance familiale

L’appartenance familiale de l’enfant placé est aussi souvent étudiée et discutée sous l’angle des contacts et des visites entre l’enfant et ses parents d’origine ou entre les familles d’origine et d’accueil (Atwool, 2013 ; Boyle, 2017 ; McWey et Cui, 2017 ; Sen et Broadhurst, 2011). Certaines de ces études ont mis en lumière différents facteurs et enjeux associés aux relations entre les deux types de famille et au partage des rôles parentaux. Par exemple, la capacité des parents d’origine et d’accueil à établir des relations positives basées sur le respect et la confiance mutuels est associée au partage de la parentalité et à la reconnaissance des rôles parentaux (Andersson, 2009; Chateauneuf et al., 2018 ; Hedin, 2015 ; Höjer, 2009 ; Neil et al., 2003 ; Neil et Howe, 2004 ; Nesmith et al., 2017). Les parents d’accueil qui se montrent ouverts, intéressés et empathiques envers les parents d’origine, et qui tiennent ces derniers informés de l’évolution et du développement de l’enfant ont aussi des relations plus constructives avec les parents d’origine (Hedin, 2015 ; Höjer, 2009 ; Neil, 2013). Parallèlement, les parents d’origine qui constatent que leur enfant est bien traité et bien intégré dans la famille d’accueil et qu’il évolue positivement se montrent aussi plus ouverts aux parents d’accueil (García-Martín et al., 2019 ; Hedin, 2015). Les pratiques de coparentalité axées sur la collaboration entre les parents d’accueil et d’origine permettraient à l’enfant de mieux négocier son appartenance familiale aux deux familles et favoriseraient une meilleure compréhension de son histoire et de son passé familial (Andersson, 2009 ; Fuentes et al., 2019 ; Leathers, 2002). Certains auteurs indiquent également que les relations positives et les pratiques de coopération entre les deux familles diminuent le risque que l’enfant soit confronté à un conflit de loyauté ou à des sentiments d’insécurité ou d’anxiété (Linares, 2010 ; Metha et al., 2013).

Les contacts entre les deux types de famille présentent tout de même des défis de taille. Différentes études ont identifié les facteurs associés à des relations plus complexes entre famille d’accueil et famille d’origine ou, au contraire, à une plus grande proximité entre elles. Chez les parents d’origine, les sentiments d’humiliation, de culpabilité ou d’infériorité ressentis en regard du retrait de l’enfant, la difficulté à reconnaître les problématiques personnelles ou familiales ayant mené au placement, ou encore la résistance ou les sentiments d’hostilité à l’égard des parents d’accueil représentent des obstacles à l’établissement de relations positives (Fuentes et al., 2019 ; Höjer, 2009 ; Montalto et Linares, 2011 ; Neil, 2006 ; Nesmith et al., 2017). Du côté des parents d’accueil, les perceptions négatives et les jugements entretenus à l’égard des problématiques ou du mode de vie des parents d’origine, le manque d’empathie et d’ouverture envers ces derniers, ou encore le sentiment de ne pas être reconnus et légitimés dans leur rôle parental, sont associés à des relations plus tendues (Chateauneuf et al., 2018 ; MacDonald, 2017 ; Neil et Howe, 2004 ; Nesmith et al., 2017).

Ainsi, le développement de relations positives ne reposerait pas entièrement sur l’une ou l’autre des familles, mais avant tout sur la capacité des acteurs impliqués à construire un espace d’échange axé sur le respect, la confiance et l’engagement mutuel (Hedin, 2015). Par ailleurs, plusieurs études mentionnent que les intervenants sociaux jouent aussi un rôle clé dans la communication et la gestion des enjeux familiaux en contexte de placement en famille d’accueil (Delgado et al., 2017 ; Montalto et Linares, 2011). Ces intervenants agissent non seulement comme intermédiaires entre les deux types de famille, par exemple lors de conflits ou de désaccords (Hedin, 2015), mais ils occupent aussi un rôle central en termes de soutien et de sensibilisation auprès des parents d’accueil (Collings et al., 2019 ; Fuentes et al., 2019 ; Morrison et al., 2011), et en termes de formation et de développement de leurs compétences (Esaki et al., 2012).

Le placement en vue d’adoption : des enjeux particuliers

Par rapport au placement à long terme, le placement en vue d’adoption présente des particularités notables, notamment en ce qui a trait au profil des parents d’accueil et à l’âge des enfants au moment du placement (Connell et al., 2006 ; Snowden et al., 2008). Ces parents accueillent de jeunes enfants, sont souvent peu expérimentés à titre de famille d’accueil et s’investissent intensément dans leur rôle parental, avec pour but d’adopter (Neil et al., 2003). Dans ces circonstances, le partage de l’espace parental représente un défi, d’autant plus que les enfants placés au sein de leur foyer continuent d’avoir des contacts ponctuels avec leurs parents d’origine. Dans certains cas, les visites parent-enfant sont maintenues durant quelques mois avant que puisse être entamé le processus d’adoption, alors que pour d’autres enfants, ces visites persistent pendant plusieurs années (Kenrick, 2010 ; McCaughren et McGregor, 2018 ; Monck et al., 2006 ; Noël, 2008 ; Pagé et al., 2008). Les situations de placement en famille d’accueil adoptive impliquent des visions de la parentalité parfois difficiles à concilier : d’un côté, celle du parent d’origine, qui, dans la plupart des cas, souhaite recouvrer la garde de son enfant ou du moins continuer de jouer un rôle parental auprès de lui; de l’autre, celle du parent d’accueil, qui souhaite adopter l’enfant et devenir parent à part entière (D’Andrade et al., 2006 ; McCaughren et McGregor, 2018 ; Pagé et Poirier, 2015).

Dans ce contexte, les parents d’accueil occupent une position précaire et parfois ambiguë au sein de l’espace familial et parental de l’enfant accueilli. Tout d’abord, ils ont à composer avec le risque que l’enfant retourne auprès de ses parents d’origine; cette incertitude est vécue difficilement par plusieurs parents d’accueil, qui craignent de perdre la garde de l’enfant (Carignan, 2007; D’Andrade et al., 2006 ; Pagé et al., 2019). Même si les parents d’accueil s’occupent quotidiennement de l’enfant depuis son tout jeune âge et ont le sentiment que celui-ci est un membre à part entière de leur famille, ils détiennent très peu de droits sur le plan juridique (Goldberg et al., 2012 ; Kelly et al., 2007 ; Pagé et Poirier, 2015). En ce sens, le partage de la parentalité, et plus spécifiquement les contacts avec les parents d’origine, sont souvent vécus comme un stress par les parents d’accueil (Edelstein et al., 2002 ; Kenrick, 2010 ; Monck et al., 2006). Plusieurs éprouvent d’ailleurs des sentiments complexes et parfois contradictoires à l’égard des parents d’origine : ils reconnaissent les difficultés des parents d’origine et font preuve d’empathie à leur égard (Kenrick, 2009 ; Monck et al., 2004 ; Neil et al., 2003), mais leur crainte de perdre l’enfant les amène en outre à percevoir ces derniers comme une menace à leur projet familial (Edelstein et al., 2002 ; Goldberg et al., 2012).

La définition des rôles parentaux et la tenue des visites s’avèrent tout aussi complexes à gérer pour les parents d’origine. Tout d’abord, ces derniers présentent pour la plupart des difficultés psychologiques et sociales importantes, et vivent aussi beaucoup de culpabilité et d’impuissance en lien avec le placement de leur enfant (Cossar et Neil, 2010 ; Neil, 2006 ; 2013). Dans les mois suivant le placement, ils prennent également conscience de la difficulté d’entretenir un lien significatif avec leur enfant et constatent souvent le désengagement émotif de celui-ci au profit d’un engagement envers la famille d’accueil (Cossar et Neil, 2010 ; Monck et al., 2006). Les parents dont l’enfant est placé en famille d’accueil à vocation adoptive seraient sensibles à l’attitude de cette dernière et apprécieraient avoir des nouvelles de leur enfant, mais percevraient tout de même les contacts comme « artificiels » et seraient conscients que la famille d’accueil veut avant tout adopter l’enfant (Monck et al., 2004 ; 2006). D’ailleurs, plusieurs parents d’origine dont l’enfant a été placé en Banque-mixte en très bas âge abandonnent progressivement les visites et finissent par ne plus se présenter aux rendez-vous fixés (Chateauneuf, 2015).

Le placement en famille d’accueil à vocation adoptive se déroule dans un contexte où la définition des rôles parentaux est plus complexe et ambiguë que dans le cadre d’un placement régulier. De plus, le transfert d’un enfant vers une famille d’accueil Banque-mixte change l’orientation de l’intervention professionnelle, dans la mesure où l’on passe d’une logique de placement à une logique d’adoption (Goubau et Ouellette, 2006). Ce passage expliquerait en partie la confusion dans la place et le rôle des parents auprès de l’enfant, puisqu’on retrouve du côté des parents d’accueil une parentalité sans droits, c’est-à-dire « des parents qui assument les soins quotidiens sans avoir l’autorité parentale », et du côté des parents d’origine, une parentalité sans enfant, c’est-à-dire « des parents d’origine qui, du moins légalement, conservent des droits, mais perdent toutes les occasions d’exercer leur parentalité au quotidien » (Pagé et Poirier, 2015).

À ce jour, plusieurs études sur l’adoption se sont penchées sur les relations entre les familles adoptives et d’origine dans un contexte post-adoption, mais peu d’entre elles ont examiné ces mêmes enjeux durant la période de placement précédant l’adoption. Pourtant, la définition des rôles parentaux et l’appartenance familiale tout au long de cette période sont déterminantes pour l’ensemble du processus d’adoption. Ces questions sont d’autant plus pertinentes que dans les situations de placement en famille Banque-mixte, la période précédant l’adoption dure plusieurs mois, voire quelques années.

Méthodologie

La présente recherche qualitative est de nature exploratoire et longitudinale. Elle vise à mieux comprendre comment, en contexte de placement Banque-mixte, se situe et évolue le degré d’ouverture et de communication des parents d’accueil en regard de l’adoption et du maintien des contacts avec la famille d’origine.

Collecte de données

Afin de répondre à cet objectif, seize cas de placement ont été sélectionnés dans trois régions administratives du Québec. La sélection des cas s’est effectuée en fonction d’un seul critère, soit que l’enfant ait été placé dans la famille d’accueil Banque-mixte au cours des dix-huit mois précédant l’entrevue. Ce critère visait à permettre de recueillir des informations en début de placement, avant l’amorce du processus judiciaire d’adoption, tout en allouant une période de temps suffisamment longue pour qu’une relation s’installe entre l’enfant et ses parents d’accueil.

Les participants ont été recrutés dans trois Centres intégrés (universitaires) de santé et de services sociaux [CIUSSS] du Québec. Pour chacun des établissements participants, une personne-ressource assurait le lien avec les chercheures responsables et collaborait au recrutement des participants. Elle informait les familles d’accueil Banque-mixte éligibles de la tenue du projet et transmettait les coordonnées des familles intéressées à l’équipe de recherche. Par la suite, un membre de l’équipe prenait contact avec un des parents pour lui expliquer en quoi consisterait la recherche et pour répondre à ses questions, puis pour convenir d’un moment où réaliser l’entrevue en personne. Pour chaque cas, les parents d’accueil, l’intervenant en charge du dossier de l’enfant ainsi que l’intervenant ressource ou adoption[2] en charge du suivi auprès de la famille d’accueil ont été rencontrés individuellement pour une courte entrevue[3]. Ces trois entretiens autour d’un même cas ont permis de trianguler les informations sur chaque situation à partir de trois points de vue différents (Flick, 2004). Par la suite, une seconde entrevue a été réalisée environ 18 mois plus tard auprès des familles d’accueil afin de voir comment la situation avait évolué, tant au plan de la démarche d’adoption qu’au plan de leur ouverture par rapport aux origines de l’enfant. Au total, 63 entrevues ont été réalisées, soit 48 entrevues au temps 1 (16 parents d’accueil Banque-mixte, 16 intervenants de l’application des mesures et 16 intervenants ressource ou adoption) et 15 entrevues au temps 2, car une seule famille d’accueil Banque-mixte n’a pas donné suite à notre relance. Dans le cadre du présent article, seules les entrevues réalisées auprès des parents d’accueil Banque-mixte aux temps 1 et 2 (N=31) ont été prises en considération, afin de centrer le propos sur le point de vue de ces derniers quant à la double appartenance familiale de l’enfant et à la définition de leur rôle parental.

Outil de collecte

Dans un premier temps, pour chaque cas étudié, des informations concernant les caractéristiques sociodémographiques des enfants, les motifs de prise en charge par la protection de la jeunesse, les problématiques de l’enfant et de ses parents d’origine, ainsi que l’historique de placement de l’enfant ont été colligées à partir des dossiers cliniques. Le tableau 1 présente les caractéristiques et profils des cas étudiés. Sur les 16 enfants dont la situation a été analysée, soit 10 filles et 6 garçons, 11 ont été retirés de leur milieu familial d’origine avant d’avoir atteint 6 mois de vie. La plupart des enfants ont intégré leur famille d’accueil actuelle alors qu’ils étaient âgés de moins d’un an et demi; en effet, seulement 6 enfants avaient plus de 12 mois au moment où ils sont arrivés dans leur famille d’accueil actuelle. Au moment du premier entretien, les enfants étaient âgés entre 5 mois et 4 ans; une majorité d’entre eux (n=12) était toutefois âgée entre 0 et 24 mois. Finalement, 11 enfants étaient placés dans des familles d’accueil hétéroparentales, 3 dans des familles homoparentales (couples d’hommes dans les trois cas) et 2 chez des parents seuls (femmes célibataires dans les deux cas).

Tableau 1

Profil et caractéristiques des cas (N=16)

Profil et caractéristiques des cas (N=16)

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Concernant les entretiens, un guide d’entrevue composé de questions ouvertes a été développé pour les fins de la présente recherche. Pour la première entrevue avec les parents d’accueil (temps 1), les thèmes abordés concernaient la relation avec l’enfant, les contacts entre l’enfant et sa famille d’origine, leurs perceptions des parents d’origine, leur intention de maintenir des contacts avec la famille d’origine après l’adoption et leur ouverture communicationnelle par rapport à l’adoption. Lors du deuxième entretien (temps 2), ces mêmes parents d’accueil ont été questionnés sur l’évolution de leur situation, tant sur le plan du processus de placement et d’adoption qu’en lien avec les différents thèmes abordés dans la première entrevue. Les entrevues du temps 1 (T1) ont duré entre 30 et 90 minutes, alors que les entrevues du temps 2 (T2) ont duré entre 25 et 90 minutes. La majorité des entrevues du T1 se sont déroulées au domicile de la famille d’accueil. Concernant les entrevues du T2, le tiers d’entre elles se sont déroulées par téléphone et les deux tiers restants, à domicile.

Stratégie d’analyse

Chaque entrevue a été transcrite intégralement et codée à l’aide du logiciel NVivo 12. Un arbre de codification a été constitué en fonction des principaux thèmes abordés lors des entrevues, soit 1) le contexte de placement, 2) les contacts actuels entre l’enfant, la famille d’origine et la famille d’accueil Banque-mixte, 3) les contacts projetés après l’adoption et 4) l’expérience spécifique de l’accueil dans le cadre du programme Banque-mixte. Chacun de ces thèmes a par la suite été subdivisé en catégories et sous-catégories. Cette première phase de codification a permis d’analyser l’ensemble du contenu des entrevues du temps 1 (T1). À la suite de la réalisation et de la transcription des entrevues du temps 2 (T2), l’arbre de codification a été revu afin d’y ajouter trois nouvelles catégories, permettant de tenir compte de l’évolution des procédures d’adoption, de l’expérience globale des parents d’accueil Banque-mixte et des contacts entre l’enfant et sa famille d’origine. Aux fins du présent article, trois catégories faisant partie du thème des contacts pendant le placement ont été analysées plus en détail, soit : les relations et le niveau de communication entre la famille d’accueil et la famille d’origine, les perceptions des parents d’accueil à l’égard de la famille d’origine et le degré d’aisance des parents d’accueil par rapport à la double appartenance de l’enfant. Le contenu de ces trois catégories a été soumis à une analyse plus détaillée à partir des principes de l’analyse de contenu thématique (Braun et Clarke, 2006 ; Fereday et Muir-Cochrane, 2006), un processus d’analyse de données qualitatives qui consiste à identifier et rapporter les principaux patrons de significations présents dans les données analysées de façon à rendre significatif le phénomène à l’étude. Cette analyse visait à répondre à la question suivante : comment les parents d’accueil Banque-mixte négocient-ils la double appartenance familiale de l’enfant (c’est-à-dire son lien avec eux et avec sa famille d’origine), et ce, tout au long du processus de placement pouvant mener à l’adoption ?

Résultats

Le tableau 2 dresse un portrait sommaire des cas étudiés et de l’évolution des situations entre les T1 et T2 en regard des contacts parent-enfant et des procédures d’adoption.

Tableau 2

Évolution des contacts et état des procédures

Évolution des contacts et état des procédures

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Les informations recensées indiquent que dans la plupart des situations, les contacts et visites parent-enfant ont diminué ou sont restés sensiblement les mêmes entre les deux temps. L’état des procédures varie passablement d’une situation à l’autre : alors qu’au T1 aucune adoption n’avait été prononcée, ni même le placement à majorité dans la plupart des cas, les situations au T2 ont changé : dans 7 situations, le processus d’adoption était entamé (n=4) ou complété (n=3). Sur ces 7 cas, 5 présentaient une absence complète de contacts avec la famille d’origine, 1 cas présentait un maintien des contacts avec les grands-parents, et un autre cas concernait une situation où une rencontre avec la mère était prévue pour que celle-ci puisse avoir un dernier contact avec son enfant avant le jugement d’adoption. Pour les 9 cas restants, 5 enfants étaient en situation de placement à majorité et 4 autres étaient toujours placés dans la même famille d’accueil Banque-mixte, mais le placement à majorité n’avait toujours pas été prononcé. Dans tous les cas, les enfants étaient toujours présents dans le même milieu d’accueil lors du T2. Par contre, dans une des situations étudiées, l’enfant était retourné vivre dans son milieu familial d’origine entre les deux entretiens, pour une période de quelques mois, avant de revenir dans la même famille d’accueil.

Qui sont les parents d’origine aux yeux des parents d’accueil ?

Les parents d’accueil ont, pour la plupart, eu différents types d’échanges avec les parents d’origine ; ils ont été en contact avec ces derniers lors de rendez-vous médicaux, de passages au tribunal, ou encore lors du transfert des enfants dans le cadre des visites supervisées. Ils ont aussi eu accès à certaines informations par le biais des intervenants. Les perceptions des parents d’accueil à l’égard des parents d’origine constituent une composante significative dans le développement de la dynamique familiale et parentale entre les deux familles. Dans l’ensemble, les parents d’accueil se montrent tolérants et empathiques envers les parents d’origine. Plusieurs insistent sur la grande vulnérabilité de certains parents et constatent qu’ils présentent des carences importantes dans plusieurs facettes de leur vie. Certains parents d’accueil constatent par ailleurs les limites des parents d’origine en termes de capacités et de compétences parentales. Ainsi les parents d’origine sont-ils souvent perçus comme des personnes bien intentionnées mais inaptes à s’occuper adéquatement de leur enfant : « Elle [mère d’origine] fait des efforts, elle veut et elle l’aime beaucoup [son fils], c’est normal. Mais c’est juste que tu ne peux pas donner ce que tu n’as pas. […] Quand on l’a rencontrée chez le médecin, là j’ai pu plus la voir dans ses limitations, ses faiblesses aussi » (FA6_T1). Le fait de mettre de l’avant les incapacités et les limites des parents d’origine, et non leur absence d’amour envers leur enfant, facilite en quelque sorte la justification du processus d’adoption et permet, pour certains parents d’accueil, de l’expliquer de façon plus positive : « On ne pourra jamais dire à [nom de l’enfant] que sa mère ne l’aimait pas. Ça, je trouve ça positif quand même. Ce n’est pas comme si elle l’avait abandonné. Elle a fait tout ce qu’elle pouvait, mais elle n’est pas capable. Je trouve, en partant… je trouve ça plus positif que s’il était abandonné » (FA2_T1). On retrouve aussi chez quelques parents d’accueil une forme de reconnaissance envers les parents d’origine associée à l’idée que sans eux, ils n’auraient pas pu avoir l’enfant qu’ils ont : « Moi, j’ai toujours eu beaucoup de respect malgré tout, parce que je me dis que c’est grâce à eux que [nom de l’enfant] est dans notre vie, dans le sens où c’est eux qui l’ont mis au monde. Fait que je ne peux pas... je ne peux pas les renier; c’est eux autres qui ont fait en sorte que [nom de l’enfant] soit né » (FA1_T1).

Les données indiquent à l’avenant que plusieurs parents d’accueil manifestent la volonté d’établir des échanges cordiaux et respectueux avec les parents d’origine, sans pour autant s’investir et s’engager dans le développement d’une relation :

Pour moi, ce n’est pas des mauvaises personnes, c’est juste des personnes qui ont… qui sont moins outillées dans la vie. Fait que d’aller jouer dans leurs bobos, de savoir pourquoi ils… Je ne l’ai pas, ce besoin-là, de savoir pourquoi ils sont comme ça, puis pourquoi… [Pour] moi, la finalité, c’est que ça me donne une fille extraordinaire, qui est [nom de l’enfant]. C’est tout ce que je sais et je n’ai pas besoin d’en savoir plus. (FA12_T1).

Cette tendance chez certains parents d’accueil à établir des limites claires entre les deux familles peut en outre être envisagée comme une façon de se protéger et de délimiter l’espace parental respectif :

Je considère que quand t’es famille d’accueil, ce qui se passe dans la vie des parents, ça ne te concerne pas. On n’a pas à juger, on n’a pas tous la même chance dans la vie. Fait que, la seule chose qu’on a en commun, c’est l’enfant. Fait que moi, je considère qu’il y a la mère de [nom de l’enfant], et il y a moi aussi : quelque part, je suis sa mère. Fait qu’on a ça en commun. Et moi, j’aime bien que les choses se fassent dans le respect (FA13_T1).

Dans les situations où les relations sont plus tendues, par exemple lorsque les parents d’origine s’opposent au placement et refusent de reconnaître leurs problématiques, ou encore lorsqu’un parent d’accueil se montre intolérant envers les parents d’origine, le climat rend les échanges difficiles et s’avère peu propice à une reconnaissance réciproque des rôles parentaux. Dans la situation ci-dessous, la mère d’accueil a été confrontée à quelques reprises à des réactions négatives de la mère et de la grand-mère à son endroit depuis le début du placement. Elle manifeste un manque évident de confiance à leur égard :

Je souhaiterais que les contacts avec la grand-mère soient supervisés aussi. […] Je soupçonne que la mère y va [aux contacts], mais elle [grand-mère] ne l’encadre pas plus. J’ai zéro confiance en leur parole […]. Présentement, elles ne représentent pas pour moi une bonne influence dans la vie de [nom de l’enfant]. C’est des personnes qui mentent, je ne les crois pas. C’est mon opinion d’elles (FA4_T1).

Dans certains cas, le mode de vie et les problématiques de consommation ou de santé mentale des parents d’origine sont un frein au développement d’un lien entre les deux familles. Cet obstacle s’explique, entre autres, par le fait que les parents d’accueil sont peu familiers avec les difficultés vécues par les parents ou qu’ils se trouvent indisposés par leur état ou leur situation personnelle.

Certains parents d’accueil manifestent de l’incompréhension à l’égard des parents d’origine, par exemple en ce qui concerne leur choix de vie ou l’adoption de comportements de délaissement vis-à-vis de leur enfant. Cette incompréhension est davantage présente dans les situations où l’enfant a vécu de la maltraitance et dans celles où les parents, malgré le retrait de leur(s) premier(s) enfant(s), ont continué à mettre au monde d’autres enfants qui, eux aussi, leur ont été retirés :

Au début, je ne comprenais pas comment quelqu’un pouvait ne pas s’attacher, ne pas vouloir être avec lui. Je ne comprenais pas, parce que c’est un bébé exceptionnel. On ne sait pas exactement pour quelles raisons, outre que la négligence […]. Je sais que les autres ont été mal nourris. Et son frère aussi avait un retard, il n’avait aucune expression faciale. Donc, sous-stimulation, j’imagine, et malnutrition (FA09_T1).

Les comportements négligents de certains parents d’origine à l’égard de l’enfant suscitent des réactions négatives, voire des jugements sévères chez quelques parents d’accueil et peuvent constituer un frein à leur ouverture aux parents d’origine.

Les craintes face à l’issue du placement : entre résistance et changement

Le placement en Banque-mixte amène son lot d’incertitudes pour les parents d’accueil : Comment l’enfant réagira-t-il aux contacts ? Est-ce que les parents seront en mesure de reprendre l’enfant ? Comment évoluera le processus vers l’adoption ? Ces craintes ont une incidence notable sur la position adoptée par les parents d’accueil et, ultimement, sur leur façon d’intégrer les parents d’origine dans leur définition de la famille.

Le placement en Banque-mixte met en interaction deux familles dont les objectifs par rapport au devenir de l’enfant sont rarement convergents, surtout en début de placement. Alors que les parents d’origine souhaitent généralement le retour de l’enfant, les parents d’accueil souhaitent quant à eux l’adoption de celui-ci. Dans certains cas, les parents d’accueil et d’origine arrivent difficilement à dépasser cette opposition et leur relation évolue dans un climat de compétition et de concurrence : « Leur objectif, c’est de ravoir la petite. Alors ils travaillent contre moi, dans le fond. Comme, dans les rencontres, des fois, ils peuvent répéter douze fois à [nom de l’enfant] son nom de famille » (FA12_T2). Aussi le contexte entraîne-t-il des sentiments contradictoires chez certains parents d’accueil, qui, tout en faisant preuve d’empathie envers les parents d’origine, se surprennent à souhaiter que ceux-ci échouent à reprendre l’enfant, cet échec étant directement lié aux chances que l’enfant puisse demeurer avec eux :

Je n’ai pas envie qu’elle [l’enfant] parte. Je ne veux pas qu’elle parte, je ne veux pas la perdre, cette enfant-là. Je tiens à elle […]. Présentement, il y a les rencontres à chaque semaine. Et là, tu te mets à avoir envie qu’elle [mère d’origine] rate la rencontre. T’as envie qu’elle soit absente, ou qu’elle soit en retard, et trop en retard puis que la rencontre soit annulée... Et ça, je n’aime pas ça, ressentir ça, avoir ce désir-là envers cette personne-là (FA16_T1).

La gestion d’une telle situation varie d’un cas à l’autre, certains parents d’accueil ayant accepté au fil des mois la présence des parents d’origine et d’autres ayant refusé de s’investir dans cette relation. Ce sentiment est exacerbé par le fait que l’enfant est généralement arrivé très jeune dans la famille d’accueil et que les parents d’accueil se sont rapidement identifiés comme ses principales figures parentales : « Moi, je me considère comme son père, et quand il lui arrive quelque chose de pas correct, et puis quand on la récupère à midi et demi et qu’elle n’a pas mangé, ou qu’elle n’a pas été changée, carrément, ça… j’aurais envie d’aller voir ces gens-là [parents d’origine] et de dire, “réveillez-vous, bougez-vous” » (FA8_T1). Ainsi, à plusieurs moments au cours du placement de l’enfant, les parents d’accueil seront mis devant le constat, parfois difficile, qu’ils n’exercent aucune ascendance légale sur l’enfant qu’ils accueillent et considèrent pourtant comme le leur :

Elle va tu nous manquer [si elle repart dans sa famille d’origine] ? Oui, mais on ne peut rien y faire. Cette expérience-là, c’est un peu... ça te rappelle que ce n’est pas toi, le parent biologique. T’as beau les aimer, t’as beau tout faire... Ton droit vient après. C’est ça qui n’est pas juste, aussi. […] Je trouve ça injuste, dans le sens que si elle part, si le juge ordonne : “OK, dans deux semaines elle retourne avec sa mère”, nous, on n’est plus rien. Zéro, on n’est plus rien. T’es tout une journée, et le lendemain, t’es rien (FA13_T2).

En revanche, dans certaines situations, particulièrement celles où les parents d’origine demeurent impliqués et assidus aux visites parent-enfant, les parents d’accueil revoient leur définition des rôles parentaux et mettent en perspective leur objectif d’adoption. Ainsi, certains mentionnent que le placement à majorité ou encore le transfert des attributs parentaux constituent des étapes peut-être plus importantes encore que l’adoption, dans la mesure où elles assurent aux parents d’accueil que l’enfant demeurera avec eux jusqu’à sa majorité : « L’adopter, c’est comme avoir un bonus. Si on peut avoir un placement à majorité, on va être bien contents » (FA6_T1). Ces changements dans la manière d’appréhender la parentalité permettent aux parents d’accueil d’apaiser leurs craintes, de gérer l’incertitude quant à la garde de l’enfant et d’envisager différemment leur statut de parents.

Dans une situation vécue par une autre famille, les parents ont accueilli l’enfant alors qu’elle était âgée de 18 mois, et près d’un an et demi plus tard, les parents d’origine sont toujours présents aux visites et impliqués dans le suivi de l’enfant, ce qui rend peu probable pour l’instant le projet d’adoption : « On regarde le topo et on se dit : “Ouais, ça va probablement juste être un placement [à] majorité, parce qu’il n’y aura pas d’accord sur l’adoption.” Mais, on se dit : “Bon, on est-tu capables de vivre avec ça ?” On garde [nom de l’enfant], on garde la relation avec les parents, tout ça. Pour l’instant, on se dit qu’on ne voit absolument aucun problème, fait qu’on se lance, go. » (FA14_T1). Rencontrés l’année suivante, les parents d’accueil confirment l’obtention du placement à majorité de l’enfant et entrevoient somme toute positivement le maintien des contacts avec les parents d’origine : « Elle a une visite à toutes les deux semaines. C’est à chaque deux semaines, c’est régulier, les parents sont tout le temps là. C’est une présence stable, c’est comme un oncle ou une tante. C’est important que les parents soient dans sa vie. Puis c’est important qu’ils soient encore là. C’est cent fois mieux que s’ils avaient sacré leur camp » (FA14_T2).

La double appartenance et les enjeux d’appellation

Pour plusieurs parents d’accueil, le partage de la parentalité crée certains malaises et peut difficilement être vécu sans heurts, surtout lorsque l’enfant se trouve en présence de ses deux familles : « C’est sûr que personne n’est à l’aise, là. Tu es dans une salle d’attente, tu vas porter ton enfant pour qu’il voie sa mère biologique. Dans notre tête, c’est déjà notre enfant, la seconde qu’on l’a pris dans nos bras c’était notre enfant, fait que… il y a quelque chose d’un peu étrange, là, à… donner ton enfant à sa mère » (FA2_T2). Pour ces familles, les contacts avec les parents d’origine peuvent être vécus comme des moments stressants ou embarrassants : les enjeux relatifs à l’appellation « papa » ou «  maman » illustrent cette ambigüité : « Puis nous, devant elle [mère d’origine], avec [nom de l’enfant], on réagit comment ? Parce que pour lui, on est ses parents ! On est papa et maman... Mais devant elle, me faire appeler “maman”, c’est malaisant » (FA7_T2). Cet aspect semble difficile tant pour les parents d’accueil, qui considèrent l’enfant comme le leur, que pour les parents d’origine, qui sont confrontés à la perte de leur enfant au quotidien. Une mère d’accueil raconte comment les grands-parents d’origine, chez lesquels l’enfant a séjourné plusieurs mois avant d’être placée en famille d’accueil Banque-mixte, se sont montrés ouvertement en désaccord avec le fait que la fillette appelle la mère d’accueil « maman » : « La grand-mère m’a dit [au retour d’une visite] : “Vous savez qu’elle vous appelle maman ?” “Oui.” Fait que là, elle a dit : “J’aime pas ça. J’aime vraiment pas ça.” Je ne savais pas quoi dire, j’étais vraiment toute... je ne savais pas ! Je me posais plein de questions. Je ne voulais pas parler, parce que je ne voulais pas me mettre les pieds dans les plats » (FA12_T2).

L’inconfort vécu en lien avec le partage de la parentalité peut amener le parent d’accueil à éviter les contacts avec les parents d’origine ou encore à souhaiter que la période de placement soit réduite, pour s’épargner à eux-mêmes et épargner à l’enfant de devoir vivre trop longtemps dans cet entre-deux : « Je pense que ce n’est pas sain de rester dans une situation où deux parents veulent avoir un enfant. Ça, ça devrait être écourté le plus possible. Je ne dis pas du jour au lendemain, mais [dans un délai d’au] maximum un an, ça devrait être réglé. Un enfant a besoin de savoir où il s’en va » (FA16_T1). Ainsi certains parents d’accueil considèrent-ils que l’adoption implique d’emblée une coupure avec la famille d’origine et que pour cette raison, ils ne devraient pas s’investir outre mesure auprès des parents d’origine : « Tu ne peux pas toujours cheminer dans le passé non plus, là. C’est peut-être mieux comme ça. À un moment donné, il faut faire une coupure, là. Je veux dire, on ne peut pas adopter non plus les parents des enfants qu’on adopte » (FA13_T1).

Si les appellations parentales « papa » et « maman » peuvent être à la source de conflits ou de malaises entre les parents, elles peuvent aussi servir de formule pour distinguer les rôles de chacun et établir une forme de respect entre les deux familles. Dans une des situations de placement où l’enfant a été pris en charge par un couple d’hommes, un de ces derniers raconte comment le fait d’être une famille d’accueil composée de deux hommes a en quelque sorte facilité le partage et la définition des rôles avec la mère d’origine : « Il n’y a pas de compétition, fait que [nom de l’enfant], il a ses deux papas, puis il a sa maman, et on ne peut pas se voler le rôle de l’un, de l’autre. Tu comprends ? Fait que je pense que ça aussi, ça permet peut-être d’enlever certaines tensions, qui n’existent pas pour nous à ce niveau-là » (FA6_T2). Pour les parents d’accueil qui se montrent ouverts aux parents d’origine et qui acceptent d’inclure ces derniers dans leur définition de l’espace familial, ce partage semble se dérouler plus aisément : « On lui dit qu’il a une maman-bedon, qui l’a porté dans son bedon, puis que ce n’était pas facile pour elle de le garder, alors elle a accepté que nous, on devienne son papa de cœur et sa maman de cœur » (FA7_T2).

La position des intervenants sociaux, une influence sous-estimée ?

La position et le point de vue des intervenants sociaux impliqués dans le suivi de l’enfant peuvent influencer considérablement les contacts entre les deux familles, de même que la qualité des relations entre parents d’origine et parents d’accueil. Dans plusieurs cas, les parents d’accueil considèrent les intervenants comme des personnes de référence et se fient en partie à ceux-ci pour se faire une idée des parents d’origine : « La façon qu’elles [les deux travailleuses sociales] en ont parlé, de la mère, ça nous rassure. On ne sent pas qu’elles-mêmes ont un préjugé là. La façon qu’elles ont abordé ça, j’ai senti que c’était très respectueux de leur part, et en même temps, moi, ça me fait sentir que, OK, j’ai raison d’avoir du respect [pour la mère d’origine], tu comprends ? » (FA7_T1). Cette tendance à se rallier à l’opinion de l’intervenant(e) à l’égard des parents d’origine ou à s’y référer pour savoir comment interagir avec eux est d’autant plus présente chez les parents d’accueil Banque-mixte qu’ils ont pour la plupart très peu d’expérience comme famille d’accueil. Dans la situation décrite ci-dessous, l’intervenante assure aux parents d’accueil qu’elle les soutiendra dans leur choix de maintenir des liens avec la famille d’origine ou de ne pas le faire. Mais elle ajoute par la même occasion ne pas voir la pertinence du maintien des contacts. Ainsi, au moment d’entamer les procédures d’adoption, les parents d’accueil choisiront de couper complètement les liens avec la famille d’origine :

L’intervenante nous dit : « Le lien n’est pas là, il n’y a pas de lien d’attachement. » Elle avait de la misère à voir vraiment le lien, je pense. […] Fait qu’elle n’était pas vraiment pour ça [le maintien des contacts post-adoption]. Elle a dit : « C’est à votre discrétion. Si vous autres, vous pensez que c’est une valeur ajoutée, on va vous appuyer là-dedans, mais si vous pensez que ce n’est pas une valeur ajoutée, on va vous appuyer là-dedans aussi » (FA2_T1).

Pour ce qui est du partage des renseignements, les intervenants sont tenus de respecter des normes de confidentialité. Par conséquent, plusieurs informations relatives aux parents d’origine ou au passé de l’enfant ne sont pas divulguées à la famille d’accueil. Ces mesures limitent la connaissance que peuvent avoir les parents d’accueil des parents d’origine et influencent, dans certains cas, leur façon de percevoir ces derniers. Par exemple, une mère d’accueil raconte qu’on lui a attribué le statut de famille d’accueil confidentielle, sans pour autant lui expliquer les motifs de cette décision, ce qui l’amène visiblement à spéculer sur l’état ou les attitudes de la mère et à se méfier de cette dernière :

Fait que je me dis que s’ils ont rendu ça confidentiel… Tu sais, moi, ils ne m’ont pas donné les raisons pour lesquelles j’étais rendue [une famille d’accueil] confidentielle ! Puis je sais que ce n’est pas tout le monde qui l’est. Fait que je me dis : « C’est quoi, la raison ? » Là, ce que j’ai compris, et je ne sais pas si c’est diagnostiqué ou pas, mais je sais que la mère est comme bipolaire. (FA12_T2).

Dans quelques cas, les parents d’accueil ont manifesté de l’ouverture envers les parents d’origine et étaient disposés à les rencontrer, mais les intervenants se sont montrés réticents à encourager cette rencontre. Une telle réserve de la part des intervenants sociaux se manifeste de diverses façons et repose sur différents motifs; dans certains cas, les intervenants suggèrent aux parents d’accueil de ne pas trop s’investir auprès des parents d’origine, dans la mesure où leur aide complique l’évaluation des capacités des parents d’origine et peut retarder le processus d’adoption. Dans d’autres situations, les intervenants craignent la réaction des parents d’origine et préfèrent ne pas mettre les deux familles en contact direct. Dans l’extrait ci-dessous, une mère explique qu’elle aurait souhaité que l’intervenante organise une rencontre officielle avec la mère d’origine, mais que l’intervenante anticipait une réaction négative de la mère et n’a pas donné suite à cette demande de la mère d’accueil :

Moi, honnêtement, je trouve que ce serait une bonne idée de faire des rencontres parce que des fois, ça rassurerait les parents biologiques puis, nous… Je comprends qu’il peut y avoir des familles d’accueil qui ont des préjugés et qui ne veulent pas les rencontrer. Moi, pour ma part, j’aurais aimé la rencontrer [la mère d’origine] puis, au moins, on sait… on en saurait un peu plus (FA5_T1). […] Je trouve que ç’aurait été sain pour les parents biologiques d’au moins mettre un visage à ceux qui s’occupent de leur enfant, et qu’ils voient qu’on a des bonnes intentions et que les enfants sont bien. Mais je pense que pour les intervenantes, c’est compliqué, là, à… à organiser (FA5_T2).

Les propos que tiennent les intervenants sur les parents d’origine, ou encore la description qu’ils font de ces derniers aux parents d’accueil, sont nécessairement incomplets et teintés de leur propre vision des choses. En ce sens, les rencontres entre les deux familles peuvent permettre aux parents d’accueil comme aux parents d’origine de se défaire de certaines idées préconçues et de voir d’eux-mêmes qui sont les personnes qui gravitent autour de leur enfant :

C’était positif, je te dirais, de la rencontrer, parce que c’était comme plus rendu un être humain que juste un dossier. Tu peux dire : « Oui, j’ai eu tort [de juger cette mère]. J’ai vu la personne au complet ». Mais on voit un peu ses limitations, aussi. Ç’a été positif par rapport à ce qu’ils nous ont présenté comme dossier au début, de la connaître, de voir à qui on a affaire, aussi, d’où vient notre [nom de l’enfant], aussi (FA6_T1).

Les pratiques des intervenants sociaux quant au degré d’ouverture à favoriser entre les familles et quant à l’attitude à adopter auprès des parents biologiques varient d’un intervenant à l’autre, certains étant plus enclins que d’autres à permettre ou à voir d’un bon œil les échanges entre les deux familles :

Avant que les droits parentaux soient retirés, juste avant, la travailleuse sociale avait organisé une rencontre familiale. On était conviés, nous deux, mon mari et moi, et [nom de l’enfant]. Il y avait le frère à [nom de l’enfant], qui est plus vieux, avec sa famille d’accueil, et le frère qui est plus jeune avec sa famille d’accueil, aussi. Puis la mère était conviée aussi. Mais la mère ne s’est pas présentée (FA7_T2).

Devant les variations de pratiques et d’opinions chez les intervenants sociaux en regard des contacts entre familles d’accueil et familles d’origine, il est difficile de dire si ces différences s’appuient sur des considérations cliniques – telles que les caractéristiques des parents ou le profil de l’enfant –, sur des disparités en termes de compétence ou de formation clinique, ou simplement sur des différences relatives aux valeurs et aux croyances personnelles des intervenants mêmes.

Discussion

Le contexte de placement en famille d’accueil Banque-mixte pose des défis de taille au maintien des contacts et au développement de relations positives et durables entre les familles d’accueil et d’origine. Le placement des enfants en très bas âge, les problématiques vécues par les parents d’origine, leur difficulté à maintenir leur engagement dans le suivi et dans les visites auprès de l’enfant et, inversement, l’investissement soutenu des parents d’accueil et leur désir d’être reconnus comme parents accentuent ces défis. Or, malgré des conditions parfois difficiles de partage des rôles parentaux, l’enfant placé en famille d’accueil Banque-mixte continue d’appartenir à deux familles, et les parents d’accueil sont nécessairement appelés à donner un sens et une définition à cette double appartenance (Chapon, 2011 ; Jones et Hackett, 2012 ; MacDonald, 2017 ; Potin, 2014). Dans la présente étude, l’attitude des parents d’accueil à l’égard des parents d’origine est variable. Si quelques parents d’accueil font état de relations difficiles ou conflictuelles avec les parents d’origine, plusieurs rapportent des relations plutôt neutres ou positives. La plupart du temps, les relations entretenues entre ces familles demeurent minimales, la majorité des parents d’accueil préférant s’en tenir à des échanges respectueux et cordiaux, mais somme toute limités. Un constat similaire est relevé par Ande Nesmith et ses collègues (2017) dans leur étude sur les relations entre parents d’accueil et d’origine en contexte de placement; selon ces auteurs, les parents d’accueil qui démontraient de la sympathie envers les parents d’origine ne développaient pas nécessairement de relations étroites et significatives avec ces derniers, mais étaient en mesure de mieux comprendre leurs comportements et sentiments par rapport au placement de leur enfant.

De plus, la perspective longitudinale adoptée dans le cadre de la présente étude a permis de documenter l’évolution des situations et des procédures. En effet, la tenue d’une deuxième entrevue avec les parents d’accueil, environ dix-huit mois après la première entrevue, montre que les situations étudiées ont évolué de façon diverse en regard des visites parent-enfant et des procédures d’adoption. Dans certains cas, les parents d’origine ont cessé de se présenter aux visites avec l’enfant, le processus d’adoption a été entamé et les liens entre les deux familles ont été rompus. Dans les situations où les parents d’origine ont maintenu le contact avec l’enfant, certains parents d’accueil ont modifié leur façon de percevoir ou de concevoir leur projet d’adoption. Quelques parents s’accommodent de rapports difficiles dans l’attente de l’adoption, tandis que d’autres semblent enclins à accepter la présence des parents d’origine quelle que soit la perspective d’avenir. Ces situations mettent en évidence la malléabilité des dynamiques familiales (MacDonald, 2017 ; Wissö et al., 2019) et de la définition des frontières biologiques, juridiques et psychologiques de la famille et des rôles parentaux (Biehal, 2014).

Dans la plupart des cas étudiés, le partage des pratiques parentales est asymétrique : les liens entre les parents d’origine et l’enfant sont généralement ténus et le demeurent dans la durée, alors que les parents d’accueil assument la prise en charge quotidienne de l’enfant et acquièrent rapidement l’impression d’être les principaux parents de celui-ci. Les parents d’origine ne sont pas pour autant évincés de l’équation familiale aux yeux des parents d’accueil ; ils jouent un rôle déterminant dans la définition de l’identité de l’enfant, souvent reportée à un futur plus ou moins rapproché. Dans cette optique, les parents d’accueil entrevoient positivement le fait de connaître ou d’avoir connu les parents d’origine, de savoir qui ils sont et d’où ils viennent, dans la mesure où cela leur permettra de mieux répondre aux éventuelles questions de l’enfant concernant ses origines. Cette tendance est aussi observée dans l’analyse de l’évolution de la réforme du régime québécois de l’adoption : les auteures de cette étude constatent qu’en adoption, les enjeux identitaires sont davantage considérés et reconnus que les appartenances familiales de l’enfant (Ouellette et Lavallée, 2015).

Si le placement à long terme et le placement en vue d’adoption présentent certaines similitudes en termes de stabilité et de permanence, ils se distinguent tout de même en regard de leurs objectifs de placement (Goubau et Ouellette, 2006 ; Neil et al., 2003 ; Triseliotis, 2002). Alors que les parents des familles d’accueil régulières sont appelés à « travailler » conjointement avec les parents d’origine (souvent même dans l’optique d’un retour de l’enfant dans sa famille d’origine) et qu’ils sont conviés à ne pas essayer de prendre la place des parents biologiques auprès de l’enfant (Delgado et al., 2017), les parents d’accueil des familles à vocation adoptive sont sélectionnés pour leur potentiel d’engagement et d’implication à long terme auprès de l’enfant (Kenrick, 2010 ; Monck et al., 2004). Ainsi, le placement en famille d’accueil à vocation adoptive crée une tension complexe entre, d’un côté, le maintien des liens existants entre l’enfant et ses parents d’origine, et de l’autre, le développement de nouveaux liens d’attachement entre l’enfant et ses parents d’accueil (Kenrick, 2009 ; MacDonald et McLouglin, 2016 ; Ouellette et Goubau, 2009). Cette tension se traduit de différentes façons dans les résultats de la présente étude : par des appréhensions vécues de part et d’autre à l’idée de perdre l’enfant; par un sentiment de compétition entre parents d’origine et parents d’accueil dans l’établissement des rôles parentaux; par des malaises liés aux enjeux d’appellation et au fait que l’enfant nomme ses parents d’accueil « papa » et « maman »; par des sentiments contradictoires qui habitent certains parents d’accueil, lesquels, tout en démontrant de l’empathie envers les parents d’origine, savent que la présence de ces derniers peut ralentir ou contrecarrer leur projet d’adoption. En effet, les relations entre les deux types de famille sont complexifiées par le fait que l’adoption peut difficilement se concrétiser si les parents d’origine demeurent présents et impliqués dans la vie de l’enfant (Pagé et al., 2019). Par conséquent, le placement en vue d’adoption pose le risque que les parents d’accueil adoptent des comportements antagonistes et qu’ils se montrent peu enclins à soutenir les parents d’origine ou à collaborer avec eux (Montalto et Linares, 2011). Cette réaction s’explique aussi sans doute en partie par le fait que les parents d’accueil qui reçoivent des enfants en très bas âge et qui ont accueilli peu ou pas d’enfants dans le passé sont ceux qui se montrent les plus engagés envers l’enfant qui leur est confié (Dozier et Lindhiem, 2006).

La nature dualiste du placement en vue d’adoption pose aussi certains défis aux intervenants sociaux, qui doivent simultanément soutenir les efforts de réunification familiale et travailler à la permanence du placement, ce qui est entrevu par certains comme des démarches difficiles à concilier (D’Andrade et al., 2006). Dans la présente étude, à quelques exceptions près, les intervenants demeurent peu enclins à mettre en place des pratiques ou des mesures favorisant le développement de relations entre les deux familles. Il semble justifié de se demander si cette position ne relève pas d’une tendance à considérer les contacts entre elles comme contraires aux objectifs du placement en Banque-mixte. Pourtant, à plusieurs égards, les intervenants jouent un rôle important dans le développement et la qualité des contacts entre les familles d’accueil et d’origine : ils peuvent favoriser la culture d’un sentiment de respect et de confiance entre les deux familles; amener les parents d’origine à mieux accepter le placement de leur enfant; sensibiliser les parents d’accueil aux nuances qui accompagnent le statut des parents en protection de la jeunesse; persuader tous les parents impliqués de la nécessité de se concentrer sur les besoins et intérêts de l’enfant; rassurer les familles et calmer les tensions vécues de part et d’autre (Collings et al., 2019; Fuentes et al., 2019 ; Hedin, 2015 ; Ryan et al., 2006 ; Whenan et al., 2009). En contexte de placement Banque-mixte, l’application de stratégies cliniques et d’interventions inclusives pourraient éventuellement faire augmenter le nombre d’adoptions par consentement et favoriser des pratiques d’ouverture en adoption. À cet effet, certaines études ont démontré que les perceptions et les relations entretenues entre les familles d’accueil et d’origine pendant la période de placement ont une influence sur le fait de maintenir des contacts post-adoption ou de ne pas le faire (Faulkner et Madden, 2012 ; Luu et al., 2019), et que les parents adoptifs qui vivent de l’anxiété ou de la détresse dans le processus d’adoption sont plus enclins à adopter une posture fermée en regard des parents d’origine et à avoir une perception négative de ces derniers (Frasch et al., 2000). Ultimement, les résultats observés quant au rôle joué par les intervenants professionnels impliqués dans le suivi d’enfants placés en famille d’accueil Banque-mixte soulèvent la question de la formation professionnelle. En effet, l’acquisition de compétences liées plus spécifiquement à ce type de placement permettrait sans doute aux intervenants sociaux de mieux négocier les enjeux familiaux et parentaux qui lui sont rattachés.

Conclusion 

Le placement en famille d’accueil à vocation adoptive pose des défis particuliers et fait parfois l’objet, tant au Québec qu’ailleurs, de critiques sévères, particulièrement en regard du respect des droits et des intérêts de chacune des parties impliquées (Ouellette et Goubau,  2009 ; Ward et Smeeton, 2017). Aussi la fragilité de cet équilibre se répercute-t-elle dans l’espace familial et parental : le placement en famille d’accueil Banque-mixte implique des parents d’accueil dont les motivations initiales sont fondées sur l’adoption, des enfants très jeunes à haut risque de délaissement, et des parents d’origine présentant une grande vulnérabilité. Les spécificités du placement en Banque-mixte doivent être reconnues et assumées, mais ne devraient pas pour autant empêcher la mise en place de pratiques qui, à défaut de permettre l’intégration des deux familles, puissent au moins s’appuyer sur la reconnaissance des fonctions et rôles parentaux que peuvent occuper les parents d’accueil et d’origine auprès de l’enfant.