Jean-Paul Brodeur

Surveiller et punir (1976)[Notice]

  • Jean-Paul Brodeur

Note introductive

En 1975 paraît Surveiller et punir, de Michel Foucault. L’ouvrage aura l’effet d’un pavé dans la mare de la criminologie, pour plusieurs raisons, mais pour deux en particulier. La première est qu’un intellectuel internationalement respecté y fait une histoire de la prison qui révèle le fonctionnement sociopolitique d’une institution dont on ne voulait jusqu’alors savoir que deux choses : fait-elle diminuer le crime ? et, est-elle « humaine » ? Or, Foucault démontre que le fait de poser ces questions, qui n’ont que l’apparence d’une critique de la prison, vient au contraire renforcer les fondements conceptuels de son existence, qui ne sont jamais remis en question : les crimes existent, on ne peut pas les réparer, il faut donc agir sur leurs auteurs. La seconde raison qui fit de Surveiller et punir un must read pour les criminologues est la mise en cause radicale de leurs savoirs et de leurs pratiques, leur discipline, qui sert à réifier une série de choix politiques ayant pour but de renforcer le déséquilibre de pouvoir entre dominants et dominés. Ses sujets principaux, prisonniers, délinquants, criminels, victimes, prisons, policiers, etc., elle les prend tout bonnement comme des réalités naturelles en ignorant les processus, interactions et structures qui les produisent. Dans sa revue du livre, Jean-Paul Brodeur relève, compare et critique avec brio les principales thèses de Foucault. Il passe en revue les trouvailles, les oublis et les principales failles méthodologiques et logiques du philosophe, apportant un éclairage hors pair sur l’ouvrage. Un ouvrage qui, somme toute, reste d’actualité : la criminologie n’a pas changé, la prison non plus. L’analyse qu’en fait Brodeur, elle aussi, aurait pu être écrite la semaine dernière. Par exemple, un passage sur la collusion entre syndicats, crime organisé, fonctionnaires et politiciens est tellement d’actualité qu’on s’en arrache les cheveux. Et on peut parier que, comme en 1976, peu de criminologues s’y intéresseront, contrairement aux thèmes à la mode comme les prédateurs sexuels, les pédophiles ou même les « cybercriminels ».

StéphaneLeman-Langlois

Chaire de recherche du Canada en surveillance et construction sociale du risque, École de service social, Université Laval

stephane.leman-langlois@svs.ulaval.ca

Parties annexes