Notes de lecture

PICHÉ, Victor, et Céline LE BOURDAIS, dir. 2003. La démographie québécoise. Enjeux du XXIe siècle. Presses de l’Université de Montréal.[Notice]

  • Richard Marcoux

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  • Richard Marcoux
    Département de sociologie
    Université Laval

Moins de six ans après sa création, le Centre interuniversitaire d’études démographiques (CIED) nous offre ici un ouvrage remarquable. En regroupant certains des chercheurs de ce centre, Victor Piché et Céline Le Bourdais ont dirigé les travaux d’une synthèse magistrale sur les questions démographiques québécoises du 20e siècle. En effet, les « enjeux du XXIe siècle », annoncés par le sous-titre de l’ouvrage, n’occupent qu’une petite partie des travaux qui sont présentés ici et qui s’appuient, en fait, sur un brillant travail d’analyses détaillées et de synthèse des tendances démographiques majeures qui ont caractérisé le siècle passé, un siècle qui fut particulièrement riche en termes de bouleversements sociaux, politiques, économiques et, évidemment, démographiques. Parmi les huit chapitres, quatre nous paraissent majeurs en ce sens qu’ils consistent à faire un bilan de chacun des quatre principaux paramètres démographiques : la mortalité, la fécondité, la nuptialité et la migration. Triste champion de la mortalité infantile durant le 19e siècle, le Québec a, peu à peu, mis en place des mesures conduisant à faire reculer la mort. Robert Bourbeau et Mélanie Smuga examinent finement dans le premier chapitre l’évolution des schémas de mortalité et des différents types de décès de façon à nous permettre d’apprécier les effets des progrès considérables que le Québec a connus en matière d’hygiène et de soins de santé. Les notions plus complexes de rectangularisation des courbes de survie, de transition épidémiologique, d’espérance de vie en bonne santé et d’inégalités devant la mort sont également abordées dans un style clair et complètent admirablement le contenu de ce chapitre. Évelyne Lapierre-Adamcyk et Marie-Hélène Lussier nous invitent quant à elles à examiner les tendances qui ont caractérisé le siècle passé en matière de fécondité. Une bonne partie de l’analyse qui nous est présentée ici repose sur les résultats d’un tableau synthèse fort intéressant qui présente les effets de différents facteurs sur la fécondité : structure par âge, nuptialité, fécondité des mariages, fécondités hors mariage. Tout en nuances, les analyses des deux auteures permettent de rendre compte des bouleversements considérables qui se sont déroulés au sein de la famille québécoise et qui ont conduit à la chute vertigineuse qu’a connue la fécondité. Désirant aller au-delà de l’analyse descriptive, on propose cinq paradigmes interprétatifs à la fin de ce chapitre. Cela nous permet de mieux comprendre les transformations de la fécondité qui ont touché le Québec, mais également l’ensemble du monde occidental, faut-il le rappeler. Le seul bémol que j’ajouterais concernant ce chapitre a trait à son titre, qui ne rend pas justice, me semble-t-il, à l’analyse subtile qui nous est offerte ici. « De la forte fécondité à la fécondité désirée » suggère un continuum temporel, le passage d’une fécondité incontrôlée à une fécondité en contrôle; or, les auteures montrent bien que la forte fécondité pouvait aussi être désirée. Le chapitre d’Yves Péron sur le mariage complète à merveille le précédent. Tous ceux et celles qui ont pu suivre les cours et séminaires de Monsieur Péron retrouveront ici le pédagogue exceptionnel du Département de démographie de l’Université de Montréal. Dans un style clair et précis, avec une plume vivante, Monsieur Péron nous présente une synthèse des transformations de cette institution centrale de l’histoire de la société qu’est le mariage. Saisons, guerres et crises, calendrier des unions, célibat définitif, divortialité et, enfin, unions libres sont autant de sujets qui sont analysés, décortiqués et présentés à partir d’indices transversaux et longitudinaux. La dernière section, consacrée aux enjeux, conduit l’auteur à un constat qui devrait nous faire largement réfléchir : « c’est au nom de l’intérêt de l’enfant que pourrait disparaître un …