Comptes rendus bibliographiques

VANDERMOTTEN, Christian et VANDEBURIE, Julien (2005) Territorialités et Politique. Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 395 p. (ISBN 2-8004-1358-1)[Notice]

  • Frédéric Lasserre

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  • Frédéric Lasserre
    Université Laval

Cet ouvrage se propose d’emblée d’examiner les « rapports dialectiques entre le pouvoir, l’espace et la production de ce dernier » à travers différentes échelles de temps. Se plaçant résolument dans le champ de la géopolitique, les auteurs précisent avec raison que ce domaine constitue « un fourre-tout qui couvre un vaste champ d’analyse, voire la simple description de faits politiques », depuis que le terme est devenu à la mode et synonyme de relations internationales, voire de schéma d’explication trop souvent simpliste des structures de ces relations. Les auteurs rappellent pertinemment à quel point la géopolitique est souvent invoquée par des non-géographes qui se servent du caractère prétendument objectif des données dites naturelles pour faire jouer un déterminisme archaïque dans l’explication des phénomènes politiques ; ou encore comme alibi commode à des raccourcis scientifiques douteux. Après une critique de la géopolitique classique et de ses fonctions idéologiques, ce livre examine, dans une approche malheureusement très historique, l’évolution des rapports dialectiques entre le pouvoir, les formations sociales et la production de l’espace, dans les temps longs de l’histoire. Il articule formation du système-monde et construction des États-Nations. S’il s’attache aux liens entre formation économique et formation politique dans l’espace et dans le temps, il ne néglige pas pour autant la sphère en partie autonome des représentations et des processus de légitimation. C’est pourquoi il s’attarde longuement sur la géographie électorale, en particulier à l’échelle européenne. Un chapitre s’intéresse spécifiquement à la géographie politique de la Belgique. L’ouvrage se termine par un examen systématique de la place des États contemporains dans l’ordre politique mondial. Il débouche sur des interprétations des ordres et désordres géopolitiques. La première partie revient sur l’histoire de la géopolitique, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours, selon une approche critique fort appréciable, quoique manifestement largement inspirée par Claude Raffestin (Géopolitique et histoire, 1995). Les auteurs soulignent bien les contingences épistémologiques de l’évolution du discours géopolitique, sans toutefois parvenir à trancher sur la différence potentielle (à mon avis inexistante) entre géopolitique et géographie politique. De plus, en intitulant ce premier chapitre « Les géopolitiques classiques », les auteurs auraient-ils eu la prétention de produire une approche de la géographie politique en rupture avec tout ce qui s’est écrit sur la question ? On peut leur laisser le bénéfice du doute, mais il est certain que le reste de leur discours, pour intéressant qu’il puisse être, ne constitue pas vraiment une révolution dans la façon de concevoir le rôle que tiennent, dans la production politique et sociale des territoires, les rapports entre pouvoir (encore trop souvent conçu comme incarné par l’État) et espace. Le second chapitre aborde « les territorialités antérieures à la mise en place du système-monde », dans un effort intéressant d’étude des rapports qui peuvent se nouer entre pouvoir et espace. Mais, en voulant faire un tour d’horizon du monde en 20 pages, cette revue historique suppose de très nombreux raccourcis qui laisseront sur leur faim les lecteurs désireux d’approfondir les processus sociaux et politiques qui structuraient la mise en place des rapports entre pouvoirs et espace. En particulier, est passée sous silence toute la littérature sur la formation concentrique des États d’Asie du Sud-Est et sur la problématique de l’évolution du concept de frontière en Chine, où, contrairement à une tenace idée, le concept de frontière linéaire a pu coexister dans certaines conditions et à certaines époques avec l’idée d’un empire non borné par les cultures barbares. Le chapitre 3 se concentre sur la formation de l’État moderne en restant très orienté vers le monde européen. Cet accent permet de préciser, …