Présentation. Habiter le monde : matérialités, art et sensorialitésIntroduction. Inhabiting the World: Materialities, Art and SensorialitiesPresentación. Habitar el mundo : materialidades, arte y sensorialidades[Notice]

  • Véronique Dassié,
  • Marie-Luce Gélard et
  • David Howes

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  • Véronique Dassié
    Aix-Marseille Université, Centre national de la recherche scientifique, Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative, Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, 5, rue du Château de l’Horloge, BP 647, 13094 Aix-en-Provence cedex 2, France
    Veronique.DASSIE@cnrs.fr

  • Marie-Luce Gélard
    Université de Paris, Faculté des sciences humaines et sociales – Sorbonne, Institut universitaire de France, Centre d’anthropologie culturelle (CANTHEL EA 4545), 45, rue des Saints-Pères, 75270 Paris cedex 06
    mlgelard@yahoo.fr

  • David Howes
    Department of Sociology and Anthropology, Concordia University, 1455, boulevard de Maisonneuve Ouest, Montréal (Québec) H3G 1M8, Canada
    Faculty of Law, McGill University, Chancellor Day Hall, 3644, rue Peel, Montréal (Québec) H3A 1W9, Canada
    david.howes@concordia.ca

Ce numéro thématique, intitulé « Habiter le monde. Matérialités, art et sensorialités », propose de revenir sur l’intérêt grandissant des anthropologues à l’égard du sensoriel à l’aune des univers dans lesquels il se déploie. Si les manières d’habiter les espaces domestique et public ont depuis longtemps interpelé les ethnologues (Augé 1992 ; Segalen et Le Wita 1993 ; de Certeau 1994 ; Segaud, Bonvalet et Brun 1998 ; Bonnin 2002 ; Chevalier 2002), les mobilisations sensorielles dans le cadre de ces pratiques restent encore bien souvent dans l’ombre. L’intérêt pour les univers sensoriels est aujourd’hui un champ de recherche en plein essor. La revue Anthropologie et Sociétés peut être considérée comme pionnière dans ce domaine puisqu’elle publie dès 1990 un numéro spécial intitulé « Les “cinq” sens », sous la direction de David Howes (1990b). Les contributions interrogent le régime des valeurs sensorielles initié par l’historien Alain Corbin qui signe, dans ce même numéro, un texte programmatique dans lequel il évoque déjà une « anthropologie sensorielle » en devenir (Corbin 1990). « Ordres sensoriels » et « hiérarchies sensorielles » ainsi que « techniques des sens » y apparaissent pour la première fois, des termes désormais classiques. Les ethnographies des sens proposées dans ce numéro demeurent, aujourd’hui encore, des références majeures (Classen 1990 ; Howes 1990a ; Leavitt et Hart 1990 ; Stoller et Olkes 1990). On notera également en 2006 la parution d’un second numéro spécial concernant les sens, « La culture sensible », codirigé par David Howes et Jean-Sébastien Marcoux (2006a), et un troisième, « Champs sonores », publié en 2019 sous la direction d’Alexandrine Boudreault-Fournier, où le « virage sensoriel » illustre le passage d’une attention aux « sens » à un questionnement plus général sur le sensible et les sensibilités. Ces publications font date dans la mesure où ces thématiques sont désormais entrées dans l’air du temps et on ne compte plus les publications qui évoquent désormais les sens, le sensible ou le sensoriel. Les travaux les plus récents privilégient toutefois bien souvent l’enjeu normatif de l’habiter révélé par des pratiques alternatives (Costes 2015), au détriment des manières d’entrer en relation avec le monde proprement dites. La confrontation des individus avec leurs univers sensoriels (Gélard 2016) implique pourtant leur présence et leurs interventions dans un espace physique, que ce soit par l’usage d’un objet, le choix d’un décor domestique ou l’architecture d’une ville. L’idée même d’« habiter » renvoie ainsi « au rapport que l’homme entretient avec les lieux de son existence, mais aussi à la relation, sans cesse renouvelée, qu’il établit avec l’écoumène, cette demeure terrestre de l’être » (Pacquot, Lussault et Younès 2015 ; voir Julie Soleil Archambault, ce numéro). Au coeur de cette relation, les expériences sensorielles de la matière et ses mises en forme sont cruciales. L’objectif de ce numéro est donc de croiser étude sensorielle et culture matérielle — ou, plus exactement, « expression matérielle de la culture », pour reprendre la formule de Christian Bromberger (Bromberger et Gélard 2012 : 260) — et leurs mises en esthétique, ordinaires et savantes, en allant des pratiques du chez-soi et des lieux communs tels que la circulation piétonnière aux créations artistiques qui interrogent les sens. Rappelons ici encore la connexion déjà établie entre sens, culture matérielle et espace (Howes et Marcoux 2006b), l’espace étant non seulement le cadre de l’expérience physique, mais aussi un lieu d’ordonnancement du ressenti et donc d’une construction socioculturelle. C’est par conséquent en tant que tel que son déploiement esthétique mérite d’être interrogé. Précisons que nous entendons ici l’esthétique non pas en tant que démarche limitée à l’énonciation des …

Parties annexes