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Nizard Sophie, 2012, Adopter et transmettre. Filiations adoptives dans le judaïsme contemporain. Paris, Éditions de l’EHESS, 240 p.[Notice]

  • Gwendoline Malogne-Fer

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  • Gwendoline Malogne-Fer
    Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (EPHE-CNRS) Paris, France

Cet ouvrage, à la croisée de la sociologie du judaïsme et de l’anthropologie de la parenté, analyse l’adoption et la transmission dans les familles juives contemporaines en s’appuyant sur une trentaine d’entretiens conduits auprès de parents adoptifs en France et en Israël au début des années 2000. Dans les sociétés contemporaines marquées par des transformations des modèles conjugaux, familiaux et de filiation (familles recomposées, homoparentales, procréation médicalement assistée, etc.), l’adoption questionne directement la place du biologique et du social dans la constitution, au quotidien, des liens de parenté. Si l’adoption a fait l’objet de recherches en sociologie de la famille ou en anthropologie de la parenté, l’auteure aborde un aspect peu étudié en s’interrogeant sur le rôle et la transmission de la religion – en l’occurrence ici le judaïsme – au sein de couples ayant adopté un ou plusieurs enfants : Cette approche originale permet de placer au coeur de l’analyse la continuité familiale au sein de familles dont les liens parents/enfants ne sont pas fondés sur l’hérédité en montrant comment s’effectue l’inscription « dans une lignée croyante particulière » (Hervieu-Léger 1993) des enfants adoptés. Le premier chapitre, « Filiation dans les textes et positions halakhiques contemporaines », rappelle l’importance de la filiation et des généalogies dans le récit biblique et la reconnaissance dans le Talmud de filiations sociales fondées sur l’éducation et non sur la biologie. Si « les critères héréditaire, rituel et éducatif se combinent dans des proportions différentes selon les courants, pour définir la judéité » (p. 32), le principe de transmission matrilinéaire de la judéité – est juif toute personne née de mère juive – fait que l’enfant adopté ne pourra devenir juif que par conversion. Le deuxième chapitre présente « L’enquête, entre la France et Israël », en décrivant les acteurs et les procédures de l’adoption au niveau national ou international et en expliquant les raisons de cette approche comparative qui reste néanmoins prioritairement centrée sur la France. Si en France, pays laïque, le critère religieux n’est pas explicitement pris en compte, l’auteure souligne néanmoins les difficultés parfois rencontrées par des couples juifs pratiquants vis-à-vis des agents des services sociaux ayant une culture religieuse inexistante ou limitée au catholicisme, et surtout vis-à-vis d’agences ou organismes agréés dont beaucoup sont d’inspiration chrétienne. En Israël en revanche, l’importance des institutions religieuses en matière de droit de la famille et de la personne fait que les parents adoptifs sont moins préoccupés par la transmission familiale religieuse. Les questions de l’appartenance et de l’identité juive étant aussi politiques et sociétales, l’auteure n’a pas relevé en Israël les mêmes inquiétudes qu’en France, où le judaïsme est extrêmement minoritaire. Le troisième chapitre, intitulé « Les étapes d’un “parcours du combattant” », analyse les différentes étapes qui mènent à la décision d’adopter et les procédures à suivre pour obtenir l’agrément. L’adoption intervenant fréquemment après le recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), l’auteure s’attache à comprendre comment s’articulent ces deux démarches. Bien que les services sociaux exigent des conjoints en cours d’agrément qu’ils aient fait « le deuil de l’enfant biologique », S. Nizard montre au contraire que ces deux processus – AMP et adoption – ne sont pas toujours dissociés. L’entrée dans la procédure d’adoption peut être un « dernier recours » ou prendre progressivement la forme de l’évidence entraînant un arrêt de l’AMP. L’obtention de l’agrément permet d’élaborer un projet parental précisant le sexe et l’âge de l’enfant mais aussi « l’ethnie », pour reprendre la terminologie employée par les services sociaux de l’État en France, en d’autres termes le choix du pays lorsque les candidats choisissent l’adoption l’internationale. …

Parties annexes