Essai bibliographiqueBibliographical EssayEnsayo bibliográfico

Les sciences humaines et sociales peuvent-elles sortir de l’anthropocentrisme ?Baratay Éric, 2012, Le point de vue animal. Un autre version de l’Histoire. Paris, Éditions du Seuil, coll. Univers historique, 400 p.Birnbaum Jean (dir.), 2010, Qui sont les animaux ? Paris, Éditions Gallimard, 272 p.Brightman Marc, Vanessa Elisa Grotti et Olga Ulturgasheva, 2012, Animism in Rainforest and Tundra. Personhood, Animals, Plants and Things in Contemporary Amazonia and Siberia. New York, Oxford, Berghahn Books, 210 p., bibliogr., index.Burgat Florence, 2012, Une autre existence. La condition animale. Paris, Éditions Albin Michel, coll. Bibliothèque Idées, 400 p.Cros Michèle et Julien Bondaz (dir.), 2010, Sur la piste du lion. Safaris ethnographiques entre images locales et imaginaire global. Paris, L’Harmattan, 174 p., bibliogr.Dalla Bernardina Sergio (dir.), 2012, L’appel du sauvage. Refaire le monde dans les bois. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 214 p.Herzfeld Chris, 2012, Petite histoire des grands singes. Paris, Éditions du Seuil, 224 p., bibliogr.Lestel Dominique, 2010, L’animal est l’avenir de l’homme. Paris, Éditions Fayard, 192 p.Morgan Lewis Henry, 2010, Le castor américain et ses ouvrages. Dijon, Les Presses du Réel, coll. Fabula, 336 p., illustr.Mougenot Catherine et Lucienne Strivay, 2011, Le pire ami de l’homme. Du lapin de garenne aux guerres biologiques. Paris, Éditions La Découverte, coll. Les empêcheurs de penser en rond, 176 p.Regan Tom, 2013, Les droits des animaux, trad. par E. Utria. Paris, Éditions Hermann, 752 p., index.[Notice]

  • Frédéric Laugrand

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  • Frédéric Laugrand
    Département d’anthropologie, Pavillon Charles-De Koninck, Université Laval, Québec (Québec) G1V 0A6, Canada
    frederic.laugrand@ant.ulaval.ca

Alors que dans la continuité des mouvements de libération des animaux, les Animal studies se développent à vive allure aux États-Unis, les rapports entre humains et animaux figurent aussi au coeur de l’actualité en Europe occidentale. En France, par exemple, l’Assemblée nationale vient d’adopter – le 28 janvier 2015 – un projet de loi reconnaissant aux animaux la symbolique d’« êtres vivants doués de sensibilité », un statut bien différent de celui qu’ils avaient auparavant, puisqu’ils étaient définis comme des « bien meubles ». Dans ces deux régions du monde, d’ailleurs, les « readers » et les livres sur les animaux ne se comptent plus. Pour des raisons qui restent à éclaircir, les chercheurs canadiens sont restés jusqu’ici très en retrait de cet engouement, ce terrain ayant été surtout occupé par les spécialistes en études autochtones (voir, par exemple, Delâge 2005 ; Henriksen 2009 ; Clément 2012) ou en biologie. Comme le remarque justement Florence Burgat (2010), la parution d’un ouvrage synthèse sous le titre Qui sont les animaux ? (et non « Que sont les animaux ») sous la direction du journaliste Jean Birnbaum (2010) est révélatrice d’une rupture épistémologique. Dorénavant, il semble bien que les animaux, y compris dans des sociétés qui les ont longtemps définis comme des êtres incomplets par rapport aux humains (il leur manque l’esprit, la pensée logique, le rire, l’art, etc.) se voient reconnaître une subjectivité, voire une humanité puisqu’il est même question d’un « animal cannibalisé », pour reprendre le titre d’un ouvrage que Michèle Cros, Julien Bondaz et Maxime Michaud (2012) ont récemment consacré à ces diverses consommations que les hommes font des animaux en Afrique. Cette rupture avec l’approche privative apparaît dans plusieurs autres publications collectives récentes telle que celle de John Knight (2005), qui entend aborder les animaux comme des sujets interagissant avec les humains et non plus sous l’angle des seules représentations, ou encore celle de Samantha Hurn (2012), qui propose de saisir des interactions entre des espèces, une sorte d’« ethnographie multi-espèces », pour reprendre l’expression de Roy Ellen soulignant les mérites de son ouvrage. Un tel changement fait écho à l’éternelle ambiguïté qui, en Occident, marque nos rapports avec les bêtes puisque le terme latin que contient le générique qui les désigne signifie le souffle, le principe de vie, voire « l’âme », ce que précisément on dénie leur reconnaître. Aujourd’hui, cette rupture ouvre la porte à de multiples évolutions comme la reconnaissance de droits, par exemple, et il se pourrait bien que les États-Unis soient là encore les premiers cette révolution. Jusqu’ici, le rôle des animaux dans la pensée mythique, écologique et symbolique a été largement étudié par des générations de chercheurs, mais jamais n’a-t-on encore trouvé autant de travaux consacrés à l’étude des rapports entre humains et animaux dans des sociétés qui auraient apparemment établi une séparation radicale avec ces derniers. Non sans paradoxe, ceux qui ont ouvert le bal de ces nouvelles discussions n’ont pas été des anthropologues, pourtant au contact depuis longtemps avec des sociétés qui refusent de penser que les humains occupent une position supérieure à celle des animaux, mais des philosophes, des éthiciens, des historiens et des éthologues. Dans les années 1970, tel que le rappelle un des contributeurs à cet ouvrage (Burgat 2010 : 143), la primatologue Jane Goodall provoquait encore le scandale quand elle utilisait la notion de « personnalités » pour les grands singes qu’elle étudiait. Aujourd’hui, elle fait oeuvre de précurseur et bien des primatologues – comme William McGrew, Frans de Waal et d’autres – vont plus loin encore, s’intéressant à présent la « culture » des …

Parties annexes