PrésentationThéories et pratiques de l’ethnomusicologie aujourd’hui[Notice]

  • Nathalie Fernando et
  • Jean-Jacques Nattiez

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  • Nathalie Fernando
    Faculté de musique Et Département d’anthropologie, Faculté des arts et des sciences, Université de Montréal, C.P. 6128, succursale Centre-ville, Montréal (Québec), H3C 3J7 Canada
    nathalie.fernando@umontreal.ca

  • Jean-Jacques Nattiez
    Faculté de musique, Université de Montréal C.P. 6128, succursale Centre-ville, Montréal (Québec) H3C 3J7, Canada
    jean-jacques.nattiez@umontreal.ca

Le présent numéro vise à montrer que l’ethnomusicologie recouvre des champs de recherche qui lui permettent d’établir des liens naturels avec l’anthropologie. Or, au plan institutionnel, l’ethnomusicologie et l’anthropologie ont été définies, au fil du temps et en raison des courants de pensée qui les ont traversées et du développement de leurs méthodes respectives, comme deux disciplines distinctes. Aussi, il n’est pas étonnant que, au sein de la grande famille de l’ethnomusicologie (toutes tendances et pratiques confondues), de nombreux chercheurs aient tenté de se réclamer spécifiquement d’une « anthropologie de la musique », ce qui les a conduit à s’opposer à des courants qui, selon plusieurs, mettraient l’accent sur les seules structures musicales. Notre objectif n’est pas de nous attarder, une fois encore, à des tentatives de définition des deux disciplines, mais plutôt de nous interroger, dans plusieurs articles de ce numéro, sur les objets de l’ethnomusicologie. Nous mettrons l’accent sur l’intérêt de la diversité des démarches – pratiquement aussi nombreuses qu’il y a de chercheurs et de « terrains » différents – ainsi que sur l’ampleur des savoirs et des connaissances que celles-ci permettent d’atteindre. Les ethnomusicologues, aujourd’hui comme hier, sont souvent confrontés à des problématiques qui les obligent à se situer à l’intersection de plusieurs disciplines (organologie, linguistique, ethnographie, histoire, esthétique, etc.). Cependant, ce qui représente un nouveau défi pour eux consiste à explorer des méthodes relevant généralement des sciences dites « dures » et, de fait, à tenter de concilier des paradigmes d’analyse qui se côtoient rarement. Les problématiques que les auteurs soulèvent donc dans ce numéro sont autant méthodologiques que théoriques. Méthodologiques lorsqu’il s’agit de confronter des pratiques émanant de diverses disciplines ; et théoriques, lorsque les discussions conceptuelles dépassent le cadre des disciplines et de leurs outils pour s’inscrire dans une perspective plus large qui vise à comprendre ce qu’est l’homme musicien, voire à définir la fonction de la musique pour l’être humain. Dans la perspective que nous venons d’énoncer, l’ethnomusicologie ne peut se passer du champ de l’anthropologique qui déploie son expertise et son analyse à l’ensemble des capacités et des compétences de l’être humain. L’anthropologie discutée ici n’est pas envisagée comme une formation disciplinaire spécifique du domaine des sciences sociales, mais davantage comme une perspective et une finalité analytiques. En tant que discipline, on sait qu’elle détient l’avantage d’être « bicéphale » en ce qu’elle réunit à elle seule l’étude des dimensions sociale et biologique de l’être humain. C’est forte de cette double dimension qu’elle s’invite immanquablement dans tous les domaines de recherches qui traitent, d’une façon ou d’une autre, des propriétés et des comportements de l’être humain. Cependant, mieux comprendre l’être humain nécessite que l’anthropologie, à son tour, s’appuie sur d’autres domaines du savoir, qui fractionnent nécessairement l’étude des compétences humaines (telles que l’ethnomusicologie, la linguistique, les sciences cognitives, etc.). Du point de vue de l’ethnomusicologie, il nous semble que cette dialectique entre une hyper spécialisation disciplinaire et une perspective anthropologique plus large demeure incontournable pour faire progresser la connaissance que nous avons de notre musique et de celle des autres. Navigant habilement entre l’ethnologie, l’anthropologie et la musicologie, l’ethnomusicologie a toujours su emprunter à diverses disciplines les paradigmes d’analyse qui lui étaient nécessaires pour confectionner son langage et ses propres outils. Discipline hybride, par le fait même de la dénomination que lui a attribuée Jaap Kunst (1950 : 7), elle est née au début du XXe siècle dans un contexte où l’urgence était à la conservation de traditions que l’on voyait – ou que l’on pensait être – sur le point de s’éteindre. Elle répondait aussi aux perspectives d’une musicologie …

Parties annexes