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Alain Testart, Des dons et des dieux. Anthropologie religieuse et sociologie comparative. Paris, Errance, 160 p., 2006 [1993].[Notice]

  • Pierre Le Roux

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  • Pierre Le Roux
    École des Hautes Études en Sciences Sociales
    Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine
    Bangkok, Thaïlande

Ce livre a été initialement publié en 1993 mais une notable partie en a été remaniée, notamment le chapitre sept qui concerne le concept de « don », revisitant au passage, la remettant en cause, la fameuse notion proposée par Marcel Mauss, importante au sein de la discipline. Ce chapitre lançait à l’époque une réflexion approfondie d’Alain Testart sur le sujet, aboutie dans un ouvrage récent : Critique du don. Étude de la circulation non marchande (2007, Paris, éditions Syllepse, 265 p.). La première édition de Des dons et des dieux étant de plus aujourd’hui épuisée et l’ouvrage introuvable, on peut recommander cette nouvelle édition à l’instar d’un inédit. Pour Alain Testart, il existerait partout dans le monde une étroite analogie entre la forme donnée d’une religion et la morphologie sociale, c’est-à-dire la forme de l’État et, au moins, la structure politique et les rapports entre les hommes. L’auteur appuie principalement sa démonstration sur les concepts anthropologiques de don et d’offrande, sur la notion de dette cultuelle et sur celle de sacrifice associée au principe de substitution symbolique, tels qu’ils sont connus dans la littérature classique ethnographique, découpant au passage des zones culturelles et donc géographiques pertinentes. Toutefois, il précise justement qu’il est « hors de question de songer à vérifier en toute généralité le bien-fondé de cette loi. La tâche excède visiblement la taille d’un simple essai, comme elle excède les forces d’un chercheur individuel ». Disons qu’il s’agit ici d’une hypothèse hardie fondant une première piste que l’auteur, usant d’une logique rigoureuse, nous invite à emprunter pour transformer ultérieurement en large chaussée. L’ouvrage est scindé en deux parties indépendantes l’une de l’autre et pouvant être lues pour elles-mêmes. La première porte sur les religions et la seconde sur les sociétés. Chacune d’entre elle débute par la définition des concepts principaux utilisés, par exemple « religion », définie dans son ouvrage comme un « ensemble organisé de rites et de croyances qui suppose la reconnaissance d’un principe spécifique d’efficacité qui à la fois structure sa vision du monde et donne un sens à ses rites » ; mais aussi « croyance » et « sacrifice » pour la première partie ; et « don », défini comme « une cession de bien qui implique la renonciation à tout droit sur ce bien ainsi qu’à tout droit qui pourrait émaner de cette cession, en particulier celui d’exiger quoi que ce soit en contrepartie, et qui n’est pas elle-même exigible », mais aussi « échange », « dette » et « obligation », pour la seconde. La longue analyse du concept anthropologique de don, qui s’étend ici sur plusieurs chapitres de la seconde partie semble bien remettre en cause, d’une façon logiquement imparable, l’une des tartes à la crème de l’ethnologie car, selon l’auteur, il a été mal défini et en tout cas mal compris et a donc longtemps faussé les débats au sein de la discipline. En fait, des religions et sociétés qu’il a sélectionnées pour étude dans son essai, Testart n’a retenu que l’aspect du don (religieux, hiérarchique, économique, politique, culturel, des choses mais aussi des femmes), et de l’offrande, qui engendrent ou réduisent la dette ; celle-ci cultuelle, privée, ou matrimoniale étant corrélée au sacrifice, au « prix de la fiancée », au culte des ancêtres, et au risque d’esclavage. Géographiquement, les trois ensembles choisis concernent les seules sociétés primitives, sans État et sans écriture : les sociétés aborigènes d’Australie, où le don, comme l’offrande ou le sacrifice, n’intervient pas dans les rapports sociaux ni dans la vie religieuse (où les êtres surnaturels …