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Didier Fassin, Faire de la santé publique. Rennes, Édition ENSP, 2005, 58 p., bibliogr.[Notice]

  • Laure Blein

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  • Laure Blein
    Université du Québec à Montréal
    C.P. 8888, succursale Centre-Ville
    Montréal (Québec) H3C 3P8
    Canada

Ce petit ouvrage de Didier Fassin publié par l’ENSP reprend la conférence inaugurale qu’il a prononcée le 8 décembre 2004, lors des journées de l’École Nationale de la Santé Publique (ENSP), à Rennes. Le texte de 54 pages a pour ambition déclarée de montrer au lecteur « ce que c’est que faire de la santé publique, c’est-à-dire comment elle s’est faite au quotidien » (p. 7). C’est également une version remaniée d’un article publié dans Public Health as Culture un numéro spécial du British Medical Bulletin (George Deavey Smith et Mary Shaw) « Culture of Health, Culture of Illeness ». Le texte se divise en deux parties, la première, dite généalogique, pose le contexte et le cadre théorique de Fassin et la seconde, dite sociologique, ancre cette théorie dans un cas pratique, l’étude du l’émergence d’une épidémie de saturnisme. La partie généalogique (en référence à Foucault) est donc présentée comme traitant de « la constitution des corps et des populations dans le temps et l’histoire » et dans la deuxième partie, l’étude de cas permet l’analyse de la construction d’une politique sanitaire à partir de l’exemple du traitement du saturnisme, étude qu’il a effectuée avec Anne Jeanne Naudé sur « la réinvention de l’épidémie de saturnisme » dans le cadre d’une « Action Initiative » du ministère de la Recherche français. Projet ambitieux donc, d’autant plus que le texte est court. Dans l’introduction, Fassin met en vis-à-vis la définition de l’hygiène publique établie par Charles-Edward Winslow, initialement publiée dans la revue Science en 1920, et celle incluse dans la déclaration de la charte d’Ottawa de 1986 ; définitions qui tentent toutes deux, à des époques différentes correspondant à des ordres de rationalité distincts, de définir la santé publique. Leur reprochant d’être de grandes déclarations d’intentions tout à fait creuses, il se propose de brosser une définition qui serait davantage descriptive (ce qui se fait) que prescriptive (ce qui devrait se faire), car selon lui la santé publique « n’est pas dans ce qu’on en dit mais dans ce qu’on en fait » (p. 13). Négligeant ainsi le caractère performatif du discours – la production de vérités ayant des effets notables sur la réalité – la définition de la santé publique et du bien-être proposée dans la Charte d’Ottawa influence nécessairement la pratique de la médecine. La partie généalogique (partie 1) tente donc de rendre compte en 14 pages de la manière dont s’est construit le gouvernement des vivants. Dès le départ, Fassin donne le ton en rapportant deux expériences différentes qu’il range dans la catégorie de la prévention soit « une intention collective de remédier à un problème collectif qui menace l’intégrité du groupe » (p. 15). Ce faisant, il confond deux pratiques très différentes (rituel de purification dans un village africain et politiques de prévention occidentales qui, si elles sont là toutes deux pour prémunir la population contre un danger, ne reposent pas sur le même ordre de rationalité). Se concentrant ensuite sur le monde occidental, il montre comment, dès l’antiquité, l’Empire romain sous Auguste, s’appuyant sur une définition de l’État différente de celle des Grecs, met en place un système de santé publique à l’échelle de l’Empire. Le problème ici est que Fassin nous présente cette nouvelle attention pour la santé de la population comme une forme du pouvoir pastoral à la Foucault. Or, chez ce dernier, le pouvoir pastoral vient d’une idée inédite et étrangère au monde antique selon laquelle chaque personne doit être guidée par un rapport d’obéissance et qui provient de la pratique de la pastorale chrétienne. Rappelons que l’empereur Auguste naît en 63 avant …

Parties annexes