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Marie France Labrecque, Être Maya et travailler dans une maquiladora. État, identité, genre et génération au Yucatán, Mexique. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2005, 189 p., bibliogr, ann.[Notice]

  • Manon Boulianne

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  • Manon Boulianne
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Marie France Labrecque a réalisé son premier séjour au Yucatán il y a plus de 30 ans. Depuis, son intérêt pour cet État du sud-est du Mexique ne s’est jamais démenti. L’examen fouillé des dynamiques sociales qui ont marqué le Yucatán depuis l’installation des premières maquiladoras (usines d’assemblage) dans le paysage rural de cette « autre frontière » en rend bien compte. J’ai eu la chance de séjourner au Yucatán lorsque j’étais étudiante, dans le cadre d’une enquête de terrain réalisée au sein d’une équipe dirigée par la professeure Labrecque. Quel plaisir pour moi que de pouvoir saisir, grâce à cet excellent ouvrage, la portée des changements économiques et sociaux qui ont eu cours depuis! Dans la région du Yucatán que l’on nomme Henequenera, la production et la transformation du henequén (ou sisal), qui avait constitué pendant plus d’un siècle le coeur de l’activité économique commerciale de cette région, connaissait déjà un important déclin il y a vingt ans. À l’époque, les programmes étatiques visant la diversification de l’économie n’en étaient toutefois qu’à leurs débuts. Deux décennies plus tard, Marie France Labrecque est en mesure, grâce à une analyse fine, de documenter les effets, sur le plan local et régional, des politiques de développement mises en place par l’État national sous l’égide de l’État international. Cette analyse prend appui sur des sources d’information diversifiées : quotidiens et mensuels aussi bien locaux que nationaux, données statistiques, publications et communications personnelles de chercheuses et chercheurs yucatèques et, bien entendu, données de terrain issues d’observations et d’entrevues menées à Mérida ainsi que dans de petits villages et villes de la région auprès de fonctionnaires, de directeurs d’usines, d’ouvrières et d’ouvriers qui sont, également, des paysannes et des paysans. D’une écriture limpide, révélatrice des préoccupations pédagogiques de son auteure, cet ouvrage constitue à mon sens un bon exemple d’ethnographie guidée par la perspective théorique de l’économie politique, une approche attentive à la complexité des dynamiques sociales qui donnent lieu à la structuration et à la reproduction des inégalités, sans négliger la vie quotidienne et le point de vue des sujets auxquels on s’intéresse. Les annexes contiennent des informations complémentaires à celles des cinq chapitres, ce qui évite d’alourdir le texte tout en permettant d’en apprendre davantage sur les conditions de vie et de travail des Yucatèques. On y trouve également les considérations méthodologiques qui ont guidé le travail de la chercheuse sur le terrain. La mondialisation est au coeur de cet ouvrage ; non pas une mondialisation désincarnée dont on ne saurait trop par où la saisir, au contraire. Au lieu de s’en tenir à des généralités, Marie France Labrecque montre comment des hommes et des femmes de tout âge vivent quotidiennement les effets des dynamiques économiques et politiques qui ont cours à l’échelle de la planète. Cela constitue à mon avis la grande force de cet ouvrage. À sa lecture, on comprend par exemple comment l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a facilité le déploiement, au Yucatán, des maquiladoras, figures de proue de la production délocalisée réalisée au sein de chaînes globales de production. On pourrait se surprendre du déploiement de maquiladoras dans une région foncièrement rurale et située si loin de la frontière américaine (par voie terrestre à tout le moins). L’auteure explique que dans le contexte mondial contemporain, les gouvernements locaux et régionaux des régions « en développement » cherchent à attirer des entreprises manufacturières (qui contribueront à la création d’emplois et, on le croit, à l’amélioration des conditions de vie des populations locales) en offrant des conditions très attrayantes sur le plan foncier et fiscal et …