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Commentaire[Notice]

  • Diane Lamoureux

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  • Diane Lamoureux
    Département de science politique
    Université Laval
    Québec G1K 7P4
    Canada

Je n’ai pas l’intention d’indiquer à des anthropologues quelles sont les avenues possibles pour l’anthropologie. Toutefois, puisque le thème général de cette table ronde est « justice sociale et citoyenneté », il me semble, comme ce sont là des thématiques très familières pour des philosophes politiques, que je peux au moins esquisser certaines réflexions sur la base des trois communications qui ont été faites. Les trois conférenciers nous ont parlé de la persistance et même de la croissance des inégalités sociales et des injustices, de même que des difficultés d’intégration citoyenne de divers groupes ethnoculturels. Ces injustices prennent des formes différentes, selon les groupes qui en sont la cible. En ce qui concerne les autochtones, Jean-Guy Goulet nous a parlé de manifestations de racisme, de mépris, d’ignorance, d’exclusion, de marginalisation qui constituent autant de formes de l’injustice. On peut également soutenir que le fait que les autochtones dans leur totalité soient victimes d’injustices n’empêche pas que cette injustice prenne des formes différentes d’une communauté à l’autre et qu’elles se greffent à des injustices et inégalités au sein même des communautés. En ce qui concerne les Métis, comme l’a mentionné Denis Gagnon, on peut clairement parler d’un phénomène d’effacement historique. C’est un phénomène d’autant plus paradoxal que nous vivons dans une période qui célèbre le métissage. Malgré toute la réflexion anthropologique sur le métissage, il est sidérant que les Métis soient ignorés en fonction de leur métissage même et soient assimilés soit à l’un soit à l’autre des groupes « raciaux » qui leur ont donné naissance. Il y a donc là un phénomène d’invisibilisation, qui peut être l’effet d’un système politique raciste, mais qui a pour résultat que les Métis ne sont pas nécessairement visibles les uns aux autres, comme nous l’a mentionné Denis Gagnon lorsqu’il parlait du coming out de certains de ses étudiants métis. Si la justice sociale et l’intégration citoyenne ne vont pas de soi pour les autochtones et les Métis, les populations immigrantes, principalement celles qui font partie des minorités dites visibles, font également face à des défis d’intégration. Comme le souligne Gilles Bibeau, il peut sembler paradoxal que cette intégration se fasse par le biais de la religion dans une société fortement sécularisée. Cependant, une partie du paradoxe s’estompe si l’on prend en compte la dimension « lien social » que comporte toute religion puisque celle-ci ne se contente pas de religare les fidèles à un dieu ou à une croyance, mais aussi de les relier les uns aux autres. Mais ce religieux est constamment travaillé par les exigences du présent et du contexte et n’est donc pas la répétition, en situation d’immigration, des religions du pays d’origine. Ce qui fait d’ailleurs écho à la remarque de Jean-Guy Goulet sur le « retour » de certains autochtones à leur religion ancestrale. Tout cela se passe dans un contexte de domination du (néo)libéralisme qui, malheureusement, ne se réduit pas à un système économique et comprend également des dimensions idéologiques et politiques. Ce (néo)libéralisme produit structurellement de l’exclusion et des inégalités, fabrique des êtres « superflus », au sens où l’entendait Hannah Arendt. Je vous proposerai donc un essai de conceptualisation de ces situations dans la logique de la justice sociale et de la citoyenneté. Pour réfléchir à ces questions, les philosophes politiques peuvent emprunter deux avenues qui ne sont pas mutuellement exclusives, celles de la reconnaissance et de la redistribution, pour employer la terminologie développée par Nancy Fraser. Cela permet de cibler un certain nombre d’enjeux et leur articulation permet d’imaginer certaines solutions aux problèmes que vivent les Autochtones, les Métis, les migrants et migrantes à …

Parties annexes