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Jacques Beauchemin, L’histoire en trop. La mauvaise conscience des souverainistes québécois. Montréal, VLB éditeur, 2002, 213 p., bibliogr.Raphaël Canet, Nationalismes et société au Québec. Outremont, Athéna Éditions, 2003, 232 p., cartes, tabl., bibliogr., gloss., annexes.[Notice]

  • André Campeau

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  • André Campeau
    Centre de Santé et de Services Sociaux
    Direction de la recherche et de l’enseignement
    383, Chemin Sainte-Foy
    Québec (Québec) G1R 1S9
    Canada

Ces ouvrages abordent la question du Québec en cernant certains enjeux d’une auto-définition interne de cette société ou, en d’autres mots, du processus (et non de l’idéologie) de la nation. Les auteurs cherchent à faire le point sur les aménagements du sujet et du projet politiques sous l’angle de la singularité politique et de l’exercice d’une citoyenneté québécoise. Par singularité politique, j’entends l’émergence d’une identité et la politisation de sa reconnaissance dans un espace public commun. Par exercice de la citoyenneté, il faut plutôt comprendre l’invention collective de ces identités (leur affrontement et leur dépassement en quelque sorte) et leur médiation avec un État. Ces auteurs posent les termes du problème de la composition identitaire de la société québécoise et du passage au politique à partir de deux points de vue très différents. Dans une analyse fine du dilemme que la nécessaire cohésion politique et sociale pose à la société québécoise actuellement, Beauchemin (2002) expose en quoi consistent les tensions introduites par le pluralisme identitaire (chapitre 2) et la fragmentation du sujet politique qui en découle (chapitre 3). Pour mesurer les effets de la recomposition identitaire, il s’interroge sur les formes que peuvent prendre l’identité nationale (chapitre 4) et la place de la mémoire dans le devenir québécois (chapitre 5). L’auteur présente deux enjeux de l’auto-définition interne de la société québécoise. Premièrement, il propose de ne pas dissoudre l’identité franco-québécoise (cette singularité issue du peuplement colonial français et de sa colonisation par les Britanniques) dans l’espace où émergent des identités politiques comme forme de rapport à l’État. Deuxièmement, il suggère de résoudre les inquiétudes propres aux tenants de cette singularité porteuse d’un projet de souveraineté pour le Québec en réécrivant l’histoire du Québec sous l’angle d’une volonté politique de reconnaissance contribuant à construire un monde commun. Beauchemin cherche à « poser autrement la question du Québec » (p. 138), ce qu’il entreprend de faire en exposant « la difficulté de penser le sujet politique québécois comme sujet de mémoire » (ibid.). Dans la perspective de résoudre le dilemme de la cohésion sociale et politique, il fait appel aux apports respectifs de Gérard Bouchard et de Jocelyn Létourneau. La critique de ces auteurs l’amène à circonscrire deux tâches éthiques qui s’emboîtent l’une l’autre : « dénouer le récit de soi-même » (p. 152) et « transmettre […] les règles d’un certain rapport au monde » (p. 155). Or, pour ouvrir le récit de soi et entreprendre sa réécriture, il faut savoir ce qu’on entend y affirmer. Beauchemin propose d’ancrer le récit dans une forme particulière de la subjectivité historique québécoise à laquelle il donne le nom de communautarisme (qui selon toute évidence serait pré-politique). La reconnaissance de ce communautarisme par les différentes singularités politiques en présence serait alors une assise de la nation. Évidemment, l’auteur cherche les motifs qui peuvent conduire une singularité à s’inscrire dans la nation. Il soulève donc la question de la légitimité d’un sujet national. De son point de vue, les identités occupant un même territoire ne sont pas nécessairement amenées à se reconnaître entre elles non plus qu’à s’affirmer collectivement. Les luttes qu’elles entretiennent les unes avec les autres ne les disposeraient pas à la citoyenneté. L’inquiétude de Beauchemin en ce qui a trait à ce projet politique porte tant sur les raisons qui peuvent motiver un projet commun, rassembleur des identités co-présentes, que sur ce qui peut contribuer à initier et à porter un projet d’affirmation nationale. Pour sortir de cette difficulté pratique, il propose comme défi de fonder un sujet capable de parler pour tous les Québécois. Son livre n’évite pas d’évoquer …