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Philippe Pelletier, Japon. Crise d’une autre modernité. Paris, Éditions Belin et La documentation française, 2003, 207 p.Laura Spielvogel, Working Out in Japan : Shaping the Female Body in Tokyo Fitness Clubs. Durham et Londres, Duke University Press, 2003, xii + 250 p., bibliogr., index.Ellen Schattschneider, Immortal Wishes : Labor and Transcendence on a Japanese Sacred Mountain. Durham et Londres, Duke University Press, 2003, xiv + 268 p., bibliogr., index.[Notice]

  • Bernard Bernier

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  • Bernard Bernier
    Département d’anthropologie
    Université de Montréal
    C.P. 6128, succursale Centre-Ville
    Montréal (Québec) H3C 3J7
    Canada

Le Japon moderne a donné lieu à de multiples analyses en sciences sociales, certaines générales, d’autres plus spécifiques. Des trois volumes analysés ici, celui de Pelletier s’inscrit dans la première catégorie, les deux autres dans la seconde. Mais ensemble, ils donnent une image complexe, pas toujours convergente, de la société et de la culture japonaises contemporaines. Philippe Pelletier, géographe au CNRS, dans un bref ouvrage, réussit le tour de force de nous offir un aperçu étonnamment complexe de la société, de la culture, de la politique et de l’économie japonaises actuelles, tout en faisant des retours instructifs dans le passé. Pelletier s’adresse à un public généralement informé, mais ignorant des questions japonaises. Il réussit néanmoins à intéresser aussi le spécialiste, car il traite de façon originale de multiples questions, par exemple « la quête frénétique des origines », l’origine du peuplement, le lien avec l’Asie orientale, le milieu géographique, le développement économique, l’urbanité, l’importance du groupe dans les relations sociales, les jeunes, les relations de genre, la nationalité, etc. Il traite aussi de phénomènes tout à fait contemporains, comme les freeters, néologisme mêlant l’anglais (free) et l’allemand (ter de Arbeiter, avec un s à la fin pour désigner le pluriel) et qui fait référence aux jeunes qui ne veulent pas travailler à temps plein ou qui travaillent de façon périodique pour pouvoir, le reste du temps, s’adonner à une passion comme le surf ou la plongée sous-marine. Notons que les jeunes qui ne veulent pas travailler dans les conditions jugées normales au Japon ne se limitent pas à ceux qui recherchent des loisirs, mais incluent aussi un certain nombre qui s’intéressent aux pays étrangers et qui s’engagent dans des ONG de développement. L’auteur présente aussi la dispersion sociospatiale dans le centre-ville de Tokyo, notant sur un ensemble de trois cartes instructives les zones de pauvreté anciennes et actuelles. Ce qui illustre un autre propos de l’auteur : la polarisation croissante des revenus et des trajets de carrière dans un pays qui se targuait dans les années 1980 d’une égalité relativement forte des revenus. Pelletier traite aussi des problèmes des immigrants, venant surtout d’Asie, dans un pays qui définit la nationalité encore selon des critères « raciaux ». Pelletier n’évite pas pour autant la tradition et sa présence dans le Japon actuel. Au chapitre 9, par exemple, il analyse la façon dont les Japonais ont conçu la nature et l’espace, et il en voit des relents dans l’urbanisme actuel (chap. 10). La question des relations de genre est aussi traitée dans l’histoire et dans le monde contemporain. Ce retour dans l’histoire, bien que bref, donne une profondeur particulière à l’analyse. Les deux autres volumes, oeuvres d’anthropologues, portent sur des sujets particuliers, l’un, celui de Spielvogel, sur les studios de conditionnement physique à Tokyo, donc sur le Japon extra-contemporain, l’autre, de Schattschneider, sur un ensemble de rites religieux et ascétiques associés à des médiums dans une localité rurale éloignée des grands centres. Dans les deux cas, les auteurs se fondent sur des recherches de terrain extensives, dans des milieux majoritairement féminins. Mais là s’arrête leur similitude. Le milieu analysé par Laura Spielvogel est celui des jeunes urbaines qui s’efforcent d’atteindre l’idéal actuel du corps féminin à travers la danse aérobique. L’auteure étudie les clients, mais l’aspect le plus intéressant de son étude porte sur les monitrices. Elle a elle-même travaillé comme monitrice d’aérobique dans deux studios, l’un au centre-ville de Tokyo, l’autre en banlieue de la capitale, à Chiba. Le premier studio attirait des jeunes salariées, surtout entre 20 et 35 ans, travaillant au centre-ville dans les …