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Aloys Hakizimana, Naissances au Burundi entre tradition et planification. Paris, L’Harmattan, 2002, 322 p., bibliogr.[Notice]

  • Smaragda Mujagic Djukic

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  • Smaragda Mujagic Djukic
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Rédigé à partir d’une thèse de doctorat en communication, soutenue à L’Université de Montréal, le livre a pour objectif de « comprendre, expliquer et interpréter les raisons à l’origine de la situation problématique de la planification familiale au Burundi » (p. 9). Les sept chapitres reposent sur une recherche de terrain – les hautes terres de Bujumbura rural, village de Mugoyi, une centaine de kilomètres à l’est de la capitale. Effectuée de juin à août 1988 auprès d’une population analphabète pratiquant d’une manière traditionnelle des activités agricoles et pastorales, la recherche prend en considération le Programme de la santé reproductive et planification familiale, instaurée en 1983 au Burundi. Mettant en évidence « l’opposition entre la culture locale d’une population analphabète du monde rural et le discours de contrôle des naissances véhiculé par les différents projets prônant la limitation des naissances» (p. 71), Hakizimana démontre « clairement la dualité entre la tradition et la planification à propos des naissances au Burundi » (p. 20). Débutant en 1982, le programme de planification familiale est interrompu par la guerre civile qui décime la population entre 1993 et 2000. Il doit subir un virage important pour intégrer la santé reproductive dans la santé primaire. Malgré cet effort, l’utilisation de la contraception moderne après 14 ans d’investissement, selon le rapport du Bureau de coordination du programme national de planification familiale de 1998, a atteint seulement 3,3 % de la population. Deux discours se heurtent et s’entrechoquent : celui des acteurs du Programme (« Une famille heureuse, ce n’est pas une famille nombreuse ») et celui des croyances de la population (« Avoir un enfant, c’est accomplir la volonté de Imana [Dieu] ») (p. 59). « Se donner un enfant dépasse les compétences et les performances humaines et relève des secrets et des mystères réservés exclusivement à Imana » (p. 142). Dans l’idéalisation de la maternité, une mère « umuvyeyi » représente l’humanité et une femme stérile « ingumba » l’animalité (p. 158). Résumant les attitudes à l’égard de la politique de santé reproductive, la planification familiale et les méthodes contraceptives, l’auteur constate que ces dernières sont perçues comme une source de stérilisation des femmes. Une panoplie de représentations négatives des contraceptifs modernes, disponibles gratuitement, est illustrée par de nombreux exemples : la pilule rend stérile ; le stérilet fait très mal à l’homme pendant les rapports sexuels, peut se perdre dans le ventre et l’enfant le ramène alors autour de son cou ; le condom, obstacle au plaisir sexuel, n’est pas fiable, peut se perdre dans le vagin et entraîner la mort de la femme. La seule méthode moderne appréciée et même préférée par les habitants analphabètes ou peu scolarisés sont les injectables – on les croit plus efficaces par analogie avec des injections contre la malaria. Mais une rumeur dit que « la personne ayant subi ce genre de traitement connaît un sort particulier : à sa mort, elle grossit d’une manière démesurée et éclate comme un ballon gonflé à fond » (p. 186). La culture traditionnelle favorise l’espacement des naissances à 2 ans et plus. La pratique très valorisée à Mugoyi est la tradition d’espace de trois ans entre les naissances « pour que le plus grand puisse porter sur son dos le plus petit et jouer et encadrer ce petit d’un an » (p. 179). Par contre, la limitation des naissances, promue par le Programme, n’est pas du tout acceptée, car on ne compte pas les enfants, de peur de leur porter malheur et de les exposer à la mort. Si la mort ne connaissait pas leur existence, elle ne pourrait pas …