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Denis Jeffrey, Éloge des rituels, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2003, 230 p., bibliogr.[Notice]

  • Raymond Massé

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  • Raymond Massé
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Les rituels jouent encore et toujours un rôle fondamental dans nos sociétés modernes, même à une époque marquée par les pouvoirs de la raison et de la science. Tel est du moins la position que Denis Jeffrey défend dans ce très beau livre dédié à la réhabilitation des rituels auprès de la population et des intellectuels. Certains rites retiennent bien sûr d’emblée l’attention des sociologues et des anthropologues, les rituels religieux étant les plus classiques. Toutefois, c’est ici sur les rituels de la quotidienneté que se penche l’auteur : rites culinaires, rites d’amitié, ritualisation des rapports amoureux, de la naissance, du deuil, de la mort, etc. L’ouvrage se propose alors de répondre à diverses questions de base ; qu’est-ce qui distingue le rituel de la routine, de l’habitude, de la cérémonie, de la commémoration? Un rituel peut-il être spontané? Doit-il être obligatoirement organisé, planifié, prévu? Tous les rituels respectent-ils la logique des trois phases proposées par Arnold van Gennep pour les rites de passage? Répondent-ils d’une stratégie implicite de gestion de la solitude, du silence, du bonheur? En réponse à ces questions, Jeffrey structure son ouvrage autour de huit dimensions du rituel correspondant à autant de chapitres. Le rituel est d’abord saisi à travers sa capacité à évoquer un voile de mystère dans la quotidienneté du monde moderne. « Ce qui confère un sens rituel à des objets, des personnes ou des moments de la vie est le fait qu’ils sont détournés de leur fonction première [pour acquérir] une valeur symbolique » (p. 11), tels la chandelle ou l’eau bénite qui, d’objets séculiers, acquièrent un sens sacré dans le lieu sacré qu’est l’église. Le rituel comme « un attribut dans le sens grammatical du terme. À cet égard, des personnes, des attitudes, des espaces, des moments ou des objets peuvent être qualifiés de rituels parce qu’ils impliquent une dimension symbolique fortement investie de mystère, de magie et d’enchantement » (p. 20). Le rituel est aussi action symbolique porteuse de beaucoup de sens. Il donne à vivre du sens, tant dans les interactions sociales que pour garantir la paix de l’esprit, comme dans les rites thérapeutiques individuels ou de groupe. Les rituels sont alors relatifs à des moments de vie « qui rappellent aux hommes leur jardin intérieur, leur identité et leurs conduites vis-à-vis des forces qui les débordent » (p. 13) tout en agissant comme « un opérateur symbolique qui maintient les hommes à l’intérieur des limites de la condition humaine » (p. 15). Se référant à Mary Douglas, il rappelle qu’« il n’y a pas d’amitié sans rites d’amitiés… Il n’y a pas de rapports sociaux sans actes symboliques ». Pour reprendre l’une des belles formules de l’auteur, « le rituel est du sens en acte. Il donne à vivre ce qu’il met en scène » (p. 58). Qu’il soit collectif ou personnel, il « met en scène les actes et les symboles pour négocier le temps, la mort, la fécondité, les alliances, les passions, les épreuves existentielles, les passages, les cycles de la vie, cela qui rappelle, en somme, les limites de la condition humaine » (p. 39). Le rituel, en créant du sens, redéfinit ainsi positivement le rapport au monde et permet de renouer avec l’enchantement de l’existence. En fait, le désenchantement du monde ne serait pas une fatalité ; il réside dans le regard que nous portons sur le monde. Le rituel est ensuite abordé en tant que pratique communicative et quête de reconnaissance par l’autre à travers « une mise au monde de soi » ; à travers son fonctionnement qui implique la gestion de …