Comptes rendus

Éric Gagnon et Francine Saillant (dir.), De la dépendance et de l’accompagnement. Soins à domicile et liens sociaux. Paris et Québec, L’Harmattan et Presses de l’Université Laval, 2000, 232 p., ann., réf.[Notice]

  • Laurence Pourchez

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  • Laurence Pourchez
    CNRS, UMR 8098 Techniques et cultures
    163 rue du Général de Gaulle, app. 33
    97400 Saint-Denis
    La Réunion
    France

Si quelques travaux envisagent aujourd’hui le lien existant entre soins et professions de santé (notamment Loux 1990), peu d’ouvrages avaient jusqu’à présent abordé la question de la dépendance et de sa prise en charge. Analysant les pratiques d’aide et de soins à domicile des intervenantes qui oeuvrent au Québec, soit de manière bénévole, soit dans des organismes privés ou des centres locaux de services communautaires, les auteurs de cette étude apportent une contribution fondamentale à la compréhension de ces phénomènes. Exemplaire du point de vue de sa construction, l’ouvrage est structuré en cinq chapitres. Le premier, « Pratiques de soins, figures du lien », expose les bases théoriques de la recherche, la méthodologie employée, introduit les divers partenaires en présence et définit la problématique de l’étude : « Dans quelle mesure les pratiques d’aide et de soins ne représentent-elles pas une forme de relation qui implique un lien qui, ni familial ni électif, aurait sa propre spécificité? » (p. 13). Le second, « Des organismes en mouvance », présente la manière dont les différents organismes sont apparus, qu’il s’agisse d’associations de bénévoles pour l’aide à domicile, d’entreprises privées ou d’économie sociale. Les auteurs montrent comment la création de ces divers organismes, leur fonctionnement, sont révélateurs du rapport de notre société à la dépendance. À la fois réflexion de fond et ethnographie minutieuse, le troisième chapitre, « Des relations et des liens » précise toute l’importance de la relation dans les pratiques d’aide et de soins, détaille les constantes des liens qui se tissent entre aidés et intervenantes comme le respect, la temporalité, la confiance, la sécurité et la liberté et tente de définir la « bonne distance », faite de mesure et de proximité avec les aidés. Plus largement, la relation s’établit entre les intervenantes, les aidés et l’ensemble du monde social. Ce travail de lien constitue alors une véritable naissance sociale, que les auteurs mettent en opposition avec l’idée de mort sociale souvent évoquée dans des contextes similaires. D’où la mise en perspective au regard des idées de naissance et de mort ; les auteurs, citant les écrits de Françoise Loux, rappellent que dans les rituels anciens de la naissance, la naissance physique était indissociable de la naissance sociale. Avec le quatrième chapitre « L’étrangère chez soi », il s’agit d’analyser la relation elle-même au regard de la famille de l’aidé, de son fonctionnement. La tâche est délicate pour les intervenantes qui dans certains cas deviennent presque un membre de la famille. En contexte pluriethnique, la relation à établir est plus complexe encore, car soumise à des facteurs tels que la langue et la culture propre aux aidés. Les auteurs montrent l’importance de l’inscription de l’intervenante dans la communauté concernée, la manière dont ces interventions vont venir renforcer les liens déjà existants au sein de cette même communauté. Ils précisent que l’objectif n’est pas ici « “d’ethniciser” un problème qui n’est pas strictement ethnique » (p. 193) mais davantage de permettre à des personnes âgées de même origine, qui souvent ne parlent ni le français, ni l’anglais, de rompre leur isolement. Deux figures de l’intervenante émergent alors : l’enfant (quand l’intervenante est considérée comme l’enfant de la famille), et l’étranger (quand elle demeure extérieure à la famille), pôles extrêmes auxquels il est difficile d’échapper. Le cinquième et dernier chapitre, « Sphère privée, sphère publique : résonances », constitue la synthèse et l’analyse de l’ouvrage. Trois paires, formant six figures du lien social se dégagent : le bénévole et le salarié, l’ami et le professionnel, l’enfant et l’étranger, ces couples étant susceptibles de s’opposer ou de se compléter. Des constantes …

Parties annexes