La Seine littéraire au xixe siècleIntroduction[Notice]

  • Nicolas Gauthier et
  • Sébastien Roldan

…plus d’informations

  • Nicolas Gauthier
    Université de Waterloo

  • Sébastien Roldan
    Chercheur indépendant

Au xixe siècle, la vie parisienne gravite autour de la Seine et les oeuvres littéraires témoignent à leur façon de cet état de fait : on y bute fréquemment contre les quais pour ensuite les longer, lorgnant de haut cette barrière incontournable mais néanmoins franchissable. Cependant, même quand la Seine est présentée ainsi comme un simple obstacle propre à l’espace parisien, sa fonction n’est pas uniquement topographique. On chercherait peut-être en vain les occurrences où elle sert tout au plus de décor figé, tandis qu’abondent les exemples bien connus des rôles variés qu’elle prend sous la plume des écrivains. Gustave Flaubert en fait le seuil de Paris et du récit dans L’Éducation sentimentale. Honoré de Balzac la transforme en péage irritant dans La Rabouilleuse. Victor Hugo l’associe à l’oubli et à la mort que l’on recherche dans Les Misérables. La Seine est tout aussi protéiforme sous la plume des poètes, que l’on pense à son serpentement menaçant chez Alfred de Vigny (« Paris »), à sa douce plainte chez Théophile Gautier (« Soleil couchant ») ou à son morne roulement chez Paul Verlaine (« Nocturne parisien »). Malgré les multiples visages de la Seine dans l’identité littéraire de Paris, et malgré sa centralité (géographique, économique, hygiénique, poétique, mythologique), cet espace hydrographique n’avait pas encore fait l’objet d’une étude d’envergure. Bien qu’il s’agisse, de loin, du cours d’eau français le plus représenté en littérature à partir du xixe siècle, on ne recensait pas avant aujourd’hui de travaux consacrés à l’analyse de ce vaste corpus de textes. Pourtant, des fleuves à valeur plus régionale, comme la Loire, la Garonne ou le Rhône, ont, eux, fait l’objet d’ouvrages collectifs examinant leur traitement littéraire, leur géographie mythique ou leur composante identitaire (Petit et Sanguin 2003 ; Rossiaud 2002 ; Rossiaud 2007). Le présent dossier propose une première approche qui contribuera à pallier ce manque. On y scrute la présence de la Seine au sein de sept corpus français fort différents en nature, en facture et en étendue. Néanmoins, la teneur des écrits examinés conduit à l’appréciation des rapports du réel au texte et à l’interrogation de médiations qui s’intercalent entre ces deux instances : regard, culture, écriture… Chaque fois, on sera à même de conclure avec Michel Collot qu’« il n’y a pas de coupure entre la perception, qui est toujours déjà sélective et significative, et l’imagination, qui en prolonge le travail » (2005 : 181). Se trouveront donc à l’avant-plan les questions qui sont l’apanage habituel, mais non exclusif, de la géocritique, de l’écocritique, de l’écopoétique et des autres disciplines se donnant pour but « d’étudier l’interaction du littéraire et de l’environnement naturel », selon la formule de Pierre Schoentjes (2016 : 86). À cette dernière, nous ajouterons trois mots – le tracé de la Seine nous y convie : « le milieu urbain ». C’est le propre de ce fleuve, sans doute plus que de tout autre cours d’eau au xixe siècle, de conjuguer les charmes de la nature et ceux de l’environnement bâti. Nos efforts s’en font l’écho. En 2013, la revue Arborescences a publié un numéro intitulé « Lire le texte et son espace : outils, méthodes, études ». Dans leur introduction, Antje Ziethen, Caroline Lebrec et Janet Paterson expliquent que leur dossier « a pour objet de lire l’espace sous ses formes multiples » (2013 : §2). Ce programme s’applique tout aussi bien au présent numéro : chacune des contributions s’emploie à considérer l’espace fluvial séquanais tel qu’il est donné à lire dans les textes, sans toutefois manquer d’inscrire cet espace dans le …

Parties annexes