Book ReviewsComptes rendus de livres

Taamusi Qumaq, Je veux que les Inuit soient libres de nouveau. Autobiographie (1914-1993) ᐃᓄᓐᓂᒃ ᐃᓱᒣᓐᓇᕿᖁᔨᒋᐊᓪᓚᐳᖓ ᐃᓅᓯᕐᒥᓂᒃ ᐊᓪᓚᑐᕕᓂᖅ (1914-ᒥᑦ 1993-ᒧᑦ). Québec : Presses de l’Université du Québec, 2020, 309 pages[Notice]

  • Chloé Le Mouel

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  • Chloé Le Mouel
    Université de Strasbourg
    Université Laval

Taamusi Qumaq (1933-1993) était un auteur, un leader et un militant inuk du Nunavik. Son autobiographie est un texte majeur de la littérature inuit. Elle a été initialement publiée post-mortem en cinq parties dans la revue Tumivut, éditée par l’Institut culturel Avataq, entre 1995 et 1998, en inuktitut, anglais et français (Qumaq 1995a, 1995b, 1996, 1997, 1998). Taamusi Qumaq a commencé à écrire tardivement dans sa vie, conscient de l’importance de préserver ce qu’il considérait comme essentiel : les coutumes inuit (Qumaq 1988), la langue (Qumaq 1991) et un témoignage de son vécu (Qumaq 2020). Il a également rédigé des manuels de survie dans l’Arctique publiés dans Tumivut. Ses premiers lecteurs sont donc les membres de sa communauté. Taamusi Qumaq a écrit tous ses textes en inuktitut, et c’est grâce à la traduction anglaise et française que son oeuvre a pu toucher une audience plus large. L’ouvrage comprend le texte de Taamusi Qumaq en français, suivi de sa version en inuktitut. Il est également accompagné d’une introduction rédigée par l’anthropologue et linguiste Louis-Jacques Dorais, ainsi que d’une chronologie rappelant les moments marquants de la vie de Taamusi Qumaq et les dates clés de l’histoire du Nunavik. Enfin, une bibliographie des textes écrits par Taamusi Qumaq et des articles le concernant sont également inclus. Bien que court, ce texte est extrêmement riche. Taamusi Qumaq nous plonge dans sa vie où les évènements ordinaires se mêlent aux grands moments historiques dans l’Arctique canadien. Il nous fait part de son quotidien à Puvirnituq, de ses préoccupations pour subvenir aux besoins de sa famille, mais il aborde également des évènements majeurs qui ont profondément impacté la vie des Inuit. Il met en lumière les mécanismes par lesquels leur réalité quotidienne est influencée par l’économie de marché mondialisée. Par exemple, il évoque la chute du prix des fourrures de renard pendant la Seconde Guerre mondiale. Le commerce de la fourrure étant à l’époque la principale ressource économique des Inuit, la chute des prix provoque alors une famine dans plusieurs communautés de l’Arctique canadien. Au fil des pages, il expose ses préoccupations croissantes pour l’avenir de son peuple et son engagement politique. À travers l’histoire de Taamusi Qumaq, nous découvrons également le processus de sédentarisation des Inuit du Canada dans les années 1950, le développement du Nunavik et sa structuration politique. Ce livre est raconté du point de vue d’un homme, en mettant l’accent sur son rôle de pourvoyeur pour sa famille et sa communauté. Il met un point d’honneur à décrire chaque année le gibier disponible et le prix des denrées importées. Il souligne l’importance de l’entraide pour survivre. En effet, l’entraide est une valeur primordiale, constitutive de l’identité inuit (Hervé 2015, 33). Dans les premières parties de son autobiographie, il évoque l’échelle familiale, puis celle du village avec la Coopérative, et enfin l’échelle du Nunavik avec la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec. Parallèlement, il expose la manière dont ce rôle de pourvoyeur est investi par la Compagnie de la Baie d’Hudson, personnifiée par les agents des postes de traite. Il met en évidence la manière dont le gouvernement assume ce rôle de manière autoritaire, tout en traitant les Inuit comme des individus dont la culture n’est pas considérée comme adaptée au contexte canadien. En mettant en regard la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec, issue de la communauté, et la société Makivik, née de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ), Taamusi Qumaq confronte deux formes de gouvernances, où l’une, imprégnée d’une vision du pouvoir allochtone, a pris le dessus sur l’autre. La première partie du livre aborde l’enfance de …

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