Documents

Aimer, sans complaisance ni indulgence : discussion sur la critique avec Brigitte Haentjens[Notice]

  • Alexandre Cadieux

…plus d’informations

  • Alexandre Cadieux
    Université du Québec à Montréal

Comme spectatrice, en général, je suis très critique, non pas pour juger, mais pour décoder, identifier, analyser. Par exemple, lorsque quelque chose me trouble ou m’irrite, je cherche ce que c’est; habituellement, je le trouve, mais ça demeure extrêmement difficile. Il faut du temps pour décoder un spectacle. Il peut arriver qu’un spectacle que j’ai détesté me hante pendant des jours. Il n’y avait pas de réelle écriture critique à Sudbury. La couverture médiatique se limitait au journal local, Le Voyageur, et aux publications étudiantes de l’Université Laurentienne. Notre spectacle Nickel reflétait les combats qui avaient déchiré la communauté pendant des années, et les gens étaient encore très émotifs par rapport à ça. Nous étions vus par l’élite franco-ontarienne comme des anarchistes venus d’ailleurs. Je me souviens que quelqu’un de l’Université avait écrit que j’étais sûrement une agente communiste infiltrée! Plusieurs personnes m’ont rappelé qu’à Ottawa comme à Sudbury, nous étions plutôt baveux, Jean Marc et moi; je n’ai pas ce souvenir-là, mais apparemment, c’est ce qu’on retient... (Rires.) Quand Jean Marc et moi nous présentions quelque chose à Montréal, nous étions complètement paranoïaques. Avec raison, je crois. Nous nous sentions traités de haut, mais ça reste subtil, un peu paternaliste dans le ton. Le besoin de reconnaissance est important lorsque l’on souhaite s’insérer dans un milieu. Outre le fait que j’étais freelance et qu’il faut bien gagner sa vie, je pense que c’est aussi ce qui me poussait à monter plutôt des classiques, comme Oh les beaux jours, Bonjour, là, bonjour ou Bérénice. Quant à l’émotion, au ressenti, oui, c’est récurrent. Je ne sais pas toujours par quel filtre passe l’analyse de l’émotion produite. Par exemple, il y a des gens qui me disent que ce que je fais, c’est froid. C’est une chose que je ne peux pas concevoir parce que je trouve toujours ça brûlant! Qu’est-ce que ça veut dire, froid? Je trouve le terme injuste et je tente de comprendre ce que les critiques entendent par là. Ça me dépasse. On ne peut pas comparer [le Québec] avec l’Europe, mais c’est vrai qu’il y a là-bas une telle glorification de l’artiste que la reconnaissance est pratiquement immédiate. Bon, ça concerne sûrement plus les artistes masculins que féminins, évidemment, mais quand même. Alors qu’ici, l’artiste, c’est le saltimbanque. Il n’y a pas de clivage entre lui et la société, ce qui est très bien à certains égards... mais il n’y a pas de distinction entre l’artiste et l’amuseur. Tout le monde se dit artiste.

Parties annexes