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Journal de création en images[Notice]

  • Catherine Gaudet et
  • Johanna Bienaise

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  • Catherine Gaudet

  • Avec la collaboration de
    Johanna Bienaise

En 2016, la chorégraphe Catherine Gaudet collaborait avec le metteur en scène Jérémie Niel pour créer La très excellente et lamentable tragédie de Roméo et Juliette. Présentée au théâtre de l’Usine C à Montréal, cette pièce mettait en scène les interprètes Clara Furey et Francis Ducharme dans une relecture contemporaine du drame de Roméo et Juliette. Le schéma et la bande dessinée reproduits ici nous permettent d’avoir accès à un outil de travail développé par Catherine Gaudet au cours de ce processus de création interdisciplinaire. Johanna Bienaise revient avec la chorégraphe sur cette expérience graphique au coeur d’une démarche de création en arts vivants. J’ai alors commencé à faire des croquis, un peu grossièrement – ou, du moins, la finesse du trait n’était pas le but recherché. Mon intention était plutôt de dessiner les scènes telles qu’elles me venaient, rapidement, un peu à la manière d’une écriture automatique. J’ai tenté de dérouler le fil des événements sans trop réfléchir, en inventant spontanément une scène là où, dans la réalité des répétitions, il y avait un vide ou une transition manquante. À partir de mes intuitions, j’ai réalisé un schéma représentant Roméo et Juliette pris dans une dynamique de poupées russes. À chaque niveau de poupées, il y avait un niveau de lecture différent. Je passais d’une micro-vision à une macro-vision de la dramaturgie de la pièce. Cela m’a permis de percevoir que la notion de répétition était importante dans notre travail. Spontanément, j’ai eu envie de mieux visualiser chaque scène et de les mettre les unes à la suite des autres dans une idée de cycle, où chaque cycle se terminait par une mort. Je voulais faire une sorte de scénario, comme au cinéma, pour essayer de mieux visualiser les scènes. Mais la BD nous a aussi permis de considérer la pièce avec un peu plus de légèreté, d’humour, de moins nous prendre au sérieux. Quand je l’ai apportée en répétition, nous en avons d’abord beaucoup ri parce que je représentais Clara et Francis de façon clownesque. Je parodiais dans la BD des scènes qui étaient très noires dans la pièce. Nous nous rendions compte que nous pouvions nous moquer de l’extrême profondeur de cette relation amoureuse! Car il y a quelque chose de complètement absurde dans le jeu de ces protagonistes, dans leur romantisme, dans leur peur du monde extérieur. Au départ, nous abordions l’oeuvre avec un très grand sérieux, nous cherchions la voie la plus tragique possible. La BD, au contraire, a permis de laisser plus de place au ludisme porté par les interprètes. Oui, nous avions cette envie de cycle de morts, mais pour que cela fonctionne, il fallait qu’on joue à répéter le suicide. Pour que la tragédie soit aussi prenante, il fallait nous laisser surprendre par elle, et l’humour permettait la surprise. C’est ce que le premier schéma représente. Clara et Francis sont pris de flash-back de leurs vies antérieures… Ils sont pris dans le fantasme de la mort… Juliette possède Clara, Roméo possède Francis… Nous avions parlé de cet aspect de la pièce avant que je ne réalise ce schéma : Clara et Francis étaient possédés par les personnages de Roméo et Juliette, dans la chambre d’hôtel qui nous servait de décor. Ils vivaient leur histoire d’amour contemporaine, mais, sporadiquement, ils étaient possédés par les esprits des amants de Vérone, comme si c’était l’envers du miroir. De là est né ce schéma en poupées russes, qui représente des couches de personnalités, une interchangeabilité entre les personnages et les interprètes.

Parties annexes