Recherche-création

Dans la fabrique des songes[Notice]

  • Florent Siaud,
  • Julien Éclancher,
  • Nicolas Descôteaux,
  • David Ricard et
  • Romain Fabre

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  • Florent Siaud

  • Avec la collaboration de
    Julien Éclancher
    Nicolas Descôteaux
    David Ricard
    Romain Fabre

Pour le créateur, l’une des voies possibles de la recherche-création consiste à revenir sur son travail avec ce souci de comprendre qui caractérise tout chercheur. Au premier abord, cette démarche paraît sans embûche : à l’intention de créer une oeuvre d’art cohérente correspondrait celle de donner une explication elle-même cohérente du processus dont elle est le fruit. Pourtant, si au moment d’être présentée au public, l’oeuvre affiche une certaine cohésion, ce n’est pas au prix d’un processus lui-même homogène. D’ailleurs, quiconque plonge dans les archives d’un metteur en scène ou suit le processus de création d’un spectacle sait combien le développement des idées au sein de la communauté des personnes impliquées dans la production (du metteur en scène aux interprètes, en passant par les concepteurs, les techniciens ou les administrateurs) est sujet à des mouvements imprédictibles. Il y a un écart irrémédiable entre l’unité de l’oeuvre, la labilité du processus dont elle émane et la tenue du discours par lequel on entend décrire le processus en question. En me plongeant dans l’élaboration de ce dossier, ce constat délicat m’a incité à me demander : comment donner un aperçu articulé mais juste de mon propre processus de création que, d’une expérience à une autre, je me suis constamment surpris à trouver souvent mouvementé, imprévisible, me décontenançant parfois moi-même? J’ai pris quatre productions pour point de départ, au cours desquelles j’ai collaboré avec des concepteurs récurrents, membres de la compagnie franco-québécoise Les songes turbulents : Quartett de Heiner Müller (2013), Combattimento autour de Claudio Monteverdi (2013), Illusions d’Ivan Viripaev (2015) et 4.48 Psychose de Sarah Kane (2016). Une première piste m’a incité à faire cohabiter mes propres observations avec celles de proches collaborateurs, parce qu’il n’y a pas de mise en scène sans un dialogue constant entre la vision du metteur en scène et la façon dont celle-ci fait écho chez ses interlocuteurs. J’ai délibérément consacré l’espace qui m’était ici imparti aux interactions avec ces concepteurs, parce que cet aspect me paraît peut-être moins étudié que la relation dialogique du metteur en scène aux acteurs, sur laquelle j’aimerais longuement revenir dans une publication ultérieure. Une seconde piste m’a conduit à imaginer un dossier cohérent mais dont la facture n’affiche pas une homogénéité artificielle : pour éviter toute traduction monologique d’un processus par essence polyphonique, j’ai cherché à m’éloigner d’un texte suivi pour me donner comme contrainte de varier les angles d’approche. C’est ainsi que si je prends la parole pour décrire ce jeu en lequel me semble consister la mise en scène, d’autres façons d’évoquer notre processus de création sont ensuite invitées à entrer dans la danse. Le texte partagé avec Julien Éclancher (concepteur sonore) évoque ce qu’il appelle un « jeu de rêverie conjointe » dans lequel nous nous embarquons mutuellement. Influencée par une technique d’interrogation pratiquée en ethnographie, une autre intervention porte la trace d’une discussion entre Nicolas Descôteaux (éclairagiste), David Ricard (vidéaste) et moi-même, stimulée par huit clichés de nos spectacles. Dans cette rencontre à trois, arrimée à des photographies que nous nous sommes donné comme règle de commenter ensemble, des remarques ou des souvenirs émergent, qui n’auraient peut-être pas refait surface dans des prises de parole séparées. Enfin, une dernière proposition prend la forme d’un journal de création condensé, retraçant le mouvement des idées que j’ai partagées avec le scénographe Romain Fabre pour aboutir au décor d’Illusions. L’intention qui préside à cette diversité de formes et de paroles n’est pas de tendre à l’éclatement du processus d’échanges avec les concepteurs le miroir d’une réflexion anarchique. L’objectif est plutôt de voir dans quelle mesure, en recherche-création, la …

Parties annexes