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Les scènes du surréalisme[Notice]

  • Sophie Bastien

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  • Sophie Bastien
    Responsable du dossier

Le surréalisme a certes suscité une exégèse fort abondante, mais celle-ci s’est penchée principalement sur deux modes d’expression : les arts visuels et la littérature (prose et poésie). Le théâtre, qui est pourtant un champ très vaste de l’activité créatrice, s’est donc trouvé négligé par la critique du surréalisme. Il existe tout de même quelques ouvrages en cette matière. Les premiers à être publiés adoptent une approche historique. Le livre pionnier et cinquantenaire d’Henri Béhar, Le théâtre dada et surréaliste (1967), fournit une analyse de base, avec ses trois parties chronologiques consacrées aux « Précurseurs », à « Dada » et au « Surréalisme » ainsi que son corpus majoritairement français; il a permis les quelques travaux apparus par la suite. John H. Matthews en offre une quasi-transposition en anglais, comme l’annonce son titre : Theatre in Dada and Surrealism (1974), tandis qu’Annabelle Melzer scrute la pratique scénique, dans Dada and Surrealist Performance (1976). Puis Béhar réédite son livre en une version revue et augmentée (en 1979) qui dépasse le surréalisme historique – et qui demeure une référence. D’autres critiques privilégient une approche plus théorique. Dans The Theater of the Marvelous: Surrealism and the Contemporary Stage (1975), Gloria Orenstein définit le surréalisme à la scène par une esthétique du merveilleux et de ses corollaires, la magie et l’alchimie. En outre, son terrain d’enquête accorde une place prépondérante à la dimension internationale du mouvement. Beaucoup plus récemment, dans Ludics in Surrealist Theatre and Beyond (2013), Vassiliki Rapti décèle un ludisme implicite dans la théorie d’André Breton, qui a donné lieu aux fameux jeux surréalistes. Elle en voit une mise en application dans les expériences du Théâtre Alfred-Jarry – les pièces de Roger Vitrac et le travail scénique d’Antonin Artaud – mais aussi chez les créateurs nord-américains Robert Wilson et Megan Terry. À la différence de ces livres qui explorent des corpus variés, d’autres s’attachent à un seul dramaturge. Ainsi, sur Vitrac ont paru un essai de Béhar (1980) puis une monographie plus universitaire de Martine Antle (1988), avant que ne soient publiés des équivalents en anglais. Des metteurs en scène ont aussi fait l’objet de publications, notamment Artaud et Wilson, celui-ci étant considéré comme un héritier direct du surréalisme. Par ailleurs, certains ouvrages portant sur l’avant-garde à la scène traitent un peu de surréalisme. Celui de Didier Plassard, L’acteur en effigie : figures de l’homme artificiel dans le théâtre des avant-gardes historiques (1992), traverse successivement plusieurs courants pour aboutir au surréalisme, dont il étudie le personnage du mannequin et de l’automate. Quant à celui de Christopher Innes, Avant Garde Theatre: 1892-1992 (1993), il passe en revue un siècle de mise en scène en Occident pour postuler qu’un retour au primitivisme caractérise paradoxalement la modernité : c’est dans cette perspective qu’il s’arrête à son tour sur Artaud et Wilson. Ces quelques ouvrages abordant la scène surréaliste sont monographiques et, à l’exception d’un seul (Ludics in Surrealist Theatre and Beyond, qui adopte un angle très pointu), ils datent de quelques décennies. Nourrie par mes réflexions de spectatrice autant que de lectrice, je sentais le besoin d’une initiative qui réunirait plusieurs études et qui refléterait les recherches actuelles; l’idée m’est alors venue de diriger le premier collectif sur le sujet. Le projet a d’abord débouché sur un gros dossier thématique, « Le surréalisme et les arts du spectacle », mené avec la collaboration d’Henri Béhar et paru en 2014 dans le numéro 34 de Mélusine, la revue annuelle de l’Association pour l’étude du surréalisme. Au cours de la préparation de ce numéro, un constat s’imposait comme une évidence : il s’agit …

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