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L'utilisation des méthodes visuelles en tant qu'outil de recherche est en hausse, de même que grandit la nécessité de comprendre les avantages, les défis et les risques nuancés et contextuels de leur utilisation. Basées sur des approches participatives, les méthodes visuelles sont aptes à offrir un moyen souple, interactif et critique d'engager de jeunes réfugiés dans les recherches, rendant ainsi ces dernières plus accessibles et plus riches.

La littérature scientifique portant sur de jeunes réfugiés a montré que les méthodes visuelles facilitent l'établissement de relations, permettent de surmonter les barrières de la langue et de la communication, contrent les perceptions négatives à l'égard de la recherche et favorisent l'engagement des jeunes. En outre, l'utilisation de méthodes visuelles pendant la pandémie a permis à des jeunes d'horizons divers de générer et de mobiliser des connaissances pour représenter sous diverses formes la manière dont ils comprennent la pandémie, y réagissent et en subissent les conséquences.

À Montréal (Québec, Canada), la pandémie de COVID-19 a contraint les interventions et la recherche impliquant les jeunes réfugiés à s'adapter pour répondre aux besoins de cette population tout en respectant les directives en matière de distanciation physique. Les difficultés rencontrées par les jeunes réfugiés lors de leur réinstallation, telles que l'adaptation à de nouvelles normes socioculturelles, une santé mentale réduite et un accès limité aux réseaux de soutien et aux services, ont été amplifiées. La littérature scientifique sur les forces et les difficultés de l'utilisation de méthodes visuelles dans ce contexte de distanciation sociale est limitée, en particulier avec les jeunes réfugiés.

Dans cet article, nous décrivons certains des points forts et des défis liés à l'utilisation de « photo-journaux » (un type de méthode visuelle) avec des jeunes réfugiés (11 à 17 ans) pour documenter leurs expériences de participation pendant la pandémie à Say Ça!, un programme de mentorat communautaire à Montréal. Six jeunes réfugiés ont participé à des photo-journaux et à des entretiens individuels, et onze bénévoles ont participé à des groupes de discussion. Par le biais des journaux, on a incité les jeunes à se présenter, à décrire leurs instants préférés à Say Ça! et à décrire les moments où les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Nous proposons une approche éthique relationnelle de la recherche avec les jeunes qui donne la priorité à l'action des jeunes, aux pratiques de recherche réflexive, au consentement valide continu et à la sécurité.

En ce qui concerne les résultats, nous décrivons les opportunités et les défis liés à l'utilisation des photo-journaux pour impliquer les jeunes réfugiés dans la recherche pendant la pandémie. Nous avons constaté que les photo-journaux facilitent l'établissement de rapports avec les jeunes, permettent de surmonter les difficultés de communication, aident à garantir un consentement valide tout au long de l'étude et enfin permettent d’équilibrer la dynamique de pouvoir entre participants et chercheurs. Les photo-journaux ont facilité l'établissement d’une relation de confiance avec les jeunes parce qu'ils ont permis des interactions individuelles avec un lien plus personnel, tout en respectant les mesures de santé publique. Le suivi par SMS et par téléphone nous a également permis de répondre aux questions que les jeunes posaient au fil du temps et de maintenir leur engagement.

L'utilisation de méthodes visuelles a aussi permis de réduire les obstacles à la participation en invitant les jeunes à s'exprimer sous diverses formes, par exemple en écrivant dans la langue de leur choix, en prenant des photos et en dessinant. En répondant à leurs besoins et à leurs intérêts, les photo-journaux ont également favorisé l'apprentissage et l'autoréflexion des jeunes. Le fait de ne plus se concentrer sur les résultats mais sur le processus a permis de rendre le processus de recherche plus significatif et plus engageant pour les participants et nous a également aidés à mieux évaluer la qualité de nos données.

Un autre point fort de l'utilisation des photo-journaux a été de faciliter l'obtention d'un consentement valide et continu de la part des jeunes, en particulier pendant les mois instables de la pandémie. Nous avons demandé aux jeunes comment et dans quelle mesure ils souhaitaient participer à différents moments de l'activité du photo-journal, considérant le consentement comme une conversation continue plutôt que comme un événement ponctuel.

Nous avons abordé la question de la dynamique de pouvoir entre nous et les participants en partageant avec eux une partie du pouvoir de décision au cours de l'activité de photo-journal. Par exemple, les jeunes demeurent propriétaires du travail qu'ils ont produit et ils ont choisi quelles sections seraient partagées avec nous et quelles sections seraient utilisées pour l'étude.

Les difficultés rencontrées dans le processus de recherche ont concerné le recrutement, la préservation de la confidentialité et la gestion de la logistique de l'étude.

Dans cet article, nous présentons les principaux enseignements tirés de l'utilisation des photo-journaux comme méthode pour saisir les perspectives des jeunes réfugiés. Conformément à notre vision des jeunes en tant qu'acteurs sociaux apportant une contribution précieuse à la recherche, nous soutenons que les chercheurs doivent intégrer des pratiques réflexives et donner la priorité à l'engagement et aux perspectives des jeunes lorsqu'ils mènent des recherches en sciences sociales, que ce soit lors de la pandémie ou ultérieurement. De manière générale, en incluant les points de vue des utilisateurs de services, les programmes peuvent acquérir une meilleure compréhension des éléments qui contribuent au bien-être des jeunes réfugiés et, en fin de compte, aider à améliorer le soutien communautaire pour cette population, que ce soit à Montréal ou dans d'autres sociétés d'accueil.