Documents repérés
-
81.
-
83.Plus d’information
Peut-on rire en lisant Kafka et, si c'est le cas, de quoi rit-on ? Qu'est-ce qui rit en nous alors même que La métamorphose, La colonie pénitentiaire, Le procès ou Le château se sont acquis la réputation de fictions cauchemardesques ? Par réaction contre l'esprit de sérieux qui ramène ses romans à des allégories, certains critiques choisissent de mettre en lumière la force comique de Kafka. On se tromperait cependant en opposant les deux dimensions de l'oeuvre, car l'humour omniprésent n'y est aucunement dissociable de sa portée métaphysique. Le rire de Kafka est, entre autres, le surgeon inattendu — mais radicalement irrévérencieux et hétérodoxe — de la tradition talmudique, de sa conception d'une divinité en quelque sorte à la retraite, déléguant aux hommes l'administration du monde, pour le meilleur et pour le pire (et pour le rire), ou les laissant se dépêtrer dans de vertigineux ergotages exégétiques. C'est sans doute ce que pressentait Walter Benjamin lorsqu'il écrivait à Gershom Scholem : « j'imagine que celui qui verrait les côtés comiques de la théologie juive aurait d'un coup en main la clé de Kafka ».
-
84.Plus d’information
Cet article retrace le périple des manuscrits antiques à partir d'un foyer de condensation, la bibliothèque alexandrine, puis de leur diaspora qui a suivi sa destruction pour finalement se transmettre à l'Europe de la Renaissance. Saisi à partir de sa fonction mnémonique dans le passage entre l'oralité et l'écriture, puis de sa valeur de prestige dans la constellation alexandrine, le manuscrit antique, à travers ses mutations et ses trajectoires, agit comme vecteur de constitution et de transmission culturelle. On peut ainsi apprécier le rôle des bibliothèques au sein d'une dynamique de condensation puis de dissémination des savoirs.
-
86.Plus d’information
Extension du domaine de la lutte met en scène un narrateur anti-héros qui sombre graduellement dans la dépression. Le monde qu'il habite lui paraît alors de plus en plus étrange. Dans une lutte à finir avec le genre humain, le protagoniste tentera de convaincre un collègue de travail de commettre un meurtre, avant de retourner cette violence contre lui-même et de se retrouver en institution psychiatrique. Cet article propose de revoir la notion d'étrangeté à la lumière de la position qu'occupe ce narrateur, soit celle d'un observateur-ethnologue qui, malgré son état dépressif, conserve cette sorte d'hyperacuité du regard et de l'analyse qui lui permet d'appréhender le monde autrement, en dégageant à la fois une théorie du libéralisme économique et sexuel, et une vision poétique de la réalité basée sur l'expérience de l'étrangeté — comme si la dépression ouvrait un autre espace de conscience, affligeant mais cristallin, sombre et pourtant salvateur.
-
88.Plus d’information
Cet article propose une analyse des implications de la notion de « ludique » dans l'oeuvre d'Emmanuel Hocquard. Notamment à la lumière de la pensée des « jeux de langage » et de l'« usage » de Ludwig Wittgenstein, influence majeure d'Hocquard, l'article montre que bien plus qu'un simple style ou trait d'esprit, le « ludique » relève chez Hocquard d'une conception pratique du langage et de la signification. Solidaire des manières ordinaires de se conduire dans le monde, l'« intention ludique » met notamment à mal l'hypothèse d'un rapport proprement littéraire ou artistique au langage et se conçoit plutôt à travers les interventions connectives et circonstancielles opérées sur les ressources disponibles dans un environnement de pensée dont les domaines possèdent des frontières indéterminées. C'est également une réflexion sur la question de la nature privée ou publique de cette « intention ludique » et des critères de signification que cet article suggère.
-
90.Plus d’information
L'article examine la présence du tragique dans la réflexion blanchotienne. À partir du commentaire des fragments de L'Écriture du désastre intitulés « (Une scène primitive ?) », l'analyse met en lumière l'irréconciliation fondamentale de l'homme avec lui-même, qui hante tout le travail de Blanchot. La réflexion porte dans un premier temps sur le paradoxe d'un savoir de soi à la fois nécessaire et défait. Elle souligne ensuite l'importance du corps impropre et de la dénaturation dans l'écriture blanchotienne et montre que c'est tout l'être qui se trouve mis à l'épreuve par l'intensité d'un pathos associé à une disconvenance à la fois originaire et immémoriale. L'analyse montre dans un troisième temps que la réflexion sur le fragment comme dire de l'être doit être interprétée chez Blanchot comme l'expérience tragique, à la fois désappropriatrice et jubilatoire, d'une errance ontologique.