Comptes rendus

Yvan Lamonde, Allégeances et dépendances. L’histoire d’une ambivalence identitaire, Montréal, Éditions Nota bene, 2001, 266 p.Yvan Lamonde, Trajectoires de l’histoire du Québec, Montréal, Fides / Musée de la civilisation, 2001, 44 p.[Record]

  • Jacques Rouillard

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  • Jacques Rouillard
    Département d’histoire,
    Université de Montréal.

Ces deux volumes découlent de l’effort de recherche et de réflexion que Yvan Lamonde a déployé pour rédiger sa synthèse d’histoire intellectuelle intitulée Histoire sociale des idées au Québec, 1760-1896 (Fides, 2000). Le volume Allégeances... réunit des textes déjà parus comme articles de revue ou parties de volume. L’auteur fait ressortir successivement par chapitre l’influence des États-Unis, de la France, de l’Angleterre et du Vatican sur le milieu intellectuel francophone, et ce sur une longue période, soit de 1760 à nos jours. De ces quatre héritages, il tire l’équation : Q = – F + GB + USA – Rome, à laquelle il ajoute en conclusion C pour tenir compte (tardivement) de la composante canadienne de l’identité québécoise. Il tente d’unifier le tout autour de la notion d’ambivalence, les Franco-Québécois ayant une longue histoire de division tant sur le plan intellectuel que politique. Cette tendance s’est notamment perpétuée de nos jours dans leur incertitude à trouver une solution à leur avenir politique. Il y a donc chez l’auteur une propension à considérer comme anormales des divisions politiques et idéologiques alors que c’est plutôt le contraire qui serait stérile et maladif pour une société. À sa décharge, il faut dire qu’il réagit à juste titre contre une interprétation de l’histoire du Canada français, qui a encore largement cours voulant que son passé se soit déroulé sous le signe d’une grande unanimité idéologique avant la Révolution tranquille. Et à ce compte, il fait partie de la tendance historiographique née dans les années 1970 que Ronald Rudin a caractérisée de courant « révisionniste ». Dans Trajectoires de l’histoire du Québec, texte d’une conférence prononcée au Musée de la civilisation du Québec, Lamonde reprend ici encore à grands traits des éléments de son Histoire sociale des idées au Québec, insistant sur la présence d’une forte tradition libérale au Québec sachant « conjuguer démocratie et liberté » et relevant l’ambivalence des francophones entre le nationalisme politique qui mise sur les valeurs libérales et le nationalisme culturel qui n’ambitionne qu’à préserver la langue et la culture canadiennes-françaises. Il estime que la première tendance s’est affirmée jusqu’en 1870, mais que la deuxième a dominé de 1870 à 1950. Comme nous le mentionnions, les deux ouvrages dont nous faisons le compte rendu découlent de sa synthèse d’histoire intellectuelle, un ouvrage substantiel (572 pages) auquel il faut se référer pour comprendre sa démarche. Il s’agit d’un travail de recherche très bien documenté où l’auteur a notamment dépouillé un nombre considérable de revues et journaux. C’est la dimension la plus neuve de sa recherche. Les intellectuels et les politiciens dont il analyse la pensée sont assez bien connus, mais l’érudition de l’auteur rend l’ouvrage particulièrement solide. Il deviendra sans doute le volume de synthèse par excellence sur l’histoire des idées au XIXe siècle. Quant à l’interprétation, Lamonde se distingue des travaux de Fernand Ouellet qui ne voyait dans le Parti canadien et le Parti patriote qu’une tendance nationaliste rétrograde. Au contraire, de la même manière que Jean-Paul Bernard, Jean-Pierre Wallot, Allan Greer et L.-G. Harvey, il considère ce mouvement qui va conduire aux Rébellions comme une volonté de contrôle démocratique et une adhésion aux valeurs libérales, à l’instar (une originalité de l’ouvrage) des expériences d’émancipation d’autres collectivités nationales à la même époque (Grèce, Pologne, Belgique, Irlande et autres). Les Patriotes bien informés de ces luttes se réclamaient aussi du principe libéral de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Comme Lamonde le fait remarquer, la liberté du peuple se conjugue pour eux avec la liberté des peuples. Pour la seconde moitié du XIXe siècle, il …