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Un certain nombre d’étudiants accèdent au collège avec des résultats antérieurs plutôt faibles, un manque de motivation à l’endroit des études et une certaine indécision par rapport à leur avenir. Ces étudiants en session d’accueil connaissent un taux d’échecs et d’abandons élevé, de sorte que leur bien-être global est affecté sous plusieurs points (Picard, Kamanzi et Labrosse, 2013). Pour favoriser le parcours de ces étudiants, le Cégep de Sherbrooke, à l’instar d’autres Cégeps, a créé le programme Tremplin DEC dans lequel les étudiants font leurs cours de base (français, anglais, philosophie et éducation physique) en plus de suivre un cours complémentaire nommé « Des clés pour réussir ». Ce dernier a pour objectif de faciliter l’intégration des élèves en les aidant à s’adapter aux exigences du travail scolaire et à explorer les choix liés à leur parcours professionnel.

Selon Shulman et Nurmi (2010), il faudrait développer des interventions qui fourniraient différents outils pour motiver les étudiants à penser à leur avenir tant sur le plan personnel, professionnel que scolaire, et pour les aider à faire des plans pour mieux s’adapter aux demandes de la société. Selon eux, les concepts de buts personnels pourraient être utilisés afin d’aider les étudiants de niveau collégial à mieux s’ajuster aux défis divers qui surviennent lors de cette double transition de l’adolescence à l’âge adulte et du secondaire au collégial. L’affrontement actif et engagé de ces défis pourrait ainsi contribuer à leur bien-être global en plus de favoriser leur cheminement scolaire.

Plusieurs études ont démontré que la poursuite de buts personnels pouvait avoir un effet bénéfique sur différentes composantes du bien-être (Klug et Maier, 2015). Quelques interventions portant sur certaines étapes de la réalisation des buts ont été proposées aux étudiants de niveau collégial afin d’augmenter leur bien-être et de pallier certaines difficultés rattachées à leur double transition (Hirish et Peterson, 2010; Macloed, Coates et Hetherton, 2008; Travers, Morisano et Locke, 2015). Cependant, encore aucune étude ne s’est intéressée à l’impact de l’ensemble du processus de la réalisation des buts sur le bien-être global de cette population au collégial et plus particulièrement auprès d’étudiants inscrits en session d’accueil. De façon plus spécifique, ces autres programmes n’impliquaient pas nécessairement des rencontres de groupe et des ajustements dans la progression vers le but. Or, il est important d’accompagner les étudiants tout au long de la démarche de réalisation des buts pour favoriser un meilleur apprentissage, un progrès constant et, finalement, un meilleur bien-être (Bouffard, Bastin, Lapierre et Dubé, 2001).

La présente recherche a pour objectif de tester l’impact du programme Gestion des buts personnels sur le bien-être global d’étudiants au collégial en session d’accueil. Cette intervention a été bénéfique auprès de diverses populations[3] et est donc susceptible de s’appliquer à d’autres groupes d’âge et à des personnes vivant différentes transitions de vie, tels que les étudiants au collégial. Le programme vise à aider les étudiants à cibler des buts en accord avec leurs aspirations et à progresser vers ceux-ci de façon précise, dans un ajustement constant et à travers un soutient de groupe, en plus de favoriser l’apprentissage du processus de réalisation d’un but et d’augmenter leur connaissance d’eux-mêmes.

LE PROGRAMME « GESTION DES BUTS PERSONNELS »

Le programme Gestion des buts personnels (GBP) s’appuie sur des écrits théoriques et empiriques nombreux provenant de la psychologie positive (Hirish et Peterson, 2010; Laguardia et Ryan, 2000), cognitive (D’Zurilla et Chang, 1995) et comportementale (Watson et Tharp, 2013). Il a pour objectif de produire des effets bénéfiques en termes de bien-être auprès des participants, grâce à l’élaboration, la planification, la poursuite et l’évaluation d’un but personnel (les étapes du programme seront explicitées dans la section méthode). Au cours des 20 dernières années, le programme a constamment apporté les effets attendus, tels que la satisfaction de vivre, le bonheur, l’actualisation de soi, l’orientation vers les buts et, chez les étudiants, une diminution de l’anxiété face aux examens. Il est donc pertinent d’envisager que son application auprès d’étudiants en session d’accueil au Cégep pourrait favoriser leur croissance personnelle et leur bien-être global. Le programme GBP pourrait également favoriser chez les participants l’apprentissage du processus de réalisation des buts personnels, la prise de conscience de leurs besoins et de leurs valeurs, de leurs ressources personnelles ainsi que de leurs inhibitions.

La réalisation d’un but personnel spécifique, significatif et important devrait produire des émotions positives dont les effets sont bénéfiques. En effet, Fredrickson, Mancuso, Branigan et Tugade (2000) ont démontré que les émotions positives peuvent « déconstruire » les effets des émotions négatives (undoing effect) et augmenter le bien-être subjectif des gens. Le programme GBP vise donc à amener les participants à vivre des émotions positives à travers le processus de réalisation d’un but. Les émotions positives devraient en outre améliorer la préparation à l’action, le choix du but, la prévision des obstacles et l’adoption de stratégies de coping plus efficaces (Reed, Hu et Tugade, 2017). Ces bénéfices devraient être favorisés par une démarche faite en groupe au cours de laquelle chaque participant profite du soutien des autres.

Les variables dépendantes choisies sont en nombre suffisant pour couvrir divers aspects du bien-être global des étudiants sans être trop nombreuses pour ne pas alourdir le questionnaire. Le nombre élevé de variables permettra de mieux déceler les effets éventuels de l’intervention; il s’agit du bien-être affectif, de l’estime de soi, de l’efficacité personnelle, de la motivation en éducation, de l’anxiété face aux examens ainsi que de l’expérience du processus de réalisation des buts.

LES BUTS PERSONNELS ET LEURS EFFETS SPÉCIFIQUES

Dans la présente étude, les participants sont invités à choisir le but personnel qu’ils tâcheront d’atteindre au cours de la démarche. Cette liberté de choix vise à augmenter l’engagement et la motivation des participants. Ces derniers sont néanmoins invités à choisir des buts personnels signifiants et en concordance avec leurs propres valeurs et besoins. De tels buts deviennent alors plus susceptibles de produire les effets attendus (Lapierre et Bouffard, 2009; Sheldon, 2009). Ces bénéfices devraient se manifester en relation avec les variables choisies.

Les buts personnels et le bien-être affectif

Un grand nombre d’études ont bien démontré que le succès dans la poursuite d’un but présente une corrélation élevée avec les différents aspects du bien-être subjectif (Klug et Maier, 2015). Dans la présente étude, c’est la composante affective du bien-être subjectif qui a été retenue parce que la composante cognitive (satisfaction de vivre) est généralement moins fluctuante au fil des jours. Ainsi, avec des étudiants de niveau collégial, Travers et al. (2015) ont fait voir que les buts axés sur la croissance personnelle étaient associés à un plus grand nombre d’affects positifs autorapportés. Toutefois, cette étude ne comportait pas de groupe contrôle. Macloed et al. (2008), au moyen d’une intervention simple et brève avec 29 étudiantes du collégial, ont obtenu une diminution significative des affects négatifs et une augmentation significative des affects positifs comparativement à un groupe contrôle, ceci après contrôle du niveau initial de bien-être. Hirish et Peterson (2010) ont également démontré que des étudiants âgés de 18 à 23 ans particulièrement soucieux de leurs études avaient suivi un court programme par Internet sur la poursuite des buts et avaient connu une augmentation de leurs résultats scolaires et rapportaient une réduction de leurs affects négatifs. Ainsi, l’élaboration, la planification et la poursuite de buts personnels semblent associées à l’amélioration du bien-être affectif.

Les buts personnels et l’estime de soi

L’estime de soi se définit comme l’évaluation que l’on fait de soi-même et de sa valeur personnelle (Rosenberg, 1965). Selon Shim, Ryan et Cassady (2012), l’estime de soi des étudiants de niveau collégial diminue au cours de la première année d’étude en raison des difficultés d’adaptation associées à la transition des études secondaires à celles du collégial et de la transition de l’adolescence à l’âge adulte. Également, Picard et al. (2013) rapportent que les étudiants en session d’accueil s’avèrent fragiles en ce qui a trait à l’estime de soi. Et pourtant, l’estime de soi constituerait une dimension préventive importante face à la démobilisation scolaire des adolescents (Bardou, Oubrayrie-Roussel et Lescarret, 2012). Les buts personnels signifiants, correspondant aux valeurs de la personne (Galand, Boudrenghien et Rose, 2012), axés sur l’apprentissage (Shim et al., 2012) et la croissance personnelle (Travers et al., 2015), seraient associés à une estime de soi élevée. Ce n’est pas seulement ce type de buts qui serait bénéfique pour l’estime de soi, mais également la perception du progrès dans la poursuite (Carver et Scheier, 1982) et l’atteinte de ce type de but (Brendl et Higgins, 1996). Ces quelques résultats permettent d’anticiper que la démarche GBP est susceptible de favoriser la progression du but personnel choisi et le rehaussement de l’estime de soi des participants.

Les buts personnels et le sentiment d’efficacité personnelle

Le sentiment d’efficacité personnelle est le jugement de ses propres capacités à exécuter des actions pour atteindre un but (Bandura, 1997). Dans la présente étude, on retient un niveau général référant à divers domaines de la vie des étudiants et un niveau spécifique référant au domaine des études afin d’obtenir un meilleur portrait de cette variable chez les participants. Le sentiment d’efficacité personnelle occupe une place très importante dans le domaine scolaire (Zimmerman, 2000) : il prédit la gestion des tâches académiques, la participation au cours, l’effort et la persistance dans les difficultés, les résultats aux examens (Bandura, 1997) et le bien-être subjectif (McGregor et Little, 1998). L’efficacité personnelle et les buts des étudiants comptent pour 31 % de la variance des résultats académiques (Zimmerman, Bandura et Martinez-Pons, 1992). L’étude de Hsieh, Sullivan et Guerra (2007) précise qu’il vaut mieux s’attaquer à des buts à court terme – ou à des buts à long terme subdivisés en étapes (Lens, 2003) – puisque l’atteinte du but (ou d’une étape) fournit l’évidence de l’efficacité personnelle et des capacités de croissance. Dans la recherche de Macleod et al. (2008), les étudiants ont connu une augmentation du sentiment d’efficacité personnelle grâce à l’élaboration et à la planification d’un but dans le cadre d’un court programme. Ainsi, le sentiment d’efficacité personnelle favorise la réussite et cette dernière renforce l’efficacité personnelle.

Les buts personnels et la motivation en éducation

La motivation est considérée comme un des principaux fondements de la réussite académique (Steinmayr et Spinath, 2009). Selon Melnic et Botez (2014), elle est une des causes principales de l’investissement d’un étudiant dans son propre apprentissage. Dans la présente étude, nous nous intéressons directement au concept de la motivation en éducation, puisque les étudiants visés présentent généralement un bas niveau de motivation pour leurs études. Selon l’approche de Deci et Ryan (1985), on distingue trois types de motivation : intrinsèque, extrinsèque et amotivation, mesurés par l’Échelle de motivation en éducation de Vallerand, Blais, Brière et Pelletier (1989). Seule l’évaluation de la motivation intrinsèque a été retenue pour l’étude afin de ne pas alourdir le questionnaire. Le concept de motivation intrinsèque associé au domaine scolaire se distingue en trois motifs spécifiques : 1) la motivation intrinsèque à la connaissance, qui implique l’exploration, la curiosité et l’apprentissage; 2) la motivation intrinsèque à l’accomplissement impliquant la maîtrise de la tâche, le sentiment de compétence et les réalisations effectuées; 3) la motivation intrinsèque à la stimulation qui réfère au fait d’effectuer une activité et d’éprouver des sensations d’excitation, d’amusement et de plaisir à effectuer l’activité. Bref, la récompense interne serait à la source de la motivation intrinsèque. Il est tout à fait plausible que le progrès dans la réalisation du but choisi procure un sentiment de compétence susceptible d’augmenter la motivation intrinsèque (Harackiewicz et Elliot, 1993). La réalisation d’un but personnel de grande valeur permettrait sans doute de favoriser l’utilisation de meilleures stratégies d’apprentissage, un engagement plus intense, le sentiment d’autonomie dans le processus de réalisation d’un but et l’intégration de ce but dans une perspective d’avenir plus large, amenant à une meilleure perception de l’utilité de ce que l’on fait, autant d’éléments favorables à l’augmentation de la motivation intrinsèque en éducation (Phalet, Andriessen et Lens, 2004). De plus, avec le soutien fourni par le groupe, il est possible qu’apparaisse un lien entre la réalisation d’un but personnel et la motivation intrinsèque, ce qui n’a pas été examiné jusqu’à ce jour.

Les buts personnels et l’anxiété face aux examens

Beaucoup d’étudiants – surtout les nouveaux arrivants – vivent du stress au Cégep et en particulier à l’approche des examens (Alpert et Haber, 1960). Leur manque de stratégies pour gérer leur stress et une gestion inadéquate de leurs études provoquent des réactions émotives, comportementales et physiologiques intenses (Misra, McKean, West et Russo, 2000). On peut penser que la planification détaillée de la réalisation du but et le soutien mutuel des participants devraient faciliter la diminution de l’anxiété et particulièrement celle face aux examens. Les responsables du programme Tremplin DEC ont observé que plusieurs étudiants en session d’accueil se présenteraient au Cégep sous la pression des parents (Dixon et Chung, 2008), d’où le peu de motivation à l'étude et une tendance à l’évitement des conséquences émotionnelles négatives en réponse à cette pression. Comme le suggèrent Dickson et Moberly (2013), le programme GBP encourage le choix de buts personnels correspondant à ses intérêts, insiste sur la planification et la gestion des études et apporte un soutien à l’autonomie, ce qui devrait contribuer à augmenter la motivation intrinsèque et diminuer l’anxiété face aux examens, comme ce fut le cas dans l’étude de Bouffard et al. (2001) et celle de Travers et al. (2015). On peut donc s’attendre à ce que le travail sur l’orientation motivationnelle, la planification et la poursuite efficace de buts concordants à leurs valeurs, la perception du soutien mutuel et une meilleure gestion de leur temps d’étude favorisent une diminution de l’anxiété face aux examens.

Les buts personnels et le processus de réalisation des buts

Le processus de réalisation des buts consiste en la vérification expérimentale de l’effet du programme, à savoir si les participants sont devenus plus aptes à élaborer, planifier et poursuivre des buts personnels (Bouffard, Lapierre et Dubé, 2004). Lors d’une application du programme GBP (Dubé et al., 2005), les participants ont rapporté avoir appris à identifier des buts qui donnent sens à leur vie, à établir leurs priorités, à fixer des étapes pour réaliser ce qu’ils veulent faire et à avoir confiance en leurs capacités. Lorsque le programme a été appliqué à des étudiants universitaires, ceux-ci rapportaient avoir fait de nombreux apprentissages pertinents, tels que l’intégration de plusieurs notions, l’essai de stratégies multiples et des prises de conscience à propos d’eux-mêmes (Bouffard et al., 2001). Dans l’étude menée par Travers et al. (2015), les étudiants de niveau collégial qui suivaient l’intervention sur les buts de croissance rapportaient avoir fait des gains quant à leur perception d’eux-mêmes et la gestion de leurs pensées et de leurs habitudes. Ils disaient avoir acquis une mentalité axée sur les buts et des aptitudes qui sont transférables à d’autres situations de leur vie. Soulignons que cette variable est très importante, puisque l’objectif de la démarche n’est pas seulement d’atteindre une cible ou de réaliser un but, mais aussi de favoriser la croissance personnelle et l’acquisition d’habiletés qui permettront par la suite aux étudiants d’appliquer par eux-mêmes le processus de réalisation d’un but.

HYPOTHÈSE

Étant donné les difficultés éprouvées par les étudiants inscrits en session d’accueil, il semble bien – sur la base de la littérature recensée – que le programme GBP pourrait leur être utile pour leur vie personnelle et académique et leur procurer un meilleur bien-être global[4]. L’hypothèse est donc la suivante :

Le programme Gestion des buts personnels devrait amener à une augmentation du bien-être affectif, de l’estime de soi, du sentiment d’efficacité personnelle, de la motivation à l’étude et de la capacité à poursuivre des buts, ainsi qu’à la diminution de l’anxiété scolaire des étudiants inscrits au programme Tremplin DEC du Cégep de Sherbrooke. Les résultats devraient montrer une amélioration en post intervention des mesures prises avant l’intervention dans le groupe expérimental, et ce, par rapport au groupe contrôle.

La vérification a été faite au moyen d’une étude de type quasi-expérimental avec répartition non-aléatoire des participants dans le groupe expérimental et le groupe contrôle et comprenant prétest et post-test. La vérification se poursuit avec une analyse qualitative de nombreuses données supplémentaires et avec une étude de cas.

MÉTHODE

Participants

Les individus visés par l’étude sont des étudiants volontaires inscrits au programme Tremplin DEC du Cégep de Sherbrooke à la session d’hiver 2016. Le recrutement avait pour objectif de constituer des groupes homogènes d’environ 10 étudiants dans le groupe expérimental et autant dans le groupe contrôle. En raison de circonstances hors de notre contrôle, l’échantillon compte au total 15 étudiants et leur répartition aléatoire dans les deux groupes n’a pu se réaliser. En effet, la direction du Collège a, par erreur, distribué les étudiants en session d’accueil dans l’ensemble des groupes de sciences humaines au lieu de les regrouper comme cela se faisait habituellement. On comprendra que le recrutement fut rendu fort difficile.

L’échantillon final est composé de 15 participants, dont 6 dans le groupe expérimental et 9 dans le groupe contrôle. Le groupe expérimental est composé uniquement de femmes inscrites au Tremplin DEC qui sont âgées de 17 à 34 ans (M = 23), alors que le groupe contrôle est composé à 56 % d’hommes et 44 % de femmes âgés de 17 à 22 ans (M = 20) et majoritairement inscrits dans d’autres programmes. Les deux groupes présentent donc une légère différence par rapport à la moyenne d’âge des participants et une différence plus marquée pour le genre et pour le programme d’étude.

Instruments

Le niveau d’affects positifs et négatifs a été mesuré à l’aide de l’Échelle d’affectivité positive et d’affectivité négative – version courte (I-PANAS-SF; Thomson; 2007). Cette échelle comprend 10 items, au lieu de 20, cotés sur une échelle de 1 à 5 de type Likert de « toujours » à « jamais ». Elle mesure les affects négatifs (p. ex., : nerveux, effrayé) et positifs (p. ex., : déterminé, attentif) auto-rapportés pour les dernières semaines. Un score maximum de 25 est calculé pour chaque type d’affect. Cette échelle présente une cohérence interne acceptable (α = 0,75) et une stabilité temporelle satisfaisante (8 semaines; r = 0,84). L’échelle complète du PANAS a été traduite en français par Caci et Baylé (2007).

Le niveau d’estime de soi est mesuré à l’aide de l’Échelle de l’estime de soi (EES; Vallières et Vallerand; 1990). Cette échelle comprend dix items cotés sur une échelle en quatre points de type Likert de tout à fait en accord à tout à fait en désaccord. Cette traduction française de l’échelle de l’estime de soi de Rosenberg (1965) mesure l’estime de soi globale sur un score maximum de 40. On y retrouve des items positifs tels que « je suis capable de faire les choses aussi bien que la majorité des gens » et des items négatifs tels que « parfois je me sens vraiment inutile ». Elle présente une cohérence interne acceptable (α = 0,70) et une stabilité temporelle élevée (3 semaines; r = 0,84).

Le sentiment d’efficacité personnelle est mesuré à l’aide de deux items de la Nouvelle échelle générale d’efficacité personnelle (NGSE; Chen, Gully et Eden; 2001). Une question, cotée sur une échelle en cinq points de type Likert de tout à fait en désaccord à tout à fait en accord, a été retenue pour l’étude : « J’ai confiance que je peux bien performer dans plusieurs tâches différentes ». Elle permet de mesurer le sentiment d’efficacité personnelle général dans une grande variété de situations. Une deuxième question inspirée de cette même échelle a été retenue afin de mesurer le sentiment d’efficacité personnelle spécifique : « Même quand c’est difficile, je performe assez bien en classe ». L’échelle présente une excellente cohérence interne (α = 0,86 à 0,90) et une stabilité temporelle acceptable (20 jours; r = 0,67). Deux items ont été sélectionnés afin de ne pas trop alourdir le questionnaire. Il est important de considérer que cela peut affecter légèrement la validité de l’échelle complète.

Pour mesurer la motivation intrinsèque en éducation, l’Échelle de motivation en éducation aux études collégiales (ÉMÉ-C 28; Vallerand et al.; 1989) a été choisie. Plus précisément, 12 items cotés sur une échelle en sept points tirés de trois sous-échelles portant sur la motivation intrinsèque ont été retenus. Un score sur 28 est mesuré pour chaque sous-échelle. Les étudiants doivent répondre à la question suivante : « Pourquoi vas-tu au Cégep? ». Différentes réponses sont proposées afin de mesurer la motivation intrinsèque à la connaissance (p. ex., : pour le plaisir que j’ai à découvrir de nouvelles choses jamais vues auparavant), la motivation à l’accomplissement (p. ex., : pour la satisfaction que je vis lorsque je suis en train de réussir des activités scolaires difficiles) et la motivation à la stimulation (p. ex., : pour les moments intenses que je vis lorsque je suis en train de communiquer mes propres idées aux autres) dans un contexte académique au Cégep. Ces trois sous-échelles présentent une cohérence interne élevée (α = 0,84 à 0,86) et une stabilité temporelle satisfaisante (un mois; r = 0,73 à 0,77). Puisque dans la présente étude l’accent est mis sur la motivation intrinsèque, les deux autres échelles du questionnaire complet sur la motivation extrinsèque et l’amotivation n’ont pas été retenues afin que le questionnaire en entier ne soit pas trop long, ce qui aurait pu nuire à l’engagement des étudiants.

La version française de la « Debilitating Anxiety Scale » (Alpert et Haber; 1960) a été choisie pour mesurer l’anxiété face aux examens. Sept items cotés sur une échelle en 7 points ont été retenus sur les dix items de l’échelle originale. Un score maximum de 49 est calculé. Cette version de l’échelle traduite par Bouffard et al. (2001) permet de mesurer l’anxiété par rapport aux examens. On y retrouve des items tels que : « la nervosité à des examens m’empêche d’avoir de bons résultats ». La traduction complète de cette échelle présente une cohérence interne élevée (α = 0,85).

Le questionnaire Processus de réalisation des buts (Bouffard et al., 2004) est constitué de 30 items qui correspondent à trois sous-échelles cotées sur une échelle en sept points de type Likert de pas du tout d’accord à tout à fait d’accord. La dimension « élaboration du but » estime la propension à se donner des buts qui expriment ses besoins fondamentaux, ses valeurs et sa personnalité. Des items tels que « j’ai beaucoup de projets qui me passionnent » constituent cette sous-échelle. La dimension « planification d’un but » évalue la capacité à préparer l’action, prévoir les obstacles et identifier les stratégies pour les surmonter. On retrouve dans cette sous-échelle des items tels que « je poursuis mes objectifs en utilisant des stratégies efficaces ». Enfin, la dimension « poursuite du but » mesure la détermination à progresser vers la réalisation du but. Cette sous-échelle présente des items tels que « je mets de l’énergie dans la poursuite de mes projets ». Pour chaque sous-échelle, un score maximum de 7 est calculé. Ce questionnaire a été élaboré spécialement pour évaluer le programme GBP. Il a été utilisé dans plusieurs études et s’avère sensible aux changements que connaissent les participants lors des ateliers. Il présente une cohérence interne élevée (α = 0,91).

Déroulement

Avec l’autorisation du groupe de responsables du programme Tremplin DEC et l’aval du Comité d’éthique de l’Université de Sherbrooke, la chercheure a effectué le recrutement lors d’une réunion d’accueil où les 300 étudiants du Tremplin DEC avaient été invités. Un courriel a aussi été envoyé personnellement à chaque étudiant faisant partie du Tremplin DEC par la responsable du programme pour les informer de la possibilité de participer aux ateliers. Les noms, numéros de téléphone et courriels des étudiants intéressés à participer à l’étude ont été pris en note.

En tout, dix étudiants se sont montrés intéressés à participer à l’étude. Deux semaines avant le début du programme, soit le 21 janvier 2016, tous les participants du groupe expérimental ont rempli le questionnaire. Ils ont ensuite été contactés par téléphone ou par courriel une semaine avant le début des ateliers pour les informer de la date du début des rencontres. Quatre participants ont quitté au début ou après quelque temps. Le groupe expérimental final a donc été composé de six participantes. Le programme GBP a été donné les jeudis après-midi lors d’une plage horaire qui devait être libre pour tous les étudiants du Tremplin DEC à la session d’hiver 2016, soit de 13 heures à 14 heures 30. Les ateliers ont eu lieu du 4 février au 27 avril 2016, avec trois interruptions lors des congés scolaires (pour un total de 10 rencontres). L’évaluation post-test a eu lieu après la dernière séance du programme GBP pour les étudiantes du groupe expérimental, soit le mercredi 27 avril 2016.

Le groupe contrôle a été composé d’étudiants inscrits majoritairement dans d’autres programmes que le Tremplin DEC. Les participants du groupe contrôle ont seulement rempli le questionnaire, en classe, au prétest le 11 février 2016 et au post-test, dix semaines plus tard, soit le 14 avril 2016. Dix étudiants ont complété le questionnaire au prétest et neuf étudiants au post-test[5]. La chercheure était également l’animatrice qui animait les rencontres.

Programme « Gestion des buts personnels » (GBP)

Le programme d’intervention a pour objectif d’aider les participants à cheminer vers l’atteinte d’un but choisi. Plus fondamentalement, l’intervention favorise l’apprentissage du processus lui-même (élaboration, planification, poursuite et évaluation du but), de façon à ce que les participants soient en mesure de réutiliser la démarche pour des buts futurs et ainsi connaître un mieux-être qui perdure. Tel qu’indiqué dans le Tableau 1, le programme compte généralement un minimum de 10 rencontres hebdomadaires de 1 heure et demie à 2 heures pour un groupe de 6 à 10 personnes. Il se divise en plusieurs étapes. Les étapes préliminaires comprennent : la prise de contact entre les participants, la présentation du programme, le bilan des acquis personnels et l'identification des pensées nuisibles. Ces étapes ont été mises en place à la suite de certaines observations selon lesquelles il serait plus bénéfique pour les participants d’apprendre à mieux se connaître et de créer une bonne atmosphère de groupe avant d’entamer le processus de réalisation du but. Les participants sont invités tout au long de la démarche à partager leurs expériences au groupe et à se soutenir mutuellement.

Le processus des buts lui-même comprend la démarche progressive vers le choix du but, la planification du but, la poursuite du but et, enfin, la dernière étape : l'évaluation du progrès et des apprentissages effectués lors de la démarche (voir les détails au Tableau 1).

Chaque participant a reçu un Guide du participant[6] afin d’être encadré dans son processus vers la réalisation d’un but. L’animatrice s’est basée sur le Guide de l’animateur pour aider les participants tout au long du processus. L’animation se veut souple, sans oublier le cheminement précis qui conduit à l’atteinte du but. À chaque étape, l’animatrice propose, lorsque c’est utile, un exercice qui favorise la compréhension du processus et stimule la participation et l’engagement des participants. Ce sera, par exemple, la confrontation des pensées nuisibles et automatiques, un guide de planification, une façon de s’auto-observer dans la réalisation du but ou une technique simple et efficace pour passer à l’action comme la technique DROP (Désir, Résultat, Obstacle, Plan) proposée par Oettingen (2014).

Tableau 1

Les étapes de la démarche « Gestion des buts personnels » (GBP)

Les étapes de la démarche « Gestion des buts personnels » (GBP)

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RÉSULTATS

Dans le cadre de cette étude, toutes les données recueillies par questionnaire ont été compilées et analysées à l’aide du logiciel Statistical Package for Social Sciences (SPSS). Au total, 15 questionnaires ont servi pour les analyses statistiques.

Analyses statistiques

En raison de la petite taille de l’échantillon (N=15), des analyses non paramétriques ont été effectuées (Field, 2013). Deux analyses différentes ont été choisies, puisqu’il n’existe pas d’analyse non-paramétrique unifiée pour tester le plan complet de l’étude. Avec des données ordinales provenant de deux petits groupes indépendants tirés d’une même population, le test U de Mann-Whitney semble le plus pertinent. Il permet d’affirmer, par exemple, que le « bloc » ou l’ensemble A obtient un score plus élevé que celui du bloc B. Siegel (1956, p.116) le considère comme « le plus puissant des tests non paramétriques » et comme la meilleure alternative au test t.

Pour comparer deux résultats différents provenant d’un même groupe au prétest et au post-test, Field (2013) propose d’utiliser le test des rangs de Wilcoxon. Il est l’équivalent d’un Test t pour échantillons appariés. En utilisant ce test, nous nous intéressons au changement d’une même variable dans un même groupe. Pour chacune des variables, la taille de l’effet entre le prétest et le post-test a été calculée à l’aide de la formule proposée par Rosenthal (1991). Une analyse qualitative vient compléter l'examen des résultats quantitatifs.

Présentation des résultats

Comparaison des groupes au prétest

À l’aide du test U de Mann Whitney[7], il a été confirmé que les groupes étaient équivalents au prétest et qu’il n’y avait pas de différence significative entre eux pour chaque variable. En effet, pour l’ensemble des variables, les moyennes étaient semblables au prétest chez les deux groupes.

Comparaison des résultats prétest et post-test chez les deux groupes

Le Tableau 2 présente les résultats du test des rangs de Wilcoxon qui porte sur la différence entre les résultats au prétest et au post-test pour chaque groupe. Pour toutes les variables, il y a un changement dans le sens attendu dans le groupe expérimental, mais seulement le niveau de motivation intrinsèque à la stimulation atteint le niveau de signification (prétest: 14,83; post-test: 19,67; Z: -2,023; p: 0,043; r: -0,58). Pour le groupe contrôle, les étudiants rapportaient un niveau significativement plus élevé d’efficacité personnelle générale au post-test.

Comparaison des groupes au post-test

Tel qu’il apparaît dans le Tableau 3, on note une différence significative à l’avantage du groupe expérimental pour deux variables : affects positifs (groupe expérimental: 20; groupe contrôle: 16,56; U: 8,5; Z: -2,210; p: 0,026; r: -0,57) et élaboration du but (groupe expérimental: 6,12; groupe contrôle: 5,32; U: 7,0; Z: -2,368; p: 0,018; r: -0,61). De plus, deux autres variables se situent à un niveau supérieur dans le groupe expérimental et s’approchent du niveau de signification (p = 0,066) : la motivation intrinsèque à la stimulation et la poursuite du but.

L’ensemble de ces résultats est plutôt modeste, mais confirme partiellement l’hypothèse de la recherche. Ajoutons que selon les variables, la taille de l’effet entre le prétest et le post-test se situe entre 0,51 et 0,58, ce qui signifie, selon Field (2013), qu’il y a eu un « grand effet » sur les variables. Il semble bien que ce soit le petit nombre des participants qui explique que le niveau de signification est rarement atteint.

Évaluation subjective

En plus de répondre aux questionnaires, les participantes du groupe expérimental ont été invitées à évaluer leur progrès face au but choisi lors des ateliers. Il est d’abord intéressant d’illustrer, par quelques exemples, les différents buts sélectionnés par les participantes : « Réussir mon inscription au programme de guide plein air », « Planifier un voyage humanitaire en Thaïlande », « Écrire un livre », « Passer mon permis et m’acheter une moto », « Courir cinq kilomètres » et « Courir un demi-marathon à l’été 2016 ». Soulignons qu’aucune des participantes n’a choisi de travailler des stratégies en vue d’améliorer son rendement scolaire. Cet aspect concorde avec la description qui avait été faite précédemment de la population des étudiants inscrits en session d’accueil, par rapport au fait qu’ils seraient moins motivés et moins engagés envers leurs études. Chacun de ces buts était considéré très important pour les participantes et en lien avec leurs valeurs profondes. Par rapport au choix du projet et au progrès réalisé, les participantes se considéraient totalement satisfaites (10/10) ou très satisfaites (8/10 et 9/10). Toutes les participantes ont rapporté être très satisfaites de l’expérience de groupe vécue et du soutien des autres participantes qui les ont beaucoup aidées à progresser dans leur but. Toutes les participantes ont répondu « oui » à la question « Recommanderiez-vous cette démarche à une autre personne? »; mentionnant diverses raisons de le faire telles que le soutien du groupe, l’encadrement lors des ateliers, la compréhension et la prévention de la procrastination, l’apprentissage sur soi-même, l’adoption d’idées positives et l’augmentation de la motivation. En moyenne, les participantes se disent très satisfaites de la démarche (9,5/10), bien qu’elles considèrent avoir atteint leur but à 70 %. Cela soutient l’idée selon laquelle la satisfaction dépend moins de l’atteinte du but que du progrès réalisé dans la poursuite du but et d’une meilleure connaissance de soi.

Tableau 2

Moyennes et écart-types au prétest et au post-test du groupe expérimental et du groupe contrôle et résultats du test de Wilcoxon

Moyennes et écart-types au prétest et au post-test du groupe expérimental et du groupe contrôle et résultats du test de Wilcoxon

Tableau 2 (continuation)

Moyennes et écart-types au prétest et au post-test du groupe expérimental et du groupe contrôle et résultats du test de Wilcoxon

a. basé sur les rangs positifs (variable prétest > post-test)

b. basé sur les rangs négatifs (variable prétest < post-test)

c. la somme des rangs négatifs est égale à la somme des rangs positifs

* Significatif à p ≤ ,05

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Tableau 3

Comparaison des moyennes et écart-types entre le groupe expérimental et le groupe contrôle au post-test et Résultats du test U de Mann Whitney

Comparaison des moyennes et écart-types entre le groupe expérimental et le groupe contrôle au post-test et Résultats du test U de Mann Whitney

* Significatif à p ≤ 0,05

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Étude de cas

Afin d’illustrer le programme GBP et de mieux comprendre les mécanismes et l’expérience vécue par les participantes, une étude de cas a été effectuée. Elle se base sur les notes prises par la chercheure et celles que la participante choisie (que nous nommerons S) a bien voulu partager. Celle-ci a été sélectionnée parce qu’elle est apparue comme une participante très impliquée dans le groupe et qui prenait sa démarche au sérieux. Une entrevue d’environ une heure a été tenue avec la participante afin de bien cerner son cheminement lors des étapes du programme. Le texte résumant la démarche vécue a été validé avec elle pour s’assurer que les informations rapportées correspondaient bien à son expérience.

S. est une étudiante de 24 ans, inscrite au programme Tremplin DEC du Cégep de Sherbrooke. Elle fait un retour aux études après avoir voyagé et travaillé à divers endroits. Lors de son retour à Sherbrooke, elle se trouvait « perdue », « éméchée » et « éparpillée », loin de son copain et préoccupée par des conflits entre les membres de sa famille. Elle s’est inscrite au programme GBP sentant le besoin de réfléchir et d’essayer quelque chose de nouveau.

L’Inventaire des buts personnels fait voir des projets dans différents domaines de sa vie : relations interpersonnelles, famille, couple, étude, travail, loisir et croissance personnelle. Ce large éventail témoigne d’une bonne santé mentale et d’une bonne adaptation. Trois priorités ressortent : faire de l’exercice physique, s’inscrire aux études pour devenir guide de plein air et se procurer du matériel pour ses études et ses loisirs (p. ex., un canot). De ces priorités, elle sélectionne le but spécifique pour la démarche : faire son inscription pour devenir guide de plein air. S dit avoir toujours remis à plus tard son inscription en se donnant des excuses, telles le manque de temps. Elle évalue ce but comme très important et pouvant lui procurer une grande satisfaction une fois atteint. Elle estime avoir un certain contrôle sur ce but et s’attribue une probabilité de le réaliser de 85 %. Elle considère également avoir les compétences pour le réaliser et compte sur le soutien social de ses amis du groupe de participantes. Elle anticipe beaucoup de stress, espère réussir les tests physiques nécessaires, se questionne sur l’argent dont elle aura besoin, s’inquiète du fait de devoir s’éloigner de sa famille et de ses amis et se soucie de son animal de compagnie.

Afin de surmonter les obstacles anticipés, S met au point une planification détaillée et rigoureuse qui devrait l’aider à passer à l’action. Elle compte utiliser divers moyens pour progresser vers l’atteinte du but : s’informer auprès d’un orienteur ou d’une aide pédagogique, remplir les documents nécessaires, se mettre en forme en vue des tests physiques, chercher de l’information sur les logements, chercher du travail pour payer son inscription et l’achat du matériel nécessaire. Elle prévoit utiliser certaines stratégies suggérées dans le Guide du participant (p. ex., auto-observation, auto-récompense) en vue de progresser vers l’atteinte du but. De plus, elle compte sur ses ressources personnelles et le soutien des amis et des autres participantes, l’intimité ayant augmentée dans le groupe.

Lors de la poursuite du but, S se montre très engagée et volontaire. La planification lui aurait donné le goût de se mettre en action maintenant et de ne plus attendre. Elle cherche donc des solutions pour mener à terme son plan d’inscription et surmonte des obstacles internes (p. ex., « ça va être long à faire ») et externes (p. ex., l’éloignement géographique). Elle utilise diverses stratégies afin de progresser dans son but : par exemple, la stratégie DROP qui consiste à prévoir un obstacle et un plan pour le surpasser (Oettingen, 2014). Cette stratégie implique également la technique du « si… alors » dont l’efficacité a été bien démontrée (Gollwitzer, 2009) : si tel obstacle survient, alors je ferai telle chose. S fait également une liste des choses à faire et les barre au fur et à mesure qu’elle les a accomplies. Elle mentionne que le fait de voir sur papier l’avancement de son projet augmente sa motivation. Les stratégies et les moyens qui avaient été prévus lors de la planification ont également été appliqués et ont permis à S de bien progresser dans son projet.

À la fin de la démarche en groupe, S évalue avoir atteint son but à 70 %. Elle est très satisfaite d’avoir choisi ce projet (10/10) et du progrès réalisé (8/10). Bien que la majorité des scores aux questionnaires (prétest/post-test) aient peu changé, on observe une diminution notable des affects négatifs en plus d’une légère augmentation des affects positifs, ainsi qu’une grande augmentation au niveau de la motivation intrinsèque rattachée à la stimulation. S rapporte se sentir « plus reposée » et « dans une humeur qui lui ressemble davantage » en plus de se sentir valorisée par le fait d’accomplir un projet qui stagnait depuis plusieurs années. Au cours de la démarche, elle a beaucoup apprécié le soutien du groupe et la découverte de la stratégie DROP qu’elle utilise maintenant presque tous les jours.

Son cheminement a provoqué certaines prises de conscience sur elle-même : par exemple, la difficulté à démarrer quelque chose, la tendance à voir un projet ou un obstacle comme une montagne. Elle a pris conscience de certaines pensées nuisibles (p. ex., « je n’ai pas le temps ») qu’elle veut contrer. Plus largement, elle a pris conscience de son désir d’avoir une famille et de faire sa vie avec quelqu’un qui sera un bon père. S prévoit continuer la démarche pour terminer son projet et réutiliser les apprentissages dans des projets futurs.

S a été recontactée quelques mois après la fin des ateliers sur les buts. Elle continue les étapes de son inscription pour être guide plein air et il ne lui reste plus qu’à écrire une lettre de motivation et un document sur ses compétences pour compléter l’ensemble de son projet. Elle dit aussi avoir des projets de vie avec son copain et avoir beaucoup travaillé durant l’été, ce qui lui a permis de mettre de l’argent de côté. Elle continue donc de se mettre en action à travers des projets qui lui ressemblent.

DISCUSSION

L’objectif principal de l’étude était d’offrir un programme sur la réalisation des buts personnels à des étudiants inscrits en session d’accueil au Cégep de Sherbrooke afin d’améliorer différentes composantes spécifiques à leur bien-être global : le bien-être affectif, l’estime de soi, le sentiment d’efficacité personnelle, la motivation intrinsèque en éducation et le processus de réalisation des buts devaient connaître une augmentation significative et l’anxiété face aux examens devait diminuer de façon significative en post-test, et ce, comparativement à un groupe contrôle. De façon générale, les variables ont eu tendance à changer dans le sens prévu, mais peu de ces changements sont significatifs. Pourtant, l’impression d’ensemble, l’évaluation subjective et l’étude de cas n’interdisent pas de penser que le programme GBP semble être associé à une amélioration du bien-être global des étudiantes de niveau collégial en session d’accueil.

Le bien-être affectif. Si dans le groupe expérimental l’augmentation du niveau des affects positifs du prétest au post-test n’a pas atteint le niveau de signification (quoiqu’elle s’en rapproche), elle est néanmoins significativement supérieure à celle du groupe contrôle au post-test. Ces résultats vont dans le sens de recherches antérieures auprès des étudiants de niveau collégial (Macloed et al., 2008; Travers et al., 2015). Il semble donc possible de penser qu’un programme axé sur les buts personnels puisse protéger les étudiants contre une diminution de leur niveau d’affects positifs au cours d’un semestre scolaire. Une curieuse différence est apparue entre la légère augmentation du bien-être subjectif (mesuré ici dans sa composante affective) et l’augmentation plus marquée de la satisfaction de vie (la composante cognitive) dans l’étude de Macloed et al. (2008). Il serait préférable, pour une prochaine étude, d’utiliser à la fois les composantes affective et cognitive du bien-être subjectif afin de mieux saisir la globalité de cette variable, comme le propose Diener (1984).

L’estime de soi. Contrairement à ce qui était anticipé, l’estime de soi n’a pas augmenté significativement au courant de l’étude dans le groupe expérimental. Ce résultat s’explique peut-être par le fait que les étudiants du programme Tremplin DEC n’auraient pas connu une diminution de leur estime d’eux-mêmes lors de leur première année au collège. Cette hypothèse est appuyée par les résultats obtenus par l’équipe de Shim et al. (2012) auprès d’étudiants américains. Le fait que l’estime de soi du groupe soit demeurée plutôt stable – et ce dans les deux groupes - pourrait peut-être aussi s’expliquer par le fait que le questionnaire de Rosenberg serait moins sensible aux variations que celui de Heatherton et Polivy (1991), utilisé par l’équipe de Bouffard (2001) qui avait obtenu une augmentation de l’estime de soi. Un autre point intéressant est ressorti de l’étude de Komarraju et Dial (2014) effectuée auprès de 128 étudiants âgés en moyenne de 19 ans. Cette équipe rapporte que la mesure « implicite » de l’estime de soi serait reliée à l’identité académique des étudiants et ne ferait pas référence aux mesures « explicites » normalement utilisées. Une estime de soi implicite suggèrerait une association plus prononcée avec la motivation à l’apprentissage et avec les buts personnels. Il pourrait donc être pertinent d’utiliser deux types de mesure (implicite et explicite) pour analyser cette variable dans une recherche future.

Le sentiment d’efficacité personnelle. Les résultats de l’étude montrent une légère augmentation du niveau du sentiment d’efficacité personnelle générale et spécifique chez les étudiantes du groupe expérimental, mais elle n’est pas significative. Par contre, les étudiants du groupe contrôle ont connu une augmentation significative de leur sentiment d’efficacité personnelle générale au post-test. Ce résultat pourrait s’expliquer par le fait que, selon les responsables du programme Tremplin DEC, les étudiants du groupe contrôle s’impliquent davantage dans leurs études et réussissent mieux que ceux inscrits en session d’accueil, ce qui est susceptible d’augmenter le sentiment d’efficacité personnelle (Zimmerman, 2000).

La motivation en éducation. Les résultats font voir que la motivation intrinsèque en éducation, et plus spécifiquement la composante rattachée à la stimulation, a significativement augmenté dans le groupe expérimental, et cela, même si aucune des participantes n’avait ciblé des buts se rapportant directement aux études. Ce résultat pourrait s’expliquer par le travail fait en atelier pour déloger les pensées nuisibles, comme le suggère la théorie de Beck (1995), et ainsi libérer les personnes pour l’action. De plus, l’inventaire des buts personnels – consistant à compléter une vingtaine de débuts de phrases (la Méthode d’Induction Motivationnelle de Nuttin (1980) – a peut-être permis aux participantes du groupe expérimental de prendre conscience de leurs aspirations profondes, ce qui est susceptible d’augmenter la motivation. En inscrivant leurs buts et projets dans une perspective d’avenir plus large, les participantes ont peut-être été amenées à découvrir ce qui les motive (Lens, 2006).

L’anxiété face aux examens. On observe une légère diminution de l’anxiété face aux examens dans le groupe expérimental et une légère augmentation de cette variable dans le groupe contrôle. Quoique non significatifs dans les deux cas, ces résultats vont dans le même sens que ceux de Bouffard et al. (2001). Comme l’expliquent Dixon et Chung (2008), il est probable que le fait d’inciter les participantes à l’action, d’effectuer une planification spécifique, de prendre conscience de leurs ressources personnelles et le soutien d’autrui favorise la réalisation du but choisi et contribue à diminuer l’anxiété aux examens.

Le processus de réalisation des buts. Dans l’ensemble, les composantes du processus de la réalisation des buts personnels (élaboration, planification, poursuite) ont eu tendance à évoluer dans le sens prévu, mais sans atteindre le niveau de signification (la planification s’en approche : p = 0,058). L’élaboration du but, pour sa part, s’est avérée significativement supérieure à celle du groupe contrôle au post-test. Quoique peu concluants statistiquement, ces résultats sont complétés par l’analyse qualitative. Ces dernières données révèlent que les participantes du groupe expérimental ont apprécié et utilisé les informations et les stratégies apprises et se proposent de les réutiliser à l’avenir. En somme, le programme GBP reçoit ici encore un appui qui est en accord avec de nombreux résultats antérieurs (p. ex., Bouffard et al., 2001; Dubé et al., 2005).

Retour sur l’analyse qualitative

Les données qualitatives, non moins importantes que les données quantitatives, font voir clairement l’appréciation des participantes à l’égard du soutien du groupe. Le programme semble leur avoir permis de briser l’isolement et de faire naître un certain sentiment d’appartenance. Elles ont également apprécié le processus de réalisation des buts, comme il a été mentionné au paragraphe précédent. De plus, elles ont signalé les apprentissages réalisés à propos d’elles-mêmes, ce qu’elles pourront réutiliser plus tard. Enfin, il convient de noter le changement important et bénéfique qu’a connu la participante S (cas étudié) : celui de pouvoir passer à l’action. L’expérience positive vécue lors de cette démarche fait voir l’utilité d’éprouver des émotions positives qui « déconstruisent » les effets nocifs des émotions négatives, de sorte que les participantes ont découvert de nouvelles possibilités et ne veulent plus se laisser arrêter par leurs pensées négatives.

Implications scientifiques et cliniques

Apports scientifiques. La présente étude se situe dans la perspective hédoniste (bien-être affectif) et eudémoniste impliquant diverses variables associées à l’engagement dans la poursuite d’un but, ce qui favorise la croissance personnelle et le bien-être global. Ainsi, différentes facettes du bien-être global ont été mises en lumière. De plus, les analyses statistiques et qualitatives ont fait voir les vulnérabilités des étudiants en session d’accueil (Picard et al., 2013), mais aussi les possibilités d’adaptation et de croissance de cette population[8]. Enfin, les deux types d’analyse ont confirmé – au moins partiellement – ce qui a été observé dans toutes les études basées sur le programme GBP, à savoir que ce programme favorise le bien-être de personnes en difficulté ou en transition, mais cette fois avec une nouvelle population. Ajoutons un point plutôt surprenant : l’augmentation de la motivation en éducation dans le groupe expérimental (aspect stimulation), alors qu’aucune des participantes de ce groupe n’avait choisi un but en rapport avec ses études. Il semblerait que de travailler sur différentes sphères de sa vie pourrait possiblement améliorer la relation aux études des participantes. Ce point pourrait être approfondi dans une recherche future.

Apports cliniques. L’apport le plus significatif de cette étude a trait à l’apprentissage – grâce à une pédagogie active – des processus de réalisation des buts personnels; apprentissage impliquant les dimensions intellectuelles, affectives et sociales, donc englobant la personne entière. Les données qualitatives ont fait voir également des apprentissages pertinents signalés par les étudiantes: intégration de notions, essai de stratégies variées pour affronter les difficultés, prise de conscience à propos d’elles-mêmes, sans parler du contentement quant à l’expérience de cohésion, d’empathie et de soutien mutuel. Il semble bien – les enseignants de l’équipe Tremplin DEC étant d’accord – que le programme GBP gagnerait à être offert dans le cadre d’un cours aux étudiants inscrits en session d’accueil, ce qui s’est avéré profitable avec des étudiants du premier cycle universitaire (Bouffard et al., 2001). De plus, les stratégies et « outils » offerts pendant la démarche seraient pertinemment utilisables dans la pratique thérapeutique (en petit groupe ou en individuel), comme l’ont proposé Dubé et al. (2005). En effet, des études avec des personnes en difficultés, divorcés récemment (Navratil et Lapierre, 2009) et victimes d’abus sexuels (Rivest et al., 2009) ont fait voir la puissance du programme GBP, puisque la poursuite d’un but personnel signifiant leur a permis de retrouver un certain bien-être psychologique.

Limites, forces et pistes de recherche

Malgré des résultats intéressants, il convient d’être prudent dans les conclusions qu’on en tire, puisque l’étude comporte des limites importantes : petite taille de l’échantillon; groupe expérimental composé uniquement de femmes, alors que le groupe contrôle est composé des deux genres; participants non répartis de façon aléatoire dans les deux groupes; devis quasi-expérimental et analyses non paramétriques; présence possible de désirabilité sociale, puisque l’animatrice est également celle qui administre les questionnaires.

Malgré ces faiblesses, l’étude comporte plusieurs forces : les résultats (même non significatifs) vont dans le sens prévu et répètent ceux des études antérieures; les stratégies utilisées par les participantes lors de la démarche pourront être réutilisées; les données qualitatives permettent de mieux saisir l’expérience vécue par les participantes; les nombreux apprentissages réalisés par les participantes (mentionnés antérieurement); un résultat surprenant : une augmentation significative de la motivation en éducation (aspect stimulation) chez les participantes, alors que leurs buts ne se rapportaient pas aux études.

Pistes de recherche. Cette première application du programme GBP à des étudiants de niveau collégial en session d’accueil est intéressante, mais sa pertinence et son utilité seraient augmentées si l’on utilisait un devis expérimental et cela dans le cadre d’un cours, comme nous l’avons recommandé. Par ailleurs, étant donné l’importance du soutien social au cours de la démarche, il conviendrait d’examiner la relation de cette variable avec le programme GBP. Il serait sans doute possible de rassembler des participants dans un groupe contrôle supplémentaire pour « socialiser » pendant que le groupe expérimental parcours le programme GBP. Possiblement, un cheminement individuel pourrait également offrir quelques informations à cet égard. Il serait opportun d’examiner les effets de chacune des étapes du programme GBP sur certaines variables (la motivation, par exemple). Il y aurait lieu d’effectuer une relance après quelques mois, ce qui est fort instructif, comme il a été possible de l’observer dans l’étude de Dubé et al. (2005). Enfin, sur la base de notre expérience comme animatrice-chercheure, nous recommandons : des séances plus longues (au moins deux heures); des discussions brèves en sous-groupes ou en dyades sur des thèmes choisis au cours des séances; l’utilisation du questionnaire complet de Vallerand et al. (1989) sur la motivation intrinsèque, extrinsèque et l’amotivation.

CONCLUSION

Cette étude a permis de confirmer partiellement l’impact du programme GBP sur le bien-être global d’une population collégiale inscrite en session d’accueil, en plus de fournir aux participantes un apprentissage significatif à propos du processus de réalisation des buts personnels, une meilleure connaissance d’elles-mêmes et une légère amélioration de leur bien-être.