Recensions hors thème

Guy Rocher. Le savant et le politique, sous la dir. de Violaine Lemay et Karim Benyekhlef, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2014, 246 p.[Record]

  • Magali Paquin

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L’ouvrage Guy Rocher. Le savant et le politique, dirigé par Violaine Lemay et Karim Benyekhlef, se veut avant tout un hommage à ce grand chercheur et penseur québécois. Les initiateurs du projet désiraient, pour souligner la retraite professionnelle de Rocher, saluer son apport tant au monde universitaire qu’à la société québécoise telle qu’elle s’est mise en place au tournant de la Révolution tranquille. Collègues, amis, étudiants d’aujourd’hui et d’hier témoignent, au travers de textes souvent personnels, de la grandeur de l’homme et de son rôle dans la construction du Québec moderne. D’aucuns pourraient être surpris du manque de modestie du titre de l’ouvrage. Toutefois, à sa lecture, on comprend que le clin d’oeil amical au classique de Max Weber est justifié, et ce, d’autant plus que l’oeuvre de Rocher s’inscrit dans la foulée de celle du sociologue allemand. Le livre comporte deux sections principales qui font écho au parcours professionnel de Rocher. Les cinq textes de la partie « Le savant » dressent le portrait du sociologue, chercheur au Centre de recherche en droit public (CRDP) dès 1979. Les cinq écrits qui composent la seconde partie, « Le politique », s’attardent à l’expérience de Rocher dans l’Administration et à son rôle dans l’élaboration de politiques publiques fondatrices qui contribuent, depuis la Révolution tranquille, à faire du Québec une société distincte. Enfin, une brève troisième partie, « L’homme », laisse la parole à Rocher et révèle un sympathique album-photo. Cependant, la qualité moyenne de l’impression ne leur rend pas justice, non plus qu’aux dix oeuvres graphiques créées spécialement pour le volume-hommage par l’artiste Maya Pankalla. On trouvera leurs contrastes rehaussés dans la version numérique de l’ouvrage, par ailleurs disponible gratuitement sur le site des Presses de l’Université de Montréal. Il est délicat de critiquer un ouvrage qui se présente comme un recueil de témoignages de ceux et celles qui ont côtoyé Rocher, qui ont appris de lui et qui s’en sont inspirés. Ainsi, parmi les chapitres de la section « Le savant », deux sont plus personnels. Dans un texte en anglais, Roderick A. Macdonald (chap. 2) commente l’influence qu’a eue Guy Rocher sur sa propre carrière. Andrée Lajoie (chap. 4) évoque quant à elle l’arrivée du sociologue au CRDP. Les autres écrits dressent un portrait plus éclairant du chercheur et de son oeuvre. Dans le texte le plus substantiel du recueil, Michel Coutu (chap. 1) propose une analyse de la pensée de Rocher à travers ses influences scientifiques. Si les travaux de Talcott Parsons marquèrent très fortement la pensée de l’auteur des trois tomes d’Introduction à la sociologie générale, ceux de Weber influencèrent sans conteste le sociologue du droit. C’est principalement à cette dernière facette que s’attarde Coutu. Ainsi, il examine les concepts clés qui constituent à ses yeux l’apport fondamental de Rocher à la sociologie du droit, tout en situant ce dernier par rapport aux principaux auteurs de ce champ disciplinaire. Les concepts de pouvoir, d’ordre juridique, d’internormativité, d’effectivité et de légitimation sont présentés de manière brève et efficace. L’auteur étaye sa position en recourant abondamment aux travaux de Rocher. L’originale proposition de Pierre Noreau (chap. 3), légèrement détachée de l’oeuvre de Rocher, n’en est pas moins un hommage à son approche intellectuelle. L’auteur fait état de la relation complexe entre les modes de pensée du sociologue, du juriste et du philosophe moral à travers un « trialogue » fictif entre ces personnages. Par l’intermédiaire de cet amusant exercice, Noreau met en exergue les multiples facettes de l’engagement intellectuel de Rocher tout en discutant diverses notions, dont celle de neutralité axiologique. En s’appuyant sur les archives …