Recensions

Après la Grande Guerre : Comment les Amérindiens des États-Unis sont devenus patriotes (1917-1947), de Thomas Grillot, Paris, Éditions de l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), 2014, 262 p.[Record]

  • Nicolas Houde

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En ces mois de commémoration des débuts du premier conflit mondial, la parution du livre de l’historien Thomas Grillot tombe à point. Après la Grande Guerre se veut une réflexion sur l’influence de ce conflit sur les transformations politiques, sociales et culturelles des communautés autochtones des États-Unis. L’auteur se penche plus particulièrement sur le rôle politique joué par les vétérans autochtones de la Première Guerre mondiale dans les décennies qui ont suivi le conflit. Rôle politique au sein de leur communauté, mais également dans l’espace politique national dans un contexte de revendications autochtones de plus en plus affirmées. Ce que l’enquête présentée dans ce livre vise surtout à faire, c’est de comprendre comment s’est faite la « politisation de la mémoire du premier conflit mondial en pays indien » (p. 19). Pour y parvenir, l’auteur s’adonne à l’examen attentif de documents d’archives, se concentrant principalement sur le cas de la réserve de Standing Rock, de ses habitants, de ses acteurs politiques et de ses vétérans. Sa démarche lui permet d’explorer les rapports complexes qu’entretiennent colonialisme, patriotisme et lutte politique pour l’émancipation autochtone. Son approche détonne de la trajectoire plutôt linéaire – de la colonisation à l’émancipation – qu’empruntent généralement les auteurs intéressés aux luttes autochtones du vingtième siècle. La trajectoire autochtone décrite par Grillot est plus complexe. Si la fin de la Guerre est un point de départ de revendications de droits civiques et collectifs, on se rend compte à la lecture du livre que la mémoire de la participation autochtone à la guerre, le retour de vétérans dans leur communauté d’origine et le déploiement d’un patriotisme permettant de « reformuler les termes de l’appartenance américaine des populations des réserves [autochtones] » (p. 83) peuvent être utilisés de différentes façons et pour faire avancer une grande variété d’idées, parfois contradictoires, sur ce que devrait être le statut de ces vétérans, des Autochtones en général et de leurs communautés. C’est donc une trajectoire diversifiée de lutte pour les droits individuels et collectifs qui est documentée, une trajectoire multiple faite d’embranchements qui conduit tantôt à jeter la base de la termination, mouvement d’assimilation qui trouvait grande écoute après la Deuxième Guerre mondiale, tantôt à l’affirmation d’autonomies politiques qui mènera, par exemple, les Iroquois à déclarer, en tant que nation autonome, la guerre à l’Allemagne. Afin d’en arriver à cette conclusion, l’analyse se déploie sur six chapitres. Le premier fournit au lecteur un portrait des représentations qu’on se faisait, aux États-Unis, des Autochtones au cours de la première moitié du vingtième siècle. L’auteur explique les tentatives de réécriture de la « race indienne », notamment par les Autochtones eux-mêmes, qui ont été entreprises dans le contexte de la Première Guerre mondiale et après. La Guerre, pour Grillot, a rendu passagèrement visibles les Autochtones, qui ont été mobilisés, mais sans changer profondément les représentations qu’on se fait d’eux. Pour les Américains de l’après-guerre, ils appartiennent à un peuple archaïque sur le point de disparaître, d’être assimilé, représentations « à l’oeuvre même chez les anthropologues » de l’époque (p. 53). Il conclut ce chapitre en soulignant que si ces efforts de réécriture sont restés dans un premier temps vains sur la scène nationale, c’est vers la scène locale que les Autochtones se tourneront pour faire avancer leurs revendications, alors que les vétérans se verront assigné un rôle symbolique, puis social, essentiel dans les réserves. Les deuxième et troisième chapitres se penchent sur le déploiement de la mémoire de la participation autochtone à la Grande Guerre dans les communautés locales et sur la façon dont le local finira par « travaille[r] le national » (p. …