Recensions

Advocacy Groups, de Lisa Young et Joanna Everitt, Vancouver, UBC Press, The Canadian Democratic Audit Series, 2004, 188 p.[Record]

  • Christian Poirier

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  • Christian Poirier
    Université Laval

Les groupes d’intérêt constituent une composante incontournable des dynamiques sociopolitiques qui animent les sociétés contemporaines. L’émergence et la multiplication des groupes contribuent au vaste processus de transformation des pratiques politiques classiques, historiquement symbolisées par la figure canonique des partis politiques et leurs investissements au sein des institutions représentatives. Les citoyens s’impliquent de manière croissante dans des formes renouvelées d’action politique (on rappelle d’ailleurs que 70 % des Canadiens font davantage confiance aux groupes qu’aux partis politiques). Advocacy Groups fait partie d’un projet ambitieux, le Canadian Democratic Audit, dont l’objectif est de réaliser ni plus ni moins qu’une radioscopie de l’état de la démocratie au Canada. Si les diagnostics soulignant un désintérêt pour la politique ou une accentuation du cynisme sont courants, ils ne camouflent que difficilement l’impuissance à traduire et à comprendre un univers en mutation qui se dérobe souvent aux analyses traditionnelles. Cinq dimensions analytiques sont considérées et développées tout au long des neuf chapitres : la nature de la participation, la forme de cet engagement et la composition des groupes, l’identification des intérêts plus ou moins « organisés », l’accès des groupes au processus décisionnel et, enfin, les stratégies mises en oeuvre ainsi que leurs impacts sur la démocratie. Par ailleurs, le livre fournit des renseignements précieux de nature quantitative et chacun des chapitres se conclut avec une synthèse qui relève les forces et les faiblesses de la contribution des groupes au système démocratique canadien. Des questions supplémentaires ainsi que des suggestions de lecture complètent l’ensemble ; celles-ci viennent à la toute fin de l’ouvrage, mais elles auraient certainement gagné à être insérées en complément des chapitres. L’intention première de Lisa Young et de Joanna Everitt doit être saluée : les groupes d’intérêt ne devraient pas être perçus sous l’angle d’organisations strictement privées ou comme de simples substituts à la représentation des citoyens au sein des législatures, mais comme d’authentiques mécanismes susceptibles de combler certaines lacunes du système politique. Les groupes fournissent des voies différentes grâce auxquelles les citoyens peuvent participer politiquement ; ils enrichissent la culture démocratique et permettent l’élaboration de meilleures politiques publiques (en rendant les gouvernements plus attentifs aux besoins de la population et en fournissant de l’expertise) : « In an era in which citizen’s evaluations of democracy are not positive and many citizens believe they cannot affect government policy, it is essential to strengthen the organizations that citizens do see as an effective means for political engagement : advocacy groups » (p. 152). Certaines données confirment d’ailleurs les hypothèses formulées par Robert D. Putnam au sujet du capital social. Ainsi, 73,6 % des membres d’un groupe ont déjà contacté un député (56,5 % pour les adhérents d’un parti et 29,2 % pour les personnes qui n’appartiennent pas à un groupe) et 47,1 % discutent souvent de politique (39,0 % pour les membres d’un parti et 22,6 % pour les autres). Il en va de même de la participation à des formes non traditionnelles d’activité politique (signer une pétition, boycotter un produit, participer à une manifestation ou occuper un immeuble). En ce qui a trait à la représentativité des groupes, les auteures mettent au jour des variations significatives concernant le degré de participation de diverses catégories citoyennes aux processus décisionnels internes. Ainsi, il est particulièrement inquiétant de constater le nombre croissant d’organisations qui ne fonctionnent qu’avec des « donateurs » (par exemple Greenpeace Canada) plutôt qu’avec des membres au sens actif du terme. Les données indiquent aussi que les personnes qui bénéficient d’un niveau d’éducation et d’un revenu élevés (et qui, de surcroît, sont de couleur blanche) sont particulièrement actives au sein des groupes. …