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Origine des vertébrés : la tunique fait-elle le moine ?Vertebrate origins: does the tunic make the man?[Record]

  • Frédéric Delsuc,
  • Denis Baurain and
  • Hervé Philippe

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  • Frédéric Delsuc
    Laboratoire de paléontologie, phylogénie et paléobiologie-CC064,
    Institut des Sciences de l’évolution UMR 5554/CNRS,
    Université Montpellier II,
    Place Eugène Bataillon,
    34095 Montpellier Cedex 05 France.
    delsuc@isem.univ-montp2.fr

  • Denis Baurain
    Canadian Institute for Advanced Research,
    Département de biochimie,
    Centre Robert-Cedergren,
    Université de Montréal,
    CP 6128,
    Succursale Centre-ville,
    Montréal (Québec),
    H3C 3J7 Canada.
    Département des Sciences de la vie,
    Université de Liège,
    B22, Sart Tilman,
    4000 Liège,
    Belgique.
    denis.baurain@ulg.ac.be

  • Hervé Philippe
    Canadian Institute for Advanced Research,
    Département de biochimie,
    Centre Robert-Cedergren,
    Université de Montréal,
    CP 6128,
    Succursale Centre-ville,
    Montréal (Québec),
    H3C 3J7 Canada.
    herve.philippe@umontreal.ca

Depuis plus d’un siècle, les biologistes débattent de l’origine des vertébrés, groupe animal auquel appartient l’espèce humaine. Au sein des Deutérostomiens (Figure 1), les vertébrés, avec les Céphalochordés et les Urochordés, forment l’embranchement des Chordés (Figure 2A), notamment caractérisés par la présence d’un tube nerveux dorsal appelé chorde. Le plus célèbre représentant des Céphalochordés est l’Amphioxus, qui ressemble superficiellement à une larve de poisson (Figure 1A), tandis que les Urochordés, également connus sous le nom de Tuniciers, sont des organismes marins à distribution cosmopolite. Avec plus de 2 500 espèces, les Tuniciers présentent une variété morpho-écologique remarquable. La majorité appartient aux Ascidiacés qui, à l’instar de la cione intestinale (Figure 1B), possèdent des larves pélagiques qui se métamorphosent en adultes fixés au substrat. Toutefois, on dénombre également des groupes de Tuniciers exclusivement planctoniques, tels que les Appendiculaires (Figure 1C). Au sein de l’arbre du vivant, les Tuniciers et les Céphalochordés se situent à la frontière entre « invertébrés » et vertébrés. Ils constituent dès lors des modèles de choix pour comprendre l’origine des vertébrés. Outre les Chordés, deux autres embranchements doivent être considérés dans l’étude de cette question. Il s’agit des Échinodermes (lys de mer, ophiures, concombres de mer, oursins et étoiles de mer, Figure 1D) et des Hémichordés (Entéropneustes et Ptérobranches, Figure 1E). Selon la vision traditionnelle fondée sur la morphologie comparée, l’histoire évolutive des Deutérostomiens est interprétée comme une marche progressive vers la complexité allant des formes « simples » vers les formes plus « complexes », lesquelles « culminent » avec les vertébrés (Figure 2A). Dans ce schéma, les Céphalochordés sont considérés comme les plus proches parents des vertébrés au sein des Chordés, ce qui explique que l’Amphioxus soit largement utilisé comme modèle dans les études d’évolution du développement (Évo-Dévo). Cette proche parenté supposée est cependant essentiellement fondée sur la morphologie externe et sur des caractères partagés, tels que la segmentation du mésoderme en somites, structures embryonnaires situées de part et d’autre du tube neural. Des phylogénies moléculaires fondées sur l’ARN ribosomique [5] ont bousculé cette vision traditionnelle en montrant que les Échinodermes et les Hémichordés sont en fait apparentés (Figure 2B). Cette révélation a logiquement conduit à la réinterprétation de l’évolution de certaines structures morphologiques, telles que les fentes branchiales, que l’on ne retrouve que chez les Hémichordés et les Chordés, mais qui étaient vraisemblablement déjà présentes chez l’ancêtre commun des Deutérostomiens et auraient été perdues chez les Échinodermes. Récemment, tirant parti des séquences génomiques d’Oikopleura dioica représentant un groupe particulier de Tuniciers (les Appendiculaires), nous avons assemblé un grand jeu de données de 146 gènes nucléaires issus de 38 espèces d’animaux et de champignons dans le but de reconstruire les relations de parenté au sein des Deutérostomiens. En identifiant de manière très robuste les Tuniciers comme les plus proches parents des vertébrés dans la biodiversité actuelle, notre étude phylogénomique fait voler en éclats le dogme qui voyait dans les Céphalochordés le groupe-frère des vertébrés (Figure 2C). Cette découverte inattendue revêt des conséquences majeures pour l’interprétation des données paléontologiques, morphologiques et développementales. En particulier, une proche parenté entre Tuniciers et vertébrés oblige à reconsidérer la présence des somites, classiquement utilisée pour allier Céphalochordés et vertébrés, comme une caractéristique ancestrale des Deutérostomiens qui aurait été réduite secondairement chez les Tuniciers, les Hémichordés et les Échinodermes. Cette hypothèse est en accord avec la possible présence de structures rappelant les myotomes (structures anatomiques issues des somites), chez le plus ancien Tunicier fossile connu [6]. Nos résultats font par ailleurs écho à la récente détection chez les Tuniciers de …

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