Notes critiques

Chrétiens d’Orient : perspectives vues de l’Orient[Record]

  • David Villeneuve

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  • David Villeneuve
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec

À propos de : Pascal Gollnisch, Chrétiens d’Orient. Résister sur notre terre, Paris, Cherche midi, 2016, 183 p. ; Laurence Desjoyaux, Louis-Raphaël Sako, « Ne nous oubliez pas ! » Le SOS du patriarche des chrétiens d’Irak, préface du cardinal Philippe Barbarin, Paris, Bayard (coll. « Essais religieux »), 2015, 155 p. ; et Grégoire III Laham, Charlotte d’Ornellas, Ne nous laissez pas disparaître ! Un cri au service de la paix, entretien mené par C. d’Ornellas, Perpignan, Artège, 2016, 132 p.

Cette note critique présente, dans un premier temps, la recension de trois monographies sur le thème des chrétiens d’Orient. Dans un deuxième temps, nous ferons ressortir le contenu commun aux trois ouvrages. Par la voix de trois évêques, chaque ouvrage se veut un appel lancé à tous à ne pas laisser les communautés chrétiennes du Proche-Orient sombrer dans l’oubli, alors qu’elles traversent actuellement une situation très difficile. Le titre de chacun de ces ouvrages est très révélateur à cet égard. Mgr Pascal Gollnisch est directeur de l’Oeuvre d’Orient, organisme catholique latin venant en aide depuis longue date aux communautés chrétiennes orientales en difficulté. L’ouvrage que présente Mgr Gollnisch témoigne de la connaissance profonde de l’auteur des chrétientés orientales, de même que de sa longue expérience sur le terrain. C’est toutefois sur l’Irak, et ses chrétiens, que porte l’essentiel du livre. Son contenu s’adresse à la fois à un grand public désireux d’en apprendre davantage sur la situation des chrétiens d’Irak, tout autant qu’au spécialiste qui souhaite se référer à l’opinion d’un homme de terrain. En introduction, le livre dresse un portrait exhaustif du « chemin de croix » parcouru par les chrétiens irakiens depuis l’invasion américaine de 2003. Il est également question, en détail, de la situation, très actuelle, des déplacés de la plaine de Ninive, chassés par Daech (nom en arabe de l’Organisation de l’État islamique) à l’été 2014. Dans une perspective pédagogique, les deux premiers chapitres relatent la longue histoire du christianisme oriental. On y découvre le processus qui a mené à la naissance des nombreuses Églises du Proche-Orient, mais surtout ce qu’implique au quotidien le fait d’être chrétien en Orient, ces « chrétiens en terre d’islam » comme l’évoque l’ouvrage dirigé par Heyberger. Le dernier chapitre, qui constitue en somme la thèse du livre, consiste en une réflexion de l’auteur, qui dépasse largement la seule question du maintien de la présence chrétienne en Orient. En effet, pour Mgr Gollnisch, l’avenir de la chrétienté orientale est lié à celui du christianisme en Occident, de même qu’à l’orientation future que prendra le monde musulman. Ainsi, l’auteur critique, dans un premier temps, la laïcité érigée en « religion » dans les sociétés occidentales. En occultant ses racines chrétiennes, l’Occident nuit à l’intégration des populations musulmanes qu’il accueille et favorise la radicalisation. On ne peut pas dicter à quiconque comment « être » si on ne sait pas soi-même « qui l’on est ». Dans un deuxième temps, Mgr Gollnisch invite les musulmans à réfléchir à l’avenir de leur religion. Il leur faut trouver un moyen de permettre à l’islam d’entrer dans la modernité, qui ne doit pas forcément être une modernité à l’occidentale. Il est nécessaire de voir Dieu comme le Dieu d’amour qui apparaît clairement dans le Coran, et laisser de côté l’image d’un Dieu de puissance qui incite à la guerre, pour lequel il faut dominer l’autre. Pour l’auteur, cette réflexion est en marche. Selon lui, elle se retrouverait pour le moment surtout chez les chiites. Mais il faut également pour la majorité sunnite amorcer le même travail, car autrement, le monde musulman n’est appelé qu’à se déchirer de l’intérieur. Mgr Louis-Raphaël Sako est le patriarche de l’Église chaldéenne. Il réside à Bagdad en Irak, mais son parcours académique et ses fonctions l’ont amené à développer une solide connaissance de l’Occident. Ce livre résulte d’un entretien de Mgr Sako avec Laurence Desjoyaux, journaliste à La Vie. L’ouvrage doit être perçu comme le témoignage d’un « homme de l’intérieur ». Personne en effet ne semble être mieux placé que Mgr Sako …

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