Recensions

Jean Laporte, L’oecuménisme et les traditions des Églises. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Initiations »), 2002, 332 p.[Record]

  • Gilles Routhier

…more information

  • Gilles Routhier
    Université Laval, Québec

Jean Laporte, spécialiste des Pères de l’Église, commet, dans la collection « Initiations », un ouvrage sur un sujet tout à fait étranger à son champ de spécialisation, l’oecuménisme. L’ouvrage, réparti en huit chapitres, présente de manière successive les grandes Églises chrétiennes non catholiques (chapitre 3, l’Église grecque orthodoxe, 4, la Réforme de Luther et de Calvin, 5, l’Église anglicane, 6, l’Église américaine, 7, les sectes), après avoir traité de manière générale du mouvement oecuménique dans le premier chapitre. À ces différents chapitres s’ajoutent un chapitre (2) consacré à « Notre mère la Synagogue », ce qui peut se justifier, un autre (8), ce qui est assez étonnant en regard du titre (L’oecuménisme et les traditions des Églises), à l’Islam, et un épilogue sur « Les voies ouvertes par l’oecuménisme ». Les chapitres 3 à 7, sauf le chapitre 6 consacré à l’Église américaine, sont construits de la même façon : on présente une tradition chrétienne (fondation, histoire et caractéristiques doctrinales, liturgiques ou disciplinaires) avant de consacrer quelques pages (au plus trois) à la contribution de cette tradition au mouvement oecuménique. Le tout, dans une perspective pédagogique sans doute, est suivi d’un questionnaire et d’une bibliographie. L’ensemble est finalement très décevant, pour ne pas dire davantage. D’abord, sur le plan systématique, les lacunes sont nombreuses et importantes. Il est dommage, en effet, dans un volume d’« initiation », de ne pas distinguer l’oecuménisme du dialogue interreligieux et de ranger l’Islam dans une énumération « des principaux groupes chrétiens » comme on le fait en quatrième de couverture et comme cela est implicite dans l’ouvrage (sauf à la p. 315), en raison du fait qu’on le rencontre « à tous les coins de rue, mais aussi parce que cette religion préserve l’essentiel de notre foi en Dieu telle qu’elle apparaît dans l’Ancien Testament » et qu’elle contient « une critique de la doctrine chrétienne de la Trinité » (p. 257). Que l’essentiel de la foi chrétienne proposée dans le Nouveau Testament ne s’y retrouve pas ne semble donc pas faire problème, non plus qu’elle refuse le dogme trinitaire qui ne serait plus, du coup, un élément essentiel de la foi chrétienne ! Toujours sur le plan systématique, on se demande ce que vient faire « l’Église américaine », notamment l’Église catholique, parmi les « principaux groupes chrétiens », sans compter qu’il est assez réducteur de ramener l’Amérique aux États-Unis. Faut-il penser que « l’Église américaine » — si une telle chose existe puisque sous ce couvert on situe l’Église catholique romaine aux États-Unis et différentes formes du protestantisme —, est un groupe chrétien ? Sur le plan systématique encore, on procède, au chapitre 8, avec un concept non défini de sectes, plaçant ici les Témoins de Jéhovah et Moon. Exceptionnellement, ce chapitre (comme celui sur l’Islam) n’apporte pas d’éclairage sur la contribution de ces groupes à l’oecuménisme. On le comprend bien, plusieurs spécialistes auraient hésité à les ranger parmi les « principaux groupes chrétiens ». Enfin, dans tout cet ensemble, sauf l’unique page consacrée à l’Église catholique romaine aux États-Unis, nulle part on ne présente l’Église catholique comme on le fait pour les autres principaux groupes chrétiens (parmi lesquels on range ce que l’on sait), ce qui laisse entrevoir la conception de l’oecuménisme que l’on a. Elle serait simplement au-dessus de la mêlée, en dehors du cercle de ces dissidents. Un tel ouvrage qui prétend initier à l’oecuménisme risque de confondre davantage les lecteurs que les éclairer. Toutefois, comme l’auteur a décidé que « la discussion des principes de l’oecuménisme […] n’intéresse plus personne », il s’est affranchi des …