Régionalisme et régions –Europe : Contrôler l’Europe. Pouvoirs et responsabilité dans l’Union européenne.Magnette, Paul. Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2003, 175 p.[Record]

  • Chedly Belkhodja

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  • Chedly Belkhodja
    Département de science politique
    Université de Moncton, Canada

Ce court ouvrage s’intéresse à la crise de légitimité des institutions européennes. À la fin des années quatre-vingt-dix, le problème de la responsabilité se pose sérieusement. Sur fond d’un profond malaise politique provoqué par l’affaire de la vache folle (1997) et la démission de la Commission Santer (1999), l’édifice européen est ébranlé par les affaires et la corruption, par une crise de confiance de la population et par le sentiment de lourdeur des rouages administratifs. Paul Magnette propose un approfondissement de ces questions en examinant les mécanismes de la responsabilité au sein de l’institution. Une première impression qui se dégage est la difficulté à bien saisir la logique de la responsabilité européenne, placée devant l’opacité du processus de décision. Dès sa fondation, l’Europe doit se confronter aux logiques nationales peu enclines à accorder des espaces de responsabilité à Bruxelles. On nous présente souvent l’image d’une Europe réduite, limitée, plus technocratique et économique. Il faut attendre les profondes réformes débutées par l’Acte unique en 1987 et poursuivies par le traité de Maastricht pour assister à un changement des esprits. Il est également intéressant de noter les nouvelles impulsions européennes produites par l’ajout de nouveaux membres, notamment les pays scandinaves qui introduisent une autre culture politique. Cet ouvrage se divise en deux parties. Dans une première section, l’auteur propose un survol des mécanismes de contrôle de la responsabilité au sein des institutions européennes. Un premier chapitre de nature théorique fait état de l’origine des modèles de responsabilité au sein des régimes démocratiques britannique (le modèle parlementaire de Westminster) et américain (le Checks and Balances). Dans chacune des trajectoires historiques, l’auteur souligne l’extension du contrôle des citoyens sur le pouvoir politique. Il faut constater ici le long chemin parcouru, mais remarquer l’absence d’une culture de responsabilité dans la construction européenne qui s’explique par la difficulté de transposer un modèle national ou de construire un nouveau cadre institutionnel. L’Europe présente plutôt l’exemple d’une responsabilité affaiblie ou hybride autour de quatre aspects (pp. 24-25) : la difficulté d’identifier les acteurs d’une décision, l’impossibilité des électeurs à révoquer les dirigeants, l’absence d’une forme d’opposition politique, le peu de surveillance des médias d’information. Les trois chapitres suivants présentent les mécanismes de contrôle au coeur de principaux organes, soit la Commission, le Conseil et la Banque centrale européenne (bce). Dans les deux premiers cas, l’auteur souligne avec justesse l’ambivalence européenne tiraillée entre la logique souveraine des États et une impulsion parlementaire européenne plus revendicatrice. Technocratique ou politique, organe fondateur, la Commission s’est développée dans la neutralité, mais se fait concurrencer par un Parlement plus politisé et participatif, mais divisé selon des clivages partisans nationaux. Depuis quelques années, l’auteur souligne l’introduction de deux procédures de contrôle de la Commission par les parlementaires, soit l’investiture et la censure. Pour sa part, le Conseil européen illustre la difficulté d’envisager le contrôle dans un espace supranational en construction. Véritable exécutif de l’Europe, le Conseil est le lieu de la rencontre des différentes logiques concurrentes des assemblées nationales. Par sa nature indépendante et son mandat particulier, la bce se détache des rouages de coopération connus. Elle évolue dans un nouvel environnement et entend maintenir une marge de manoeuvre dans ses activités. Paul Magnette voit néanmoins des mesures de contrôle minimales qui consistent à favoriser un meilleur dialogue entre la banque et les institutions. Dans une seconde section, Paul Magnette aborde d’autres formes de contrôle émanant cette fois-ci des particuliers. Selon l’auteur, c’est à ce niveau que nous assistons aux changements les plus intéressants compte tenu de la participation accrue des citoyens aux affaires politiques. L’Europe ne fait pas exception à …