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Biebuyck Brunhilde, Sandra Bornand et Cécile Leguy (dir.), 2008, « Pratiques d’enquêtes », Cahiers de littérature orale, 63-64. Paris, Publications de Langues’O, 474 p.[Record]

  • John Leavitt

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  • John Leavitt
    Département d’anthropologie, Université de Montréal, C.P. 6128, succursale centre-ville, Montréal (Québec), H4A 3K7, Canada
    john.leavitt@umontreal.ca

« La méthode, c’est le chemin après qu’on l’a parcouru », disait Marcel Granet, sentence que son élève Georges Dumézil aimait répéter (voir par exemple 1948 : 12). Cette idée rétrospective de la méthode est fidèle à l’étymologie du mot grec meta-hodos : « (se déplacer) le long du chemin ». Au lieu de proposer des méthodes toutes faites que le chercheur est censé mimer, il est toujours valable de suivre les parcours de chercheurs dans leurs travaux, d’où l’on peut extraire, a posteriori, des méthodes. Or, les coordonatrices de ce gros volume, numéro double des Cahiers de littérature orale, ont demandé à des chercheurs dans le domaine des traditions orales – vingt-cinq auteurs, littéraires, linguistes, folkloristes et anthropologues, basés dans cinq pays, de plusieurs traditions intellectuelles différentes, et qui travaillent sur des performances africaines, européennes, américaines et océaniennes – de parler, non pas de leurs méthodes d’enquête, mais, précisément, de leur cheminement, de leurs pratiques. L’ouvrage qui en résulte, comme on pourrait s’y attendre, est d’une variété extrême, mais est marqué par la fraîcheur des découvertes que l’on y fait. La plupart des contributeurs sont français ou basés en France. En fait, on pourrait avancer l’idée que, depuis un certain temps, la France – et Paris en particulier – est devenue la Mecque des études des traditions orales : elle est le lieu de travaux intensifs, multisites et multidisciplinaires. Séminaires, colloques, numéros de revues, centres de recherche semblent foisonner et s’imbriquer partiellement. Cette explosion d’intérêt est ancrée dans des traditions bien établies : d’une part, l’intérêt continu pour les mythes chez les anthropologues influencés par Claude Lévi-Strauss ; d’autre part, l’intérêt pour les dits de l’autre chez Marcel Griaule et l’impact que la méthode de celui-ci a eu sur la pratique de terrain chez nombre d’anthropologues français ; enfin, une tradition de passion, chez les littéraires, pour les formes non-occidentales. Plusieurs séminaires de longue haleine ont marqué et marquent encore le paysage intellectuel parisien. Avec le lancement des Cahiers de littérature orale en 1976 par Geneviève Calame-Griaule, la France et la francophonie se sont dotées de l’une des rares revues dans le monde qui traitent principalement des traditions orales. Forte de cette situation déjà riche, la dernière décennie a de plus vu l’établissement d’une série de nouveaux centres et la transformation d’autres. Des représentants de plusieurs de ces groupements sont contributeurs à ce volume, qui offre un panorama des pratiques en usage pour recueillir et analyser les traditions orales. Le recueil est marqué par la diversité des approches, des styles, et des types de texte. Ce qui frappe d’abord est que presque la moitié des contributions proviennent d’africanistes. Cette présence a peut-être d’autres raisons que les seuls intérêts des trois coordonatrices, qui sont elles-mêmes africanistes. À l’instar des traditions grecques et balkaniques qui ont fourni les exemples de base pour l’école d’analyse de la poésie orale de Parry et Lord dès les années 1920, et à l’instar des matériaux amérindiens qui ont été exemplaires à la fois pour le structuralisme autour de Lévi-Strauss et pour l’ethnopoétique américaine des années 1970 et 1980 (Leavitt in Calame et al. 2010), on peut voir ici à quel point les études africaines constituent un lieu d’inspiration pour une revivification des études de l’oralité en France (voir, par exemple, Baumgardt et Derive 2008, dont on trouve un compte rendu dans le volume), mais aussi en Angleterre (Barber 2007 ; Furniss 2004 ; Finnegan 2007, dont on trouve également un compte rendu). L’introduction de l’ouvrage par Sandra Bornand et Cécile Leguy place celui-ci dans cette lignée, en citant dès la première …

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