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Fredrik Barth, Andre Gingrich, Robert Parkin et Sydel Silverman, 2005, One Discipline, Four Ways : British, German, French, and American Anthropology. Chicago et Londres, University of Chicago Press, 2005, 405 p., bibliogr., index.[Record]

  • Marie France Labrecque

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  • Marie France Labrecque
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Cet ouvrage s’inscrit dans le domaine de l’histoire de l’anthropologie et résulte d’une série de conférences tenues dans le cadre de l’inauguration du Max Planck Institute for Social Anthropology à Halle, en Allemagne, en 2002. Au gré des vingt chapitres que comporte l’ouvrage, Barth, Gingrich, Parkin et Silverman traitent respectivement de l’anthropologie britannique, allemande, française et américaine en insistant sur la construction de la discipline au sein de chacune des traditions. Plutôt que de suivre un plan similaire en tous points, les auteurs ont effectué des choix dans leur traitement de la matière, imprimant de la sorte leur marque particulière dans l’une et l’autre partie – c’est d’ailleurs ce qui fait l’intérêt de cet ouvrage par rapport à de nombreux autres sur l’histoire de l’anthropologie. Selon Barth, l’anthropologie britannique a pris son véritable envol avec la publication simultanée en 1922 des Argonauts of the Western Pacific par Malinowski et de The Adaman Islanders par Radcliffe-Brown. À partir de là, l’influence de l’anthropologie britannique se fera sentir pendant une quarantaine d’années sur les autres traditions anthropologiques qui se forgeaient simultanément. Toutefois, on remarque le déclin de cette influence à partir des années 1970 avec la publication de l’ouvrage de Talal Asad, Anthropology and the Colonial Encounter qui suggérait fortement que les anthropologues britanniques du premier tiers du XXe siècle s’étaient très bien accommodés du contexte de l’empire, ce qui les rendait complices de l’entreprise coloniale. Cette critique du colonialisme, se combinant à l’influence du marxisme et du féminisme, a marqué un tournant important pour l’anthropologie britannique dont l’influence ne sera jamais plus aussi décisive qu’elle ne l’était avant les années 1970. Pour Gingrich, les antécédents de l’anthropologie allemande ressemblent beaucoup à ceux des autres traditions traitées dans cet ouvrage : les grands voyageurs, les Lumières, l’évolutionnisme. Mais, après les années 1840, et particulièrement après la révolution (avortée) de 1848, on a remarqué un intérêt croissant pour les études de folklore rural au sein des pays germanophones mêmes, ce qui allait encourager, semble-t-il, une tendance à postuler l’infériorité historique ou biologique de certaines populations. Les deux géants de l’anthropologie germanique à l’époque coloniale, soit avant la Première Guerre mondiale, étaient Adolf Bastian et Friedrich Ratzel. Tous deux sont associés à l’approche diffusionniste, mais les idées qu’ils véhiculaient étaient fort différentes les unes des autres. Particulièrement, Ratzel véhiculait l’idée de la « capacité limitée d’invention » ou la « pauvreté mentale » de certaines populations par rapport à d’autres. C’est précisément ce qui sera retenu de l’anthropologie par le IIIe Reich et par les nazis surtout à partir de 1938. Gingrich soutient d’ailleurs qu’il y a eu une complicité entre les anthropologues allemands et le régime et c’est cette complicité même qui expliquerait la diminution drastique de l’influence internationale de l’anthropologie de langue allemande après la Deuxième Guerre mondiale en même temps qu’elle peut être attribuée à la fuite des cerveaux dès avant la guerre. La partie élaborée par Parkin s’intitule « The French Speaking Countries », mais c’est presque en vain que j’ai cherché des auteurs qui ne soient pas Français, à l’exception de notre collègue Pierre Maranda. Cela dit, pour Parkin, et on sera assez d’accord avec lui, l’influence de Durkheim sur la tradition française est véritablement monumentale et durable. Cette influence est l’un des facteurs qui contribue au fait qu’il y a une véritable consistance au sein de la tradition ; c’est d’ailleurs la raison pour la quelle on peut parler de tradition dans ce cas, contrairement à celui de l’anthropologie allemande. Si l’histoire de l’anthropologie française s’attarde en général aux apports théoriques de cette tradition particulièrement à …