Revue des revues de langue française

Alternatives théâtrales, n°109 (2011), n°110-111 (2011)Études théâtrales, n°s 50-51-52 (2012)Revue Jeu,s 139, 140, 141 (2011)Théâtre / Public,s 199-200-201-202 (2011)[Record]

  • Pauline Bouchet

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  • Pauline Bouchet
    Université du Québec à Montréal
    Paris 3 (Sorbonne-Nouvelle)

Le rapport au réel, le lien entre théâtre et cité au sens noble de la « polis » grecque à la fois ville et communauté politique ; le théâtre qui fait fuir le spectateur, qui l’endort ; le son dans le spectacle vivant désormais interdisciplinaire et indiscipliné : voilà autant d’angles que nous avons choisies pour aborder les revues de théâtre en langue française de cette saison 2011-2012. Résultat de pistes de réflexion lancées en commun par l’Université Paris 3 et le Centre d’études théâtrales de Louvain, les deux derniers numéros d’Etudes théâtrales questionnent le rapport du théâtre au réel, à un monde référentiel, comme l’explique Jean-Marie Piemme dans sa préface au volume 50 sur le « document » qu’il définit comme un élément dans un spectacle qui a une existence aussi dans le monde et instaure donc un rapport au vrai. Ce numéro commence par une analyse historique de la notion et de son usage au théâtre, puis propose des réflexions théoriques et des analyses d’exemples pour enfin donner la parole aux auteurs. On retiendra le premier article de Philippe Ivernel, qui dessine une histoire du théâtre documentaire en partant de Zola et de son travail documentaire dans le cadre du théâtre naturaliste, et en passant par Piscator et sa vision d’un théâtre politique basé sur le document politique. Il retrace l’entrée en scène progressive de nouvelles réalités, celles des ouvriers, qui donnent aux spectacles une « couleur documentaire ». (p.24). Dans la deuxième partie de cette livraison, on peut noter l’article d’Hélène Kuntz intitulé « Évènements à l’échelle du monde et petits faits vrais : deux modes d’ancrage dans le réel » (p.62) qui parle du nouveau rapport des auteurs aux évènements mondiaux qui les poussent à écrire alors qu’ils ne les ont pas connus eux-mêmes mais les ont entendus raconter dans les médias. Elle y développe l’idée de l’avènement d’une « scène-monde » qui cohabite avec une dramaturgie du « fait divers » qui, elle aussi, propose l’entrée du réel sur scène. Elle illustre ces deux tendances avec l’écriture de Lars Norén dans deux spectacles datant de 2007 : A la mémoire d’Anna Politovskaïa, en hommage à la journaliste russe engagée et assassinée en 2006 ; et 20 novembre qui traite de la tuerie perpétrée par Sébastien Bosse en Allemagne le 20 novembre 2006 dans un lycée en Allemagne. Lars Norén fonde son écriture sur le témoignage que Bosse a laissé sur Internet pour expliquer son geste et que Norén transforme en monologue. La question pour Kuntz est la suivante : en quoi le fait réel informe-t-il l’écriture dramatique ? Il s’agit ici de lier invasion du réel dans le théâtre et invention de formes autour d’une dramaturgie du témoignage, du monologue ou de la forme chorale. Ce dernier exemple est illustré par l’« oratorio » inédit composé par Michel Vinaver pour la pièce 11 septembre 2001. On doit souligner la cohérence de la ligne éditoriale de la revue avec le double numéro (51-52) qui suit et qui porte sur « Le geste de témoigner ». Ce dossier est issu d’un colloque qui a eu lieu à Paris 3 et au Centre d’études théâtrales de Louvain en Belgique en 2011. On y retrouve à nouveau un article d’Hélène Kuntz sur le surgissement du réel sur la scène avec les « témoins réels » (p.26) qui interviennent dans un spectacle marquant, Rwanda 94 du Groupov, présenté en Avignon en 1999. La figure du témoin est traitée pour sa part à partir de son origine historique au XXème siècle, la Shoah, comme le rappelle Jean-Pierre …