L’Amérique francophone pièce sur pièce : dramaticité innovante et dynamique transculturellePrésentation

Mouvance contemporaine des dramaturgies de l’Amérique francophone[Record]

  • Gilbert David

Le présent dossier sur « L’Amérique francophone pièce sur pièce » a été constitué à partir d’une sélection parmi les nombreux travaux du colloque international du même nom qui s’est tenu à la Grande Bibliothèque en octobre 2009 à Montréal. Pièce sur pièce ? L’image peut renvoyer à deux significations : celle d’une dramaturgie du Divers — selon le mot de Patrick Chamoiseau —, tel un casse-tête éclaté en une multitude de morceaux dont l’assemblage revient à chacun, ou celle d’une dramaturgie en construction permanente, selon une technique ancienne appelée justement pièce sur pièce et qui est toujours en usage à notre époque. Construite dans le divers, la dramaturgie francophone d’Amérique témoigne de son inventivité et de ses dynamiques endogène et exogène, quels que soient les espaces intérieurs ou les territoires habités : Pour arpenter les territoires imaginaires de ces dramaturgies au Québec, au Canada français et dans les Antilles, le dossier propose deux grands axes complémentaires de réflexion, comprenant six articles chacun : « Échanges inter/trans/culturels et altérité dramaturgique » et « Écritures exploratoires du drame ». La fin du XXe siècle a vu s’accélérer le rythme des échanges, à la faveur de l’explosion des moyens de communication à l’échelle planétaire. Ainsi, pour le meilleur et pour le pire, vivons-nous une sorte d’éternel présent, qu’impose la consommation de masse. Et pourtant, ce sont aussi les échanges entre les petites cultures — désormais décomplexées — et les grandes — de plus en plus décentrées —, à la faveur des tensions qu’engendrent des inégalités d’accès aux moyens d’expression et de diffusion, et, il faut le reconnaître, dans la chaude solidarité entre les créateurs eux-mêmes, que se sont tissés des liens durables, du Sud au Nord et inversement, depuis les théâtres francophones d’Amérique vers les publics les plus lointains, y compris ceux qui ne partagent pas la même langue, en Europe et ailleurs dans le monde. Ce brassage des codes langagiers, dramaturgiques et scéniques, est incessant et il a pour horizon détectable l’apport grandissant de productions transculturelles, critiques, métissées, ouvertes sur la redéfinition des critères de l’art et la libre circulation des biens culturels. En écho aux propos de Chamoiseau, cités plus haut, le dramaturge José Pliya, originaire du Bénin et devenu animateur culturel dans les Antilles au cours des années 2000, ouvre le dossier avec une réflexion sur le défi de « Faire du théâtre en français en continent dominé » qui marque bien la ligne de résistance et de risque qu’appelle le fait de vivre dans un continent dominé par l’anglais — et où fleurissent également les langages créoles. Sylvie Alix Chalaye s’intéresse ensuite aux « Dramaturgies d’Afrique et des diasporas sur la scène québécoise » en mettant en lumière la résonnance des écritures d’un José Pliya ou d’un Koffi Kwahulé auprès de l’auditoire québécois, alors que leurs univers, représentés par des metteurs en scène de talent qui évacuent tout exotisme, portent un regard incisif et sans compromis sur le chaos du monde actuel. Louis Patrick Leroux s’interroge quant à lui sur la situation problématique de l’auteur dans l’activité théâtrale du Québec contemporain, lorsque celui-ci n’est pas lui-même metteur en scène, directeur artistique ou acteur; Leroux en infère un diagnostic de la condition paratopique qui frappe des écritures dramatiques laissées en plan, faute de relais en provenance des décideurs de l’institution théâtrale; est-ce là une fatalité qui résulte de la marginalisation de l’auteur dans le monde théâtral ou un effet pervers de l’augmentation géométrique du nombre des joueurs culturels ? La question reste pendante, mais elle se doit d’être posée. Le rayonnement du théâtre de Michel Tremblay à l’étranger …

Appendices