Comptes rendus

Contemporary Indigenous: Cosmologies and Pragmatics, Françoise Dussart et Sylvie Poirier, dir. Edmonton, University of Alberta Press, 2022, 345 p.[Notice]

  • Florian Lebret

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  • Florian Lebret
    Doctorant, département d’anthropologie, Université Laval, Québec

La première partie nous présente la rencontre entre les cosmologies autochtones et le christianisme. Composée des textes de Laugrand, de Vaarzon-Morel, de Tassinari et de Crépeau, elle permet d’illustrer les spécificités des religiosités enchevêtrées et la façon dont les populations autochtones intègrent et mobilisent quotidiennement le christianisme dans un cadre qui demeure cohérent avec leurs ontologies. Précisons que le terme religiosité est préféré au terme religion par les auteurs, car il permet de se focaliser sur ses dimensions expérientielles et performatives. Constamment « in the making » (p. 8), l’étude des religiosités enchevêtrées présentée ici est celle des interrelations et adaptations réciproques du christianisme et des cosmologies autochtones. Dans son chapitre intitulé « Embracing Christianity, Rejecting Western Individualism », Laugrand nous dévoile les raisons qui ont permis à l’Église anglicane de renforcer sa présence au sein des communautés inuit. L’Église anglicane a connu plus de réussites, car ses méthodes s’intégraient davantage aux ontologies relationnelles inuit que l’Église catholique, dont les méthodes d’évangélisation reposaient principalement sur des procédés individualisants. Vaarzon-Morel va, quant à elle, démontrer comment le pragmatisme, la volonté d’autonomie et les valeurs de solidarité et d’entraide, plutôt que les croyances, ont influencé le choix des Warlpiris d’Australie d’adhérer au christianisme tout en le liant avec leur religiosité autochtone (p. 75). La contribution de Tassinari porte sur la distinction observée entre les pratiques chamaniques et catholiques des Karipuna. Ces pratiques se côtoient, mais sans jamais devenir syncrétiques : les pratiques catholiques sont dédiées à la création de liens de parenté, alors que les pratiques chamaniques portent davantage sur le développement des corps et de la personne (notamment durant les phases de maternité avec des pratiques médicales distinctes) (p. 101). L’article de Crépeau nous explique que l’organisation sociale contemporaine des Kaingang est définie par la cosmologie du Déluge et servira à renforcer les principes d’interrelations et d’alliances entre humains et non-humains (p. 127). Cette première partie témoigne du choix conscient et pragmatique des communautés autochtones d’intégrer la religion chrétienne à leur système de valeurs et leurs ontologies. La seconde partie porte sur les processus dynamiques de recomposition culturelle et ontologique liés à la mondialisation et qui émergent au sein des populations autochtones. La démarche des auteurs de cette partie s’insère dans la tradition holiste des études anthropologiques en cherchant à dévoiler en quoi la mondialisation s’inscrit dans des mécanismes de production de la localité. Chacun des quatre articles qui composent cette partie présente des exemples variés d’intégration des produits de la mondialisation à une cosmologie locale. Cette partie témoigne de la capacité des peuples autochtones à réactualiser leur cosmologie, confirmant à nouveau que les ontologies relationnelles se caractérisent par leur ouverture, leur fluidité et leur flexibilité. Cette capacité des cultures autochtones à s’adapter et à maintenir leur cohérence ontologique dans la durée tout en y intégrant de nouveaux éléments allogènes est qualifiée dans l’ouvrage de « continuité transformative » (p. 9). Ainsi, Colpron débute cette partie en présentant les continuités transformatives qui lient les pratiques chamaniques contemporaines (et issues de la mondialisation) des femmes Shipibo-Konibo aux pratiques chamaniques traditionnelles. Notamment, elle décrit en quoi travailler avec des touristes permet aux chamans de faire face à de nouvelles altérités et d’acquérir de nouveaux savoirs et pouvoirs chamaniques (tels que l’assimilation de pouvoirs liés à la technologie) venant s’ajouter aux précédents (p. 148). L’article de Hall propose une réflexion sur l’enchevêtrement des pratiques locales avec des logiques et dynamiques nationales et mondiales. À partir d’observations faites lors de la journée nationale de la pomme de terre au Pérou, appelé « Papa Watay », Hall nous décrit comment les politiques environnementales mondialisées lui étant …