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Beyer Judith, 2023, Rethinking Community in Myanmar. Practices of We-Formation among Muslims and Hindus in Urban Yangon. Copenhague, Nordic Institute of Asian Studies (NIAS), Série « NIAS Monograph », no 158, 368 p.

  • François Robinne

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  • François Robinne
    Institut de recherches asiatiques, Centre national de la recherche scientifique, Campus Saint-Charles, Marseille, France

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Couverture de Solidarités et tensions, Volume 47, numéro 3, 2023, p. 11-239, Anthropologie et Sociétés

En se focalisant sur les musulmans (principalement chiites) et les hindous de Birmanie, le titre de cet important ouvrage ne rend en réalité qu’imparfaitement compte de l’approche méthodologique et théorique développée par Judith Beyer, professeure d’anthropologie sociale et politique à l’Université de Konstanz, dans Rethinking Community in Myanmar. Un ouvrage important non seulement parce que les populations d’origine indo-birmane restent à ce jour de véritables laissées pour compte de l’anthropologie birmane, mais aussi parce qu’en évitant l’impasse identitaire, l’auteure franchit un seuil dans l’appréhension de l’altérité à travers l’émergence de catégories nouvelles, dont la jurisprudence coloniale, d’un point de vue émique, constitue l’un des fondements. Judith Beyer, dont les premières enquêtes de terrain en Birmanie remontent à 2012, inscrit sa démonstration dans le courant existentialiste initié par Jean-Paul Sartre, en particulier le concept développé dans L’Être et le Néant (1992 [1943]) d’un « we-object » défini comme la mutuelle aliénation et la mutuelle réification sous le regard d’un tiers (p. 4). C’est toutefois sous la plume de Michael Jackson et Albert Piette (2017 [2015]) que s’impose depuis le milieu des années 2000 le courant dit « d’anthropologie existentielle » (« existential anthropology », p. 22), dans le sillage duquel se situe expressément Judith Beyer. L’intérêt majeur de l’ouvrage repose sur le choix de penser les formations identitaires du point de vue des individualités. Dans cette perspective est élaboré le concept de « work of community », décrit comme le produit d’actions réalisées au nom de la communauté, et celui de « we‑formation », identifié comme la « conscience de soi pré-réflexive » (p. 8, 21). C’est autour de ce double jeu d’échelle que nous entraîne Judith Beyer et dans lequel elle se positionne elle-même. De manière significative, c’est par un selfie qu’en ouverture d’ouvrage elle se met en scène lors d’une procession cérémonielle nocturne dans le centre de Yangon, en décembre 2015. Façon pour elle d’exprimer un sentiment collectif partagé, qualifié de « sensory experience » (p. 6), dans lequel elle s’est trouvée louvoyer ; manière aussi de rappeler que l’expérience sensible demeure au fondement même de l’anthropologie. La volonté affichée d’éviter le piège identitaire connaît un prolongement tout au long des six chapitres organisés autour de problématiques partagées. Dans les deux premiers chapitres sont discutées les contingences historiques de la notion de « work of community », envisagée comme une catégorie de fabrication de l’autre (other-making), à partir de laquelle la création des « eux » devient non seulement possible, mais également routinière (p. 29). À travers l’analyse de cérémonies processionnelles et domestiques du centre de Yangon, les quatre chapitres suivants s’attachent à montrer la propension d’un tel mode opératoire à se reproduire lui-même, force d’entraînement (qualifiée de « ongoing importance ») d’un processus adaptatif de formation et de transformation du social, par définition non figé. On le pressent au fur et à mesure de la lecture, c’est bien plus qu’un vide que vient combler le présent ouvrage en invitant à penser l’hétérogénéité et le rapport hiérarchisé d’altérité sous l’angle novateur d’une anthropologie dite « existentielle ». Par manque de place, je concentrerai la discussion autour de trois remarques. 1) En portant un regard focal sur les « Indiens birmans » censés n’avoir aucun passé précolonial dans le pays, le risque de réduire l’émergence de l’islam en Birmanie (Myanmar) à l’Empire britannique est d’autant plus grand qu’il s’impose au sein même de la population birmane et de ses dirigeants, laïcs ou religieux, avec les travers xénophobes qui ne se cessent de s’y développer. On comprend bien que le parcours personnel d’une chercheuse ayant à l’origine travaillé …

Parties annexes