Volume 32, numéro 1, 1991
Sommaire (18 articles)
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The alternative law of alternative dispute resolution
Gordon R. Woodman
p. 3
RésuméEN :
The perceptions afforded by the study of legal pluralism assist an understanding of the full scope and the social and moral significance of alternative dispute resolution. The latter term includes all modes and forms of dispute resolution within the legal order of the state other than the usual forms of adjudication by the ordinary courts. These modes may be classified in relatively wide and fluid categories as other forms of adjudication, and arbitration, mediation and negotiation. However, alternative dispute resolution also includes instances of all these processes which are not established, adopted, or made effective by the state. The study of legal pluralism throughout the world shows that almost everywhere are many such instances, generated within many semi-autonomous social fields other than the state, and falling into all the listed categories.
The study of legal pluralism further suggests that the different dispute settlement processes are likely to be associated with different bodies of legal norms. There is evidence that to some extent alternative state processes employ different bodies of laws. The evidence also shows that non-state processes employ bodies of norms which always differ, and may differ widely from those of state law. While legal centralism denies these norms the name of "laws", there seems no good reason not to classify such rules and principles, which order relations within social fields other than the state, as "customary law", or by some similar term.
Alternative dispure resolution processes have been lauded as enhancing the effectiveness of the law, providing wider access to justice or law. However, if the argument presented here is correct, it is not sufficient to represent them as implementing "the law". Rather each implements a different variety of law. The social functions of these different laws of different dispute resolution processes, both state and non-state, vary, and so need investigation in each particular case. Whether any law is to be approved as affecting power relations in the society concerned is similarly a matter for investigation. While it has been suggested that alternative dispute resolution processes can confer on the weak and underprivileged an opportunity to assert their interests, it has been argued against such a view that they may provide opportunities for the already powerful to increase their powers, free of the restraining influence of regular state courts. On the other hand, state processes may at certain historical moments be manipulated by the weak to their advantage. Non-state processes may, also in special circumstances, empower collectively the members of the social fields in which they operate.
FR :
La vision pluraliste du droit aide à bien comprendre la portée et la signification sociale et morale des modes alternatifs de solution des conflits, c'est-à-dire, par rapport à l’ordre juridique étatique, des modes de solution autres que celui correspondant à l'intervention décisionnelle des tribunaux ordinaires. Ces modes peuvent se rattacher à une typologie souple qui inclut d'autres formes d'adjudication, l'arbitrage, la médiation et la négociation. Mais, on doit tout aussi bien comprendre d'autres voies établies et pratiquées sans le concours de l'État. L'étude du pluralisme juridique en tant que phénomène universel permet de constater l'existence quasi universelle de tels forums correspondant à plusieurs ordres sociaux semi-autonomes et non étatiques.
L'étude du pluralisme juridique incite de plus à poser que les différents modes de solutions des conflits ont tendance à être associés à différents corpus de normes juridiques. On peut démontrer, pour ce qui est de l'ordre étatique, que, dans une certaine mesure, les modes alternatifs font appel à différents ensembles normatifs. Quant aux voies non étatiques, on peut également établir que les normes appliquées diffèrent, parfois même de façon marquée, du droit étatique. Bien qu'une conception centralisée du droit refuse de qualifier de “jurisprudence” ces normes, aucune véritable raison ne permet de refuser de tenir ces règles et principes, qui régissent des ordres sociaux autre que l'État, pour du “droit coutumier”, au sens général du terme.
On a souvent reconnu aux modes alternatifs de solution des conflits l'avantage de promouvoir l’effectivité du droit, d'élargir l'accès à la justice ou au droit. Cependant, si la présente thèse est correcte, il ne suffit plus de s'en tenir à cet apport relié à l'application du droit. En fait, chacun des modes alternatifs met en oeuvre une espèce distincte de droit. Les fonctions sociales de ces différents droits correspondant à différents modes de solution de conflits, qu'ils soient ou non étatiques, varient; d'où la nécessité d'une approche spécifique. De même, doit-on étudier, dans toute société donnée, si une loi y porte atteinte aux rapports de pouvoirs. Si on a avancé l'idée que les modes alternatifs de solution des conflits offrent aux parties faibles et défavorisées l'occasion de faire valoir leurs intérêts, on a aussi soutenu, à l'inverse, qu'ils peuvent permettre à des justiciables déjà bien nantis, d'augmenter leurs pouvoirs, étant ainsi à l'abri de l'influence régulatrice des tribunaux étatiques. À certains moments de l'histoire, les démunis peuvent même manipuler à leur avantage l'intervention étatique. Les voies non étatiques peuvent également, en certaines circonstances particulières, favoriser collectivement les membres de certains collectivités dans lesquelles elles interviennent.
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Autochtones et droit : le nouveau droit norvégien des Samés (Lapons)
Bjarne Melkevik
p. 33–57
RésuméFR :
La recherche d'un modus vivendi juridico-politique avec les peuples autochtones est à l'ordre du jour partout dans le monde. L'auteur analyse ici le modèle norvégien dans lequel, par des réformes constitutionnelles et législatives, la Norvège a octroyé des droits substantiels à sa minorité culturelle, le peuple samé (lapons). Cet article examine le contexte et le contenu du droit constitutionnel par lequel l'État norvégien accorde une discrimination positive aux Samés. L'État assure une aide économique aux Samés afin d'assurer leur survie culturelle et politique. Le droit politique qui leur est accordé leur permet l'instauration d'un parlement samé, élu au suffrage universel par la population samée, et ayant une large compétence politico-juridique sur les affaires samées.
EN :
The search for a legal and political modus videndi with native peoples is a current topic worldwide. Here the author analyses the Norwegian model in which by means of constitutional and legislative reforms, Norway has granted substantial rights to its cultural minority : the Lapps. This article reviews the context and content of the constitutional law by which the Norwegian government granted a positive discrimination to the Lapps. The State provides economic assistance to the Lapps in order to ensure their cultural and political survival. The political right granted to them enables the institution of a Lapp parliament elected by universal suffrage by the Lapp people and having sweeping politico-legal jurisdiction in Lapp affairs.
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Le Tribunal Waitangi et les droits des autochtones
Marie-France Chabot
p. 59–85
RésuméFR :
La question est de savoir si nous disposons actuellement d'institutions adéquates pour aboutir à une définition des droits des peuples autochtones du Canada qui satisfasse ces derniers et leur rende justice. Plus particulièrement, il faut se demander si le fait que nos tribunaux soient uniquement constitués de juges provenant de la société dominante, dont la culture juridique repose sur des bases différentes de celles des peuples autochtones, ne constitue pas une lacune fondamentale lorsqu'il s'agit d'interpréter des textes bilatéraux, dont les deux signataires ne participent ni de la même conception de la propriété foncière ni de la même philosophie des droits et du droit.
Pour jeter un éclairage sur cette question complexe, l'auteure a jugé utile d'étudier une institution néo-zélandaise, le Tribunal Waitangi. Cette institution tout à fait originale est composée pour moitié de représentants des tribus Maoris et pour moitié de représentants de la culture dominante anglo-saxone blanche. Le tribunal a pour mandat de recevoir et de traiter toutes les plaintes et réclamations provenant des autochtones et fondées sur le Traité de Waitangi datant du début de la colonie. Il ne rend pas décision finale mais dispose de divers moyens d'action, de moyens procéduraux innovateurs et d'une assez grande crédibilité tant auprès des autochtones qu'auprès de la Couronne. Quoique datant seulement de 1975, cette institution a déjà reçu ses lettres de noblesse.
Établissant donc un parallèle entre la problématique néo-zélandaise et canadienne en matière autochtone, l'auteure défend l'utilité de l'institution étudiée pour traiter de la situation des autochtones en Amérique du Nord et solutionner certaines impasses.
EN :
The issue at hand is to assess whether we presently have adequate institutions for defining the rights of native peoples of Canada which may be satisfactory and fair for them. More specifically, we must question whether the fact that our courts are solely composed of justices originating in the dominant society whose legal culture lies upon a basis distinct from and contradictory to that of native peoples, does not constitute a major flaw when comes the time to interpret bilateral texts the signatories of which do not even share the same concept of real property nor a common philosophy of rights and law.
To cast new light on this complex issue, the author deemed it useful to study the New Zealand institution of the Waitangi Tribunal. This most original tribunal is made up half from representatives of Maori tribes and the other half from representatives of the dominant white Anglo-saxon culture. The mandate of the tribunal is to receive and hear all complaints and claims from indigenous peoples and based on the Waitangi Treaty which dates from the beginning of the colony. It does not hand down final decisions, but has at its disposal various means for acting, innovative procedural methods and a substantial enough credibility both amongst indigenous peoples and the Crown. Although it only dated from 1975 to the present, this institution has already acquired its letters of nobility.
Hence, by setting up a parallel between the New Zealand and Canadian approaches to native peoples, the author submits the relevance and utility of the institution under study for dealing with the situation of native peoples in North America and breaking many of the present deadlocks.
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La nécessité de réformer législativement les pouvoirs de police et la procédure pénale
Gilles Létourneau
p. 87–102
RésuméFR :
Les contraintes économiques et la nécessité de clarifier les droits et les obligations respectives des citoyens et des policiers, d'assurer à ce titre un meilleur équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels ainsi que d'augmenter l'efficacité policière en reconnaissant au plan légal certaines possibilités nouvelles offertes par les développements technologiques récents rendent nécessaire et inévitable une réforme législative des pouvoirs policiers. Les tribunaux peuvent sanctionner les abus législatifs mais ne peuvent usurper ce pouvoir ou s'y substituer.
EN :
Economical constraints along with the necessity to clarify the rights and obligations of citizens and police officers, to strike a better balance between collective and individual rights and to increase police efficiency by legally acknowledging new possibilities offered by recent technology have made necessary and inevitable a legislative reform of police powers. Courts can control legislative abuses but they cannot assume the legislative power.
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Les règles procédurales entourant la recevabilité des déclarations extrajudiciaires
Pierre Arguin
p. 103–152
RésuméFR :
Une déclaration extrajudiciaire, étant un témoignage indirect, constitue la meilleure preuve susceptible de condamner un suspect. Les forces policières ont donc tendance à privilégier ce mode de recherche de la vérité au point de heurter certains des droits les plus fondamentaux des citoyens.
Les tribunaux, depuis plus d'un siècle, ont donc voulu pallier de telles situations en adoptant des règles de preuve et de procédure entourant la recevabilité des déclarations extrajudiciaires. Récemment, le Législateur a élevé au rang de garantie constitutionnelle certains de ces droits fondamentaux afin de protéger davantage les citoyens contre de telles violations.
Le texte qui suit vise à faire le point sur les règles procédurales entourant la recevabilité des déclarations extrajudiciaires, suite à la fusion des règles de common law et de celles de la Charte canadienne des droits et libertés.
EN :
An indirect testimony, a confession constitutes evidence most likely to convict a suspect. It is not surprising, then, that police forces tend to favour this method of seeking truth, to the point of infringing upon some of the most fundamental rights of citizens.
For more than a century, therefore, the courts have sought to remedy such situations by adopting various rules of proof and procedure relative to the admissibility of confessions. In order to further protect citizens against this type of infringement recent legislation has raised some of these fundamental rights to the level of constitutional guarantee.
The purpose of the following text is to study the rules of procedure regarding the admissibility of confessions in light of the fusion of the rules of common law and those of the Canadian Charter of Rights and Freedoms.
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Grands pas et faux pas de l'abus de droit contractuel
Pierre-Gabriel Jobin
p. 153–177
RésuméFR :
Avant de passer en revue les très nombreuses applications de l'abus de droit dans le prêt d'argent, le contrat individuel de travail et le contrat de distribution commerciale, l'auteur examine les critères, la notion et le fondement de l'abus de droit en matières contractuelles. Il est d'accord avec les tribunaux pour l'emploi de critères tels que la malice, la rupture imprévisible et injustifiée du contrat, la prise de sanctions contre le cocontractant sans aucun motif juste et suffisant et la poursuite d'un but manifestement illégitime ; il considère toutefois que le critère de la simple négligence est trop large.
L'auteur constate que la doctrine de l'abus de droit en matières contractuelles est devenu une norme générale de conduite applicable en principe à tout contrat. Cette norme est assez souple pour s'adapter à une grande diversité de situations. L'abus de droit se fonde sur la bonne foi dans l'exécution, l'interprétation et la fin du contrat. La responsabilité qui en découle est contractuelle, et non extracontractuelle.
EN :
Before reviewing the many applications of abuse of rights in contracts to lend money, individual contracts of employment and contracts for the commercial distribution of goods, the author examines the criteria, the concept and the legal basis of abuse of rights in contractual matters. He agrees with the courts for using criteria such as malice, unforeseeable and unwarranted termination of the contract, the imposition of sanctions against the other contracting party without cause and the pursuit of a patently illegitimate purpose. Nonetheless, he considers that mere negligence is too broad a criterion.
The author notes that the doctrine underlying abuse of rights in contractual matters has become a general standard of behaviour applicable in principle to all contracts. This standard is sufficiently flexible to adapt to a wide variety of situations. Abuse of rights is based on good faith in the performance, interpretation and termination of the contract. Liability resulting therefrom is contractual, not extracontractual.
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La sous-traitance et l'article 45 du Code du travail après l'affaire C.S.R.O.
Alain Barré
p. 179–231
RésuméFR :
Cet article a pour but de vérifier les conditions d'application de l'article 45 du Code du travail dans les situations de sous-traitance depuis l'arrêt du 22 décembre 1988 de la Cour suprême dans l'affaire C.S.R.O. À cette fin, l'auteur examine de manière systématique la jurisprudence postérieure à l'arrêt de la Cour suprême.
En matière de sous-traitance simple, l'arrêt C.S.R.O. ne modifie pas l'application de l'article 45 lorsque l'activité du sous-traitant s'intègre à l'activité du donneur d'ouvrage. Toutefois, lors de sous-traitance extérieure, l'application de l'article 45 est maintenant conditionnelle au transfert des moyens de base permettant la production du bien ou du service recherché. Enfin, lors d'un changement de sous-traitants — la sous-traitance successive — l'auteur constate que l'exigence d'un lien de droit entre le nouvel employeur et l'employeur précédent, exigence formulée par l'arrêt C.S.R.O., doit être limitée, selon la jurisprudence du Tribunal du travail, aux seules situations où le syndicat était accrédité à l'origine auprès du premier sous-traitant.
EN :
The purpose of this article is to assess the conditions of application of article 45 of the Labour Code in subcontracting situations since the Supreme Court's decision in the C.S.R.O. case on December 22, 1988. As such, the author has systematically analyzed case law subsequent to this decision.
With regard to subcontracting, the C.S.R.O. case decision does not alter the application of article 45 when the subcontractor's activities become integrated into those of the prime contractor. Nonetheless, when external subcontracting occurs, the application of article 45 then becomes conditional to the transfer of the basic means needed for producing the goods or rendering the desired services. Lastly, when a change of subcontractor(s) occurs — successive subcontracting — the author notes that the existence of a legal relation between the preceding employer and the new employer, a condition formulated by the C.S.R.O. decision, can only be applied in accordance with the case of the Labour court when the union was originally certified for the first subcontractor.
Chronique bibliographique
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ETHEL GROFFIER et DAVID REED, La lexicographie juridique: principes et méthodes, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 1990, 151 p., ISBN 2-89073-744-6.
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DENIS LEMAY, Méthodologie du travail juridique, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 1990, 131 p., ISBN 2-89127-157-2.
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EMMANUEL DIDIER, Langues et langages du droit, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 1990, ISBN, 2-89127-156-4.
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THIERRY BOURGOIGNIE, Éléments pour une théorie du droit de la consommation, Bruxelles, Story Scientia, (Coll. « Droit et consommation », XVI) 1988, 554 p., ISBN 90-6439-456-3.
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GERMAIN BRIÈRE, Donations, substitutions et fiducie, Wilson & Lafleur Ltée, Montréal 1988, 345 p., ISBN-2-89127-097-5
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PAUL MARTEL (en collaboration avec Luc MARTEL), Les conventions entre actionnaires, 3e édition, Montréal, Wilson & Lafleur/Martel Ltée, 1989, 350 p., ISBN 2-920831-08-9.
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PAUL-ANDRÉ CRÉPEAU, L'intensité de l'obligation juridique ou Des obligations de diligence, de résultat et de garantie, Montréal, Édition Yvon Blais, 1989, 232 p., ISBN 2-89073-726-8.
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HENRI BRUN et GUY TREMBLAY, Droit constitutionnel, 2e édition, Montréal, Les Éditions Yvon Blais inc., 1990, 1232 p., ISBN 2-89073-736-5.
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JACQUES MOREAU, Droit administratif, Paris, Presses Universitaires de France (Coll. « Droit fondamental »), 1989, 569 pages, ISBN 2-131042925-4, ISSN 0-299-2418.