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Enracinements, déracinements

  • Julien Lefort-Favreau

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  • Julien Lefort-Favreau
    Université Queen’s

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Couverture de Démarches de recherche-création, Volume 48, numéro 3 (144), printemps–été 2023, p. 9-104, Voix et Images

J’entendais récemment le philosophe Étienne Balibar au micro de Laure Adler sur France-Inter analyser (de manière revêche) la faillite de la politique à l’aune des trois grandes catastrophes globales qui exigent des solutions globales : l’informatique, la guerre contre l’environnement, et la militarisation généralisée des économies et des sociétés. Afin de contrer les ravages de la mondialisation, Balibar tente d’imposer le concept de cosmopolitique, une nouvelle forme d’internationalisme (on ne refait pas les vieux communistes, et c’est bien ainsi). La cosmopolitique est également une manière de penser l’accueil des réfugiés, qui constitue l’un des thèmes centraux de son oeuvre. Toute la gauche radicale n’est toutefois pas unie derrière l’idée d’une « globalisation » de la résistance. Le récent livre de Kristin Ross La forme-Commune explore les possibles alternatives radicales à petite échelle qui émergent lorsque l’État devient complètement impuissant devant la destruction du monde par le capital. Plus près de nous, Yves-Marie Abraham pense lui aussi des « communs » politiques afin de mettre en place des stratégies de décroissance qui répondent aux intérêts et aux préoccupations de communautés spécifiques. Ces enjeux me semblent trouver des inflexions intéressantes dans les deux essais dont je parlerai ici, en ceci qu’ils posent, chacun à leur façon, la question de l’enracinement, de l’appartenance à une identité nationale. Mais ils parlent surtout des manières par lesquelles la culture propose, à travers un ensemble de signes, une mise en forme de ces conflits entre mondialisation de la pensée et enracinement. Chronique d’un temps fou de Véronique Dassas et Lise Bissonnette. Entretiens de Pascale Ryan sont deux livres qui aident à penser les coordonnées sensibles qui fondent notre rapport au territoire et à la communauté. Originaire de Bordeaux, arrivée au Québec dans la vingtaine, c’est à la tête de Temps fou qu’elle fit ses marques. Temps fou est une revue extrêmement importante dans l’histoire des idées au Québec, en ceci qu’elle fait la transition entre la contre-culture de Mainmise et la prise en compte des revendications socialistes, féministes, écologistes ; je l’ai connue sur le tard, en archiviste et non pas en contemporain. La revue a eu plusieurs vies : une première, brève, en 1974, puis une seconde entre 1978 et 1983, et une troisième entre 1995 et 1998. C’est dans la seconde mouture que Dassas fait son apparition, aux côtés de Serge Martel, Christian Lamontagne et Louise Vandelac. La revue est belle et dynamique, propose une grille graphique ludique, accorde une place importante à la culture et au militantisme, et donne la parole aux personnes marginalisées, notamment les femmes et les personnes homosexuelles. Temps fou n’est pas vraiment un magazine grand public, mais se rapproche tout de même dans le ton plus du journalisme que des revues culturelles qui lui sont contemporaines, comme le Liberté de François Ricard et Yvon Rivard. Son approche journalistique la rapproche davantage de La vie en rose, avec laquelle elle partage plusieurs collaboratrices. La version plus récente de Temps fou, en plein coeur des années 1990, de part et d’autre du référendum, propose elle aussi un journalisme bien distinct de celui que l’on retrouve dans les médias de masse ou dans les hebdos culturels comme Voir. Signe des temps, on retrouve davantage d’universitaires à cette époque : Georges Leroux, Thierry Hentsch, Catherine Mavrikakis. Excellent lieu de débat, d’opinion, Temps fou dernière mouture laisse la part belle aux enjeux internationaux, mais aussi à la culture underground (la revue est très ancrée dans la culture montréalaise). J’ai lu l’ensemble des numéros, et la plume de Dassas, qui est aussi rédactrice en chef, se démarque par sa lucidité et …

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