ChroniquesPoésie

Déambulation dans les couloirs du temps

  • Denise Brassard

…plus d’informations

  • Denise Brassard
    Université du Québec à Montréal

L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.

Options d’accès :

  • via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.

  • via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.

Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.

Options d’accès
Couverture de Fictions québécoises de l’ailleurs, Volume 48, numéro 2 (143), hiver 2023, p. 7-156, Voix et Images

Les échéances des dernières années et jusqu’à la notion même de temps ont été tellement chamboulées par la pandémie qu’il me semble qu’une éternité ou presque s’est écoulée depuis ma dernière chronique. Si bien que de nombreuses publications, dont plusieurs « incontournables », sont passées sous silence. Par ailleurs, cette perturbation de nos horaires réglés au quart de tour a, en quelque sorte, remis les pendules à l’heure et rafraîchi du même coup notre regard sur la poésie. Après avoir accumulé les lectures et vu la pile sur mon bureau prendre des allures de tour de Pise sans parvenir à arrêter mon choix, triste à l’idée de faire l’impasse sur des oeuvres de valeur bien que moins récentes, j’ai souhaité donner sa chance à ce rapport renouvelé au temps. Aussi, plutôt que de me concentrer sur deux ou trois oeuvres parues dans les derniers mois, je vous propose une déambulation en poésie, en compagnie de six auteurs dont les recueils ont été publiés au cours des deux dernières années et que l’intérêt pour le temps et l’espace rassemble sous le signe de la connivence. Après tout, la revue Voix et Images n’a jamais fait dans la nouveauté à tout prix. Dans son dernier recueil, avec la grande sensibilité qu’on lui connaît, Denise Desautels se laisse traverser par le tragique de la crise que nous vivons et qui nous place devant l’éventualité de notre disparition. Comment échapper à la « stase épileptique » que provoque « le sentiment de la fin », pour reprendre les mots de Paul Chamberland ? Comme le suggère Antoine Emaz, cité en épigraphe, il importe de « continuer à parler/tant que la parole porte » (7), et c’est précisément ce que fait la poète, en s’adressant à l’autre, en l’occurrence Sylvie Cotton, l’artiste dont onze oeuvres accompagnent les textes. Ça commence donc par une voix, celle de l’artiste, on le suppose, qui met en présence, dans l’espace intime de l’atelier, deux femmes et des oeuvres au sein d’un poème intitulé « Tu dis » (11). Relayée par le poème, cette parole se mêle aux regards échangés, médiatisés par les oeuvres, prisme par lequel le monde apparaît à la fois catastrophique et apprivoisable : « Comme si faire demi-tour était encore possible. » (11) Entre les oeuvres et les poèmes s’ouvre un espace où recueillir les morts, que chacune porte en elle, se faisant tour à tour crypte, enceinte maternelle, fosse ou berceau, linceul ou maison. Les morts s’y empilent comme les peurs : « Il y en a toujours trop. » (16) Il faut les compter, sans toutefois les réduire à des nombres. Compter comme on berce, pour apaiser. Comment garder vivants les morts ? Comment « se refaire un regard » (24) devant la dévastation ? Avec toute l’attention qu’on leur porte, mais aussi leur force de résonance dans l’espace de l’atelier, les mots agissent comme des caresses qui relient et rapprochent, des remparts contre la perte, la détresse, voire l’imminence de la disparition. Leur matérialité exacerbée oppose une résistance en même temps qu’elle dialogue avec les oeuvres. De concert avec les oeuvres picturales, sculpturales et littéraires citées, la poète interroge le sens de la présence, de notre présence sur Terre : Au plus fort de cette présence, refondée dans l’espace dialogique de l’atelier, les corps, les voix sont interchangeables. L’oeuvre parle et le poème performe le corps exposé de ces femmes tout à la fois enfants et méduses, victimes et bourreaux, brûlées vives par la lumière même qui les met au monde : Bientôt les murs de l’atelier se confondent avec les parois du …

Parties annexes